페이지 이미지
PDF
ePub

vous en ignorez fans doute l'hiftoire; je vais vous l'appren dre. C'eft une nôce: comment une nôce ?m'écriai-je : oui une -nôcé. Vous fçaurez, ajouta-t-il, qu'une fille s'étant mariée malgré fes parens, fa mere lui donna fa malédiction; & au moment même, non-feulement l'époufe & l'époux, mais tous -les conviés furent changés en pierres. Il lut mon étonnement dans mes yeux, & dans ma contenance. Eft-il poffible, s'écriatil, que vos Livres ne parlent pas d'une fi grande merveille? Mais les vôtres en difent-ils quelque chofe, répondis - je? Et qu'eft-il befoin de Livres, me dit-il, quand on voit les chofes de fes yeux, & que les pierres, pour ainfi parler, nous inftruifent? Ni lui ni aucun de la troupe ne put rien dire d'a

vantage. Je n'entrepris pas de les détromper, mais je profitai de cette crédulité pour leur par ler de la foumiffion & du refpect dûs aux peres & aux meres, & des rigoureux châtimens qu'exerce la juftice divine fur ceux qui font infideles à ces devoirs : comme je m'apperçus qu'ils m'écoutoient avec une attention refpectueufe, je paffai à nos obligations envers Dieu; je leur fis remarquer qu'à bien plus forte raifon, nous étions obligés de fervir le Pere Célef te à qui nous devons tout ce que nous avons, & tout ce que nous fommes. Ma petite exhortation fut bien reçuë.

Sur le chemin de Salonique à la Cavalle, on voit les ruines de Conteffa, & celles de l'ancienne Rhédine que les Provençaux nomment Rhondine.

Ces deux fortereffes donnoient leur nom au Golfe qui eft entre celui de la Cavalle & de Monte-fancto. Nos Cartes géographiques l'appellent Golfe de Conteffa. Les Cartes Marines de Provence l'appellent Golfe de Rhondine, & les gens du pays ne le connoiffent que fous le nom d'Orfano.

Le pas de Rhondine eft fameux dans le canton par les vols & les meurtres qui s'y font commis autrefois, & il en a retenu le nom de Val des Voleurs. On raconte à ce fujet une avanture fort plaifante, & qui ne fait pas beaucoup d'honneur à la bravoure des Juifs; la haine & le mépris qu'on a pour cette nation perfide, a perpétué la tradition du conte ou de l'hiftoire. Amurat; dit la Chronique, étant occupé au fiége de Bagdad, & ayant be

foin de troupes, envoya ordre à tous les Juifs de Salonique, en état de porter les armes, de venir l'y joindre. Il fallut obéir: ils fortirent de la ville au nombre de fept à huit mille, armés de toutes pieces pour fe rendre à Conftantinople, & de-là en Afie. Ils marcherent fierement en ordre de bataille; mais fur le bruit qu'il y avoit des voleurs au pas de Rhondine,ce prétendu corps d'armée fait halte; on affemble le Confeil de guerre, on délibere, & l'on conclut, à la pluralité des voix, qu'il faut envoyer à Salonique demander une escorte de Janiffaires pour fe défendre contre les voleurs. Le Pacha homme d'efprit & qui fçavoit qu'on ne guérit point de la peur,voyant bien par cette démarche le peu de fond qu'il y avoit à faire fur de pareilles

le

troupes, licentia cette brave Milice, & leur ordonna de retourner chacun chez foi. Il leur fit grand plaifir; ils préférerent repos à la gloire, & ils ache rerent volontiers leur liberté au prix de ce petit affront: le Sulran informé de l'avanture, en rit de bon cœur, & depuis plus de deux fiecles elle eft encore célebre dans le pays.

Previfta, qui n'eft qu'à qua tre lieues de la Cavalle, eft encore un affez gros Bourg, où il paroît qu'il y a des Forges de fer, il eft fitué dans une gorge de montagnes peu élevées, entre deux belles plaines entourées de jolies collines,& femées de villages. La campagne eft fi bien cultivée, que dans une étenduë immenfe, elle préfente des moiffons de toutes parts. Elle eft arrofée par une pe

« 이전계속 »