quoiqu'elle gémiffe comme le refte de la Grece fous le joug de la tyrannie Ottomane, elle eft encore aujourd'hui une ville confidérable. Sept ans de féjour que nous y avons fait, nous ont donné tout le temps de la bien reconnoître, & nous ont mis en état d'en faire une› defcription exacte. Salonique, ainfi qu'on la nomme à préfent, a environ deux lieuës de tour. Il ne paroît pas que fon enceinte ait jamais été beaucoup plus grande; on voit feulement du côté le plus élevé de la ville les reftes d'un ancien mur dont la longueur eft d'environ un mille, il n'y a que quelques pas de diftance entre ce mur, & celui qui la renferme aujourd'hui. Il ne reste aucun veftige qui puiffe faire conjecturer qu'elle ait eu des faux bourgs, & des maisons de plaifance. Elle eft fermée d'un fimple mur flanqué d'efpace en espace par de méchantes tours quarrées; elle s'étend du Sud-Eft au Nord-Oueft environ deux milles en ligne droite; & de ce côté-là la mer baigne prefque par-tout fes murs. Du Couchant au Septentrion, fon enceinte qui s'éleve fur des colines eft fort irréguliere. Au plus haut de cette enceinte on voit un château qu'on appelle les Sept Tours; ce château a toujours été peu de chofe, & maintenant il tombe en ruine: il eft cependant garni de bonnes piéces de canon.A côté & au pied de ce château on trouve une espèce de fauxbourg ou de petite ville, féparée du refte de Salonique par une enceinte de murailles. Cet endroit n'eft habité que par des Turcs. L'air y eft pur, & la vie fort étendue, puifque de-là on découvre aifément les montagnes d'Epire & celles de Theffalie. Outre ce château, Salonique a encore trois Forts: le premier eft à la pointe d'un angle que font les murs entre l'Orient & le Midi; il ne confifte qu'en deux groffes tours, l'une ancienne & quarrée, l'autre récente & ronde,qui n'eft féparée de la mer que par une petite enceinte avec trois ou quatre tourelles ou vedettes. Les Turcs firent conftruire cette tour il y a environ cent ans. Le Pacha de la ville pour donner l'exemple y travailla lui-même, & il obligea tous les habitans a y travailler, fans en excepter l'Archevêque. Quelques années après que l'ouvrage eut été achevé, une Efcadre Vénitienne parut devant Salonique; celui qui la - commandoit fit fommer le Pacha de lui donner quarante mille fequins,*& le menaça, en cas de refus, de bombarder la ville. Les Turcs n'aiment pas à donner; le Gouverneur fit répondre qu'il n'avoit point de fequins à fon ordre; mais qu'il -y avoit quarante mille boulets de canons à fon fervice. Les Vénitiens jetterent des bombes; on leur répondit de ce Fort avec de groffes piéces d'Artillerie qui endommagerent quelques-uns de leurs Vaiffeaux, & les obligerent à fe retirer. Le fecond Fort eft à plus d'un mille du premier, hors de l'enceinte des murs, & à l'endroit du port où l'on débarque. Ce n'eft qu'une groffe & an * Le Sequin Vénitien vaut une pistole. cienne tour exagone; ce Fort eft fitué peu loin de la porte de la Marine en dehors, dans l'endroit où les murs de la ville commencent à s'éloigner du Rivage. : deux Le troisieme eft placé à un demi-mille du premier, à l'angle des murs qui tournent de Ï'Occident vers le Septentrion; il paroît n'avoir gueres que cens ans il confifte en quatre petits Donjons qui renferment un affez grand espace; chacun de ces Forts ou Châteaux eft muni de groffes pieces de Canon de bronze, braquées contre la Mer: chacun a fon Aga ou Commandant particulier, avec quelques Canoniers. Une grof fe Tour ronde & folidement bâtie à l'endroit où les murs commencent à defcendre des fept Tours, fert d'Arcenal & |