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Je finis cette Lettre par quelques traits qui m'ont échappé jufqu'ici fur la Religion des Arméniens. Ils anathématifent folemnellement le Concile de Calcédoine, faint Leon, & l'Eglife Romaine, quatre fois l'année ; c'est-à-dire, le Samedi avant la Quinquagefime, la veille de la Transfiguration, la veille de l'Affomption & la veille de Noël.

Ils ne croyent ni le Jugement particulier, ni le Purgatoire; & ils prétendent que les ames de tous ceux qui meurent vont dans un même lieu, où elles attendent le jugement dernier, les unes dans la joye, les autres dans la trifteffe: vous voyez qu'ils enchériffent fur l'Erreur des Millénaires. Quoiqu'ils ne croyent point de Purgatoire, ils font cependant des prieres

pour les Morts.Nous regardons cela comme une inconféquence, mais l'efprit d'intérêt les empêche de l'appercevoir.

en mettons.

À la Meffe, ils ne mettent point d'eau dans le Calice, & ils nous traitent d'hérétiques parce que nous Voici fur quoi ils fe fondent: c'eft, difent-ils, que lorfque Jefus-Chrift confacra il ne fe fervit de vin, & que la que Meffe étant le renouvellement de la Cêne, on doit pratiquer de point en point ce que JesusChrift pratiqua.

ou

Quand une perfonne malade n'a pû, par quelque accident, recevoir la Communion quand elle eft près de mourir fans avoir pû fe confeffer, ils lui mettent le Corps de JefusChrift dans la bouche lorfqu'el le rend le dernier foupir.

Ils font étonnés de voir plu fieurs Autels dans nos Eglifes, & de voir dire plufieurs Meffes fur chaque Autel. Jefus-Chrift, difent-ils, n'a confacré qu'une fois fur la même table, & parconféquent on ne doit dire qu'une Meffe fur chaque Autel. Dans le temps du jeûne ils mangent à toute heure & ils ne s'en font aucun fcrupule, pourvû qu'ils ne mangent point de mets défendus. Nos Catholiques font les feuls qui ne faffent qu'un repas par jour.

L'abftinence eft beaucoup plus refpectée; en ce genre, ils portent le fcrupule jufqu'à des excès: fi pour guérir une maladie il falloit ou manger gras, ou commettre un péché mortel; dans la néceffité de choifir, il vaudroit mieux, felon eux, pécher mortellement que

de rompre l'abftinence.

Quand les femmes font en deuil, elles ne fortent qu'au bout de quarante jours; quelques-unes même ne fortent qu'au bout de l'an, & pendant tout ce temps-là, elles n'entendent point la Meffe; c'eft, difent-elles, la coutume du païs, coutume ou plutôt abus, qu'ont aboli les Miffionnaires parmi les Catholiques.

Je finis, mon Révérend Pere, & je compte vous marquer dans une autre Lettre, quelles font nos occupations, au dedans & au dehors. Vous verrez que nous ne fommes pas defœuvrés, & qu'outre les Langues qu'il faut apprendre, on a befoin ici plus qu'ailleurs, de lumieres, de fcience, de précautions, de modération, de patience. Qu'on ne nous repro

che point que dans ce païs les converfions ne font pas bien fréquentes, fongez que c'eft de Schifmatiques opiniâtres que nous fommes environnés; demandez à nos Miffionnaires de France fi dans leurs excurfions Apoftoliques ils ne convertiffent pas bien moins d'Hérétiques que de pécheurs.

C'eft à leur expérience que j'en appelle;j'ai l'honneur d'être avec les plus refpectueux fenti

mens,

Mon Révérend Pere, de votre Révérence,

Le très-humble & très

obéiffant ferviteur.

DESVIGNES, de la C. de Jefus.

A Julfa, ce 26 Mai 1744.