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terprête. A la tête de la feconde marchoit Monfeigneur l'Evêque fuivi du Pere du Han, de Monfieur Aroution d'un de fes parens, & d'un Prêtre de l'Eglife des Chérimans. Monfieur Petros, frere de M. Arou tion, un de fes neveux, & fon beau-frere qui pouvoit fervir d'Interprête à Mgneur l'Evêque, voulurent être du voyage.

Le jour de Pâques on arriva dans une ville où Monfeigneur dit la Meffe, à laquelle tous les Catholiques communierent. Nourris du pain des forts, ils continuerent leur voyage; & après neuf jours d'une marche pénible, ils arriverent au terme.

Les fatigues de ce voyage furent suivies de beaucoup d'autres incommodités. Ils attendirent long-temps leur audience; & pendant une femaine entiere:

ils furent obligés de paffer une bonne partie du jour à la porte du Palais, expofés au Soleil, & en fpectacle à une troupe de de foldats qui montoient la garde. Les Vertabiets profitoient. de ce délai pour fe faire des protecteurs par les préfens qu'ils répandoient à pleines mains. Meffieurs Chérimans jugerent qu'il falloit défendre la bonne cause avec les mêmes armes dont on fe fervoit pour l'attaquer. Les Miniftres du Prince connoiffoient toute l'injuftice des Vertabiets, & ils n'avoient aucun intérêt à fatisfaire leur vengeance; mais ceux qui les servoient en avoient un grand à traîner l'affaire en longueur; & ces délais valoient beaucoup, Enfin après bien des dépenfes de part & d'autre, l'audience fut promife & accordée.

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Pendant que tout cela fe paffoit à la Cour, nous étions à Julfa dans l'attente de ce grand évenement qui devoit décider du fort de la Religion dans le Royaume de Perfe. Nos ennemis avoient grand foin d'ameuter contre nous la populace. Nous ne pouvions paroître dans les ruës fans entendre blafphémer contre notre fainte Foi. La confpiration étoit prefque gé→ nérale. Les enfans ne fe contentoient pas de nous dire des injures, ils nous jettoient des. pierres, & nous fumes infultés plus d'une fois. Les Emiffaires du Patriarche faifoient courir les bruits les plus défavantageux. On difoit tantôt que Monfeigneur l'Evêque, que le Pere du Han & Monfieur Aroution avoient été conduits liés & garottés; tantôt qu'on avoit fait

mourir notre Supérieur, qu'on avoit coupé la tête au Prélat, le nez & les oreilles à Monfieur Aroution, & que le Catholique, Interprête de Monfeigneur l'Evêque, avoit été étranglé. Nous étions bien perfuadés que tous ces bruits étoient fans fondement, mais nous n'avions point de preuves contraires à oppofer. Une avanture finguliere, que fit naître le hafard, augmenta nos allarmes, & confirma le Peuple dans les idées qu'on lui avoit données. Le Patriarche, qui étoit encore ici, fut invité le jour de Quafimodo à un grand repas que donnoit un Arménien. Il étoit huit heures & demie du foir quand il fe retira, & à fon arrivée on fonna toutes les cloches du monaftere, pour lui faire honneur. Les Paroiffiens du voisinage,qui enten

dant cette fonnerie à une heure indûë, crurent qu'il étoit venu quelques nouvelles, & qu'on vouloit l'annoncer au Peuple par ce carillon. Ils coururent à leurs Eglifes, & battirent leurs planches. (Pour bien entendre cette expreffion, il faut fçavoir que dans ce pays il n'y a de cloches que dans les monasteres, & que les Paroiffes n'ont au lieu de cloches que des planches arrangées avec fymmétrie, fur lefquelles on frappe en cadence avec des marteaux de bois.) A ce bruit extraordinaire chacun fort en foule de fa maifon pour fçavoir quelle eft donc la nouvelle qui vient d'arriver. Perfonne ne répond, parce que tout le monde l'ignore. On va jufqu'au monaftere: on en trouve les portes fermées: on apprend feulement que quelques

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