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les têtes des animaux qu'il avoit tués, & qu'il en avoit fait des efpèces de pyramides; il voulut faire à fon tour un monument pareil, non pas de têtes d'animaux, mais de têtes d'hommes: il en marqua lui-même la hauteur : elle étoit de trente pieds, dans la ville de Kerman.

C'est dans cette ville qu'après le délai qui m'avoit été accordé je vins joindre la Cour. Je fus présenté au Roi au Roi par un de fes Miniftres; il me reçut avec bonté, donna ordre qu'on dreffât deux pavillons, un pour moi, & l'autre pour les domeftiques qu'il m'avoit destinés, & régla que ma tente feroit toujours placée auprès de fon Haram; privilége qui n'étoit accordé qu'au Médecin intime.

Dès que je fus logé,je me dif

pofai à faire ufage des remèdes

Cy

que j'avois préparés. Un des anciens Médecins me déclara que felon la coutume & les intentions du Roi, il falloit que je priffe moi-même avant le Prince & fous fes yeux la dofe de la médecine que je lui préfenterois. Je me foumis à l'effai, & je promis d'en prendre le premier quelques goures; mais je repréfentai que n'étant ni malade ni d'un tempérament aussi robufte que ce Prince, j'expoferois mal-à-propos ma fanté à un rifque inutile pour la fienne: le Prince gouta mes raifons, & fuivit pendant vingt-quatre ou vingt-cinq jours, le régime que je lui prefcrivis: il fe trouva fort foulagé, & prefque guéri.J'étois étranger, mes foins avoient fuccès, le Roi m'honoroit de fa confiance; la jaloufie excita la haine des quatre Médecins. Une

indifcrétion que fit le Prince, leur fournit une occafion de mé deffervir auprès de lui. Un jour je lui avois donné un purgatif qui lui étoit néceffaire; le temps étoit dur, un vent froid fouf floit avec violence, & la neige qui tomboit en quantité couvroit par-tout la terre ; je le priai de refter dans fa tente; mais il ne crut pas devoir aux décifions de la Faculté, la foumif fion qu'il exigeoit pour fes or dres. Il monta à cheval, & fit une longue course bien avant que la Médecine eût pu avoir fon effet; le mouvement du Cheval, la rigueur du temps, l'excès de la fatigue lui caufe rent une espèce de révolution ; il rendit un peu de fang hémorroïdal. Il en fut épouvanté: fes Médecins m'accuferent de lui avoir donné quelques drogues

corrofives qui lui bruloient les intestins. Mais enfin, quel remède, leur dit le Roi? Ils n'oferent pas le rifquer, mais ils lui répondirent que celui qui avoit compofé le poifon pouvoit feul en connoître l'antidote. Il me fit appeller, & me regardant avec des yeux enflammés de colere, me reprocha fon mal, & cependant me l'expliqua. Je lui remontrai le tort qu'il avoit eu de s'expofer au grand air, mais en même temps je lui préparai un lénitifqui calma l'irritation des entrailles. Le fuccès me rendit fa faveur, il me fit préfent d'un cheval de grand prix qu'il avoit fouvent monté. Sa fanté se rétablit parfaitement; quelque temps après il me fit compter trois cens tomans, c'est-à-dire, environ dix-huit mille francs de notre

monnoye; il me dit en mêmetemps qu'il comptoit me marquer fa reconnoiffance par des dons plus dignes de lui.

Il décampa vers la fin de Mars 1747 pour se rendre à Maschet; nous fumes obligés de traverfer des deferts affreux, fur une terre aride & dans des fables brûlans; on n'y trouve point d'eau douce; & malgré les précautions que l'on avoit prifes, en creufant des puits; en cherchant des fources, & en tranfportant de l'eau de diftance en distance, une partie des hommes, des chevaux & des chameaux périrent de faim & de foif dans cette marche.

De ce danger nous tombâmes dans un autre, arrivés à Dgimgim, qui veut dire Eau fous terre, nous eûmes une peine incroyable à faire trois lieües

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