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capables, font de nos amis; nous n'en connoiffons qu'un qui dogmatife contre nous. Un des plus grands maux de l'Eglife Grecque eft l'ignorance craffe des peuples, & d'un grand nombre de Pafteurs. Jugez-en par ce trait qu'on m'a raconté. Un Papas de la campagne étant venu à Salonique,fit à un Papas de la ville la question fuivante : Eft-il vrai que Jesus-Chrift eft Dieu?» Il me femble l'avoir fou>> vent entendu dire ainfi; d'un »autre côté, on dit qu'il efthom» me: comment accorder ces deux chofes ensemble: s'il eft »Dieu, comment peut-il être » homme, & s'il eft homme, »comment peut-il être Dieu ? » Le Papas de la ville mieux inftruit, fit le catéchifme au Papas de village qui acquiefça à tout; il ne falloit pas être grand

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Théologien pour réfoudre la queftion. Quelle inftruction un peuple groffier, peut-il attendre de pareils Docteurs!

Les Juifs font prefque la moitié des habitans de Salonique, ce qui ne fe trouve apparemment en nulle autre ville du monde, auffi y ont-ils plus de liberté & de priviléges que partout ailleurs. Ils y vinrent en grand nombre lorfqu'ils furent chaffés d'Espagne ; & avant que de s'y établir, its envoyerent des députés à Conftantinople pour obtenir des conditions avantageufes. Ils ne font exempts du tribut général mais on leur fait quelque grace parce qu'ils fe font chargés de fournir de groffes étoffes pour habiller les Janiffaires: ils ont le droit d'acheter une certaine quantité de laine avant qu'on

pas

puiffe en vendre à aucun autre. Ce privilége leur rapporte un profit confidérable; ils forment une efpèce de petite République; ils ont entre-eux une forte de gouvernement & de jurif diction dont le Chef eft celui de leur Religion. Ils l'appellent le grand Kakan: ce Juge a fes, Affeffeurs ou Confeillers choifis entre les principaux de la Nation; ils recueillent eux-mêmes certains droits qu'exigent les Turcs, & ils taxent chacun felon fes facultés: pour se mettre en état de payer ces tributs & de fatisfaire à d'autres befoins, ils mettent volontairement quelques impôts fur la viande & le vin qu'ils achetent enforte que ces denrées leur coutent plus cher qu'aux Chrétiens; enfin ils ont une caiffe commune pour parer aux avan

,

nies qu'on leur fait & pour fournir aux autres dépenfes de la Nation Ils tirent de ce fonds de quoi habiller leurs pauvres orphelins qui font en grand nombre: & de quoi payer le Karage ou la Capitation de ceux qui font infolvables; en un mot,

ils fe

gouvernent assez bien, &

fe font rarement des affaires avec les Turcs: ils n'en font pas pour cela plus unis entre le moindre intérêt les

eux,

divife.

Leur langage eft un Efpagnol corrompu, & mal prononcé, la plupart des hommes entendent l'Italien, & quelquesuns le Provençal, ils portent tous la barbe longue & un toupet ou deux de cheveux autour des oreilles; les femmes renferment leurs cheveux dans une espèce de longue queue plate

qui leur pend derrière la tête, & attachent au bout un bouton de cuivre. Ils font fort laborieux & ils fe mêlent de toutes fortes de métiers. Les uns font commerçans, les autres artifans, ceux-ci font courtiers des marchands, ceux-là vendent en détail; plufieurs font pêcheurs, bateliers, maçons, manoeuvres, porte-faix; ces derniers font fort miférables, ils ne vivent prefque que de chataignes pendant l'hyver, & pendant l'êté, que d'herbages, de concom bres, de melons d'eau qu'on nomme Carpouz: cette mauvaise nourriture leur cause plufieurs maladies.

Ils font communément trompeurs, méprisés également des Chrétiens & des Turcs; mais ils n'en font pas moins attachés à leur religion & à beaucoup de fuperftitions dans lesquelles

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