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LETTRE

DU P. CHABERT, Miffionnaire de la C. de Jefus au P. Procureur des Miffions du Levant.

Sur l'emprisonnement des Miffionnaires à Damas.

MON REVEREND PERE,

C

P. C.

Essez de nous plaindre, & félicitez-nous de ce que nous avons eu quelque part au Calice de notre divin Maître. Qu'il eft flateur, qu'il eft glorieux pour des hommes qui fe font dévoués aux travaux du

Ministère Apoftolique, d'effuyer les fouffrances & les tribulations qui en font l'appanage; d'avoir des traits de reffemblance avec leurs premiers modeles ; & de trouver, en étendant l'empire de l'Eglife, les perfécutions qui l'ont établie! Vous demandez une Relation exacte de cet évenement; je fuis en état de la faire,puifque j'ai eu le bonheur d'être un des prifonniers.

La ville de Damas, extrêmement grande & peuplée, offre aux Miffionnaires un champ vafte & pénible à cultiver. Dès la naiffance du Chriftianifme faint Paul y trouva des perfécuteurs, & ils n'y manquent pas aujourd'hui. En 1721, nos Milionnaires eurent recours à Monfieurle Marquis de Bonac, alors Ambaffadeur de France à

Conftantinople, & ils le prierent d'obtenir de la Porte, un Ferman ou Commandement qui les mît à couvert des infultes & des violences auxquelles ils étoient expofés. Ce Seigneur zélé pour le progrès de la Religion & pour la fûreté des sujets du Roi, obtint ce qu'ils defiroient. Vous ferez peut-être bien aise de fçavoir en quelle forme s'expédient les ordres du Grand Seigneur.

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« Refpectable Vifir, grand » Confeiller qui gouverne les >> affaires par la pénétration de fon efprit, très-puiffant & no»bleBacha de Damas, Chef de la >> caravane de la Mecque, mon Vifir, le Bacha que Dieu faffe profpérer, le plus jufte des Ju»ges Mahométans, le vertueux >>&preux dépofitaire de la fcience des Apôtres & des Prophe

«tes, que Dieu feconde & aug

« mente fes vertus.

»A l'arrivée de ce Commande

>>ment, vous fçaurez que leMarquis de Bonac, Ambaffadeur "du Roi de France à notre fubli"me Porte,& le modele des Sei"gneurs de la Nation Chrétien»ne, a envoyé à notre Trône de félicité, une requête, afin que "tous les Evêques & Religieux dépendans de France,de quelque Ordre qu'ils foient, fe te"nant dans les bornes de leur profeffion,ne foient empêchés » d'exercer leur Religion dans >> toute l'étendue de notre Empi»re, où ils font jufqu'à préfent » leur réfidence, conformément "aux Capitulations; & ayant appris que le chef des Janiffaires » & autres Officiers, avoient inquiété les Religieux François » habitans à Damas,& empêché

כם

» de lire l'Evangile, & d'exercer » les fonctions de leur rit,en leur » faifant des avanies contre les >>Capitulations,nous avons donné le présent Commandement pour empêcher que perfonne >> ne contrevienne aux Capitula» tions fufdites; ainfi à l'arrivée de ce noble Commandement, » vous ne fouffrirez pas qu'on in» fulte lefdits Religieux. Fait à Conftantinople la bien gardée, » au commencement du mois d'Iemetvel, (Mai), l'an mil » cent trente- trois »; ce qui, felon notre façon de compter, revient à l'année 1721.

Munis d'un pareil Commandement, nous nous croyons en fûreté; mais le calme dura peu, nous cherchâmes encore des protections auprès du Bacha de Damas. Monfieur le Marquis de Villeneuve, plus

respecté