rien refufer.Le Pere Damien faifit cette heureufe conjoncture, & profita de fes avantages. Il préfenta fa Requête & la fit appuyer par fon malade. Le Roi y eut égard & défendit qu'on inquiétât les Catholiques dans toutes les terres de fa domination: l'ordre fut envoyé, mais les intéreffés trouverent de l'éluder.

moyen

le

Pendant ces délais, Dieu permit que le Monarque lui-même fût attaqué d'un mal de foye. Son Neveu lui préfenta le Pere Damien pour le traiter, & ce Pere eut le bonheur de le gué, rir. Il ne demanda pour toute récompenfe de ce fervice fignalé qu'un ordre de Sa Majefté, pour se transporter à Tefflis, avec commiffion de rétablir les Perfécutés dans leurs maisons & dans leurs biens. Il l'obtint;

& fecondé du Prince fon protecteur, il fe fit donner par le Calanthar de la ville, un écrit signé, par lequel ce premier Juge & tous les Arméniens s'engageoient, fous peine de perdre leurs biens & même la vie, à ne plus inquiéter ni les Peres ni les Catholiques.

Le Patriarche furieux de voir que fon crédit & fon argent, étoient inutiles, dreffa une nouvelle batterie. Il obtint fecretement un ordre par lequel il étoit enjoint à tous ceux qui s'étoient faits Catholiques depuis quinze ans, de revenir à l'Arménisme. Il prit mal fon temps. Le Pere étoit alors à la Cour. Averti par fes amis des démarches du Patriarche, il ne fe contenta pas de les traverfer; il fit donner un ordre décifif en faveur des Catholiques.

Tout autre que le Patriarche auroit quitté la partie; mais toujours acharné à la perte de la Religion, il ne fe rebuta point, & voulut faire un dernier effort: il n'avoit point réuffi par les prieres, il voulut impofer par l'éclat. Il parut à l'Audience du Roi avec un air de grandeur & de magnificence, peu convenable à un fujet. .

Le Prince en fut frappé. Il lui demanda quels revenus il avoit pour trancher ainfi du grand Seigneur, & du petit Souverain. Il répondit qu'il n'avoit que ce qui étoit fuffifant l'entretien de fon Monafpour tere d'Edchmiadzim; mais le Roi étoit inftruit. Il le condamna à lui céder cinq villages, & à lui payer 2500 tomans; il le renvoya efcorté d'un Moifil: qui devoit rapporter cette fomme,

& la remettre au Tréfor Royal. Ce dernier coup l'accabla, & fes pourfuites cefferent enfin. Cette punition du Patriarche, la faveur du Pere Damien, & la protection dont nous honorent Meffieurs les Anglois, qui font de retour à Ifpaham; tout nous annonce du moins pendant le refte de ce règne un calme heureux & une tranquillité conf

tante.

Nous avons vu dans ces temps orageux, des prodiges de valeur & de générosité chrétienne; des Fideles réfifter en face aux Prêtres Schifmatiques & aux Vertabiets qui vouloient les conduire, malgré eux, à l'Eglife des Arméniens; un pere fe faire l'Apôtre de fa maison qui s'étoit pervertie pendant fon abfence, & la rendre Catholique; une Veuve convertir

fa famille entiere & l'attirer à la vraie Foi, par fes discours par fa piété, par fon exemple;

nous avons vû un enfant de dix à douze ans, fe mettre dans le rifque de mourir, & mourir en effet victime de fa fermeté. Il étoit fils d'un païfan des environs de Julfa,& il commençoit à fréquenter notre Ecole: fon pere qui étoit Arménien entreprit de lui faire abjurer fa Foi; careffes, follicitations, larmes, prieres, tout fut employé. On eut recours aux menaces, le pere employa les rigueurs, l'enfant les fouffrit fans fe plaindre, & fa résistance fut invinci ble. Les mauvais traitemens furent portés à une fi grande violence, qu'il en tomba malade, & perdit la vie fans avoir rien perdu de fa conftance & de sa Foi.