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fe rendre au lac de Goguetféhay, qui veut dire riviere bleue;

les

paturages y font abondans ; il vouloit y féjourner quelques mois pour remettre fa cavalerie en état. Le chemin étoit dur & difficile, mais le plus court; le Roi s'étoit affuré des Chefs des Montagnards, ils lui fervoient comme d'ôtages: nous mîmes dix jours à paffer ces gorges, & quoique ce fût au mois de Juin, nous eûmes fouvent à effuyer des neiges abondantes & des pluyes très froides. On jettoit fur les rivieres plus profondes de petits ponts. faits à la hate, fur lefquels toute l'Armée paffoit avec tant de défordre, qu'un grand nombre de foldats étoit précipité dans le fleuve par ceux qui les fuivoient en foule & fans ordre. Enfin nous arrivâmes à Go

guetféhay au commencement de Juillet 1743,notre fejour y fut de quatre mois. C'eft-là qu'à la tête de cent mille hommes il fit célébrer le mariage de fon petitfils Charok Mirka, de Nazarolla Mirza, & d'Ifman Kouli Mirza, fes propres fils. Les préparatifs s'étoient faits à Ifpaham; il avoit ordonné à tous les Danfeurs & Joueurs d'inftruments qui étoient dans cette capitale, de fe rendre dans fon camp; il en avoit fait venir beaucoup de fuif & d'huile pour des illumi nations; mais elles ne fe firent pas; le fuif & l'huile furent vendus aux Vivandiers de l'Armée, & il en tira une fomme confidérable. Ce n'est-là que la moindre de fes exactions. Il difoit que dans tout fon Royaume il vouloit réduire cinq familles à une feule marmite, c'est-à-dire,

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les rendre fi pauvres, qu'elles feroient obligées de fe la prêter fucceffivement l'une à l'autre. Il tint bien fa parole dans la fuite. Reza Couli Mirza fon fils aîné n'assista point au mariage de fon neveu, ni à celui de fes freres. Son pere l'avoit foupçonné d'avoir aposté un affaffin pour attenter à la vie. Le Prince s'étoit venu livrer lui-même entre fes mains avec cette confiance & cette fécurité que l'innocence donne. Mais au tribunal d'un Ufurpateur le foupçon vaut la preuve; le fils eut beau nier conftamment le parricide qu'on lui imputoit, la défiance avoit prononcé l'arrêt, la fureur l'exécuta il fit créver les yeuxce Prince infortuné; plufieurs Grands du Royaume, témoins de l'exécution, refterent dans ce filence d'étonnement &

d'horreur que produifent les évenemens barbares & inattendus; il leur fit un crime à leur tour de ne s'être pas offerts au fupplice à la place de fon fils & il en fit étrangler cinquante le même jour en fa préfence. Cette horrible fcêne se passa à Ays ran Carab.

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Malgré toutes ces cruautés la Perfe étoit affez tranquille. Les grands chemins étoient ouverts, & le commerce fe faifoit avec fûreté d'une ville à l'autre ; les Marchands étrangers étoient encore plus ménagés que les autres. Il avoit établi en quelques endroits des poftes royales, mais elles n'étoient que pour lui, & le Public en fouffroit. Il eft rare qu'en Perfe on voyage à cheval avec fûreté. Si par hazard on eft rencontré fur la route par un courier du Roi,

ou par ceux de quelques Grands Seigneurs, dont le cheval foit ufé ou fatigué, ces couriers, s'ils ont la force en main,démontent avec violence le cavalier qu'ils trouvent, prennent fon cheval, en échange du leur. C'est pour éviter cet accident que prefque tous les riches Marchands n'ont en caravanne qu'un âne pour leur monture.

Les richesses immenfes queTamas Kouli-Kan avoit enlevées au Mogol furent d'abord dépofées à Mafchet & à Cafbin; deux ans après il réfolut de les

mettre dans une fortereffe inacceffible ou imprenable. Il choi fit Kalat, c'eft une double chaîne de montagnes escarpées de quinze à feize lieues de longueur, qui en s'éloignant par le centre, & en fe rapprochant

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