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avant que d'arriver à un endroit für & praticable aux voyageurs. Cette terre tremblante eft couverte d'une croute épaiffe qui à chaque inftant s'ouvroit fous les pas des chevaux ; il falloit fans ceffe être fur fes gardes pour ne pas enfoncer & fe perdre entié rement dans des abîmes. Je voyois au tour de moi les chevaux & les cavaliers difparoî tre. Pour parer à cet inconvé nient on jettoit des tapis, des matelats, des couvertures, afin d'affermir les pieds des chevaux. Pour furcroît de malheur l'ordinaire d'un cheval coutoit foixante livres, monnoye de France, encore ne l'avoit-on que difficilement, même à ce prix. Je fus obligé de faire une partie du chemin à pied ; mon cheval avoit été deux jours fans man→ ger,& loin de pouvoir me

porter, il ne fe foutenoit qu'avec peine.

Nous gagnâmes cependant Tonctabas; cette ville de la Province de Choraffan eft la premiere que l'on rencontre en fuivant cette route. Elle eft à fix journées de Mafchet. Le Roi qui vouloit voir fa famille fit venir tous fes fils; on les lui préfenta, j'en comptai feize, ils étoient tous rangés devant lui. Après les avoir considérés long-temps, il adreffa la parole aux trois aînés, & leur propofa tour à tour de leur céder la Couronne. Ils la refuferent en s'excufant sur leur incapacité, leur grande jeuneffe, & le défaut d'expérience qu'ils ne pourroient acquérir qu'en l'étudiant long-temps lui-même : ils le conjurerent de leur laiffer la gloire de lui obéir, pour mieux

apprendre l'art de régner. Plufieurs de ceux qui étoient témoins de ce refus, foupçonnerent d'autres motifs: ces jeunes Princes connoiffoient le génie de leur pere; l'appas qu'il présentoit à leur ambition étoit plutôt un piége qu'une offre véritable: il cherchoit plus à connoître leurs fentimens, qu'à les fatisfaire, & un feul defir témoigné pour la Couronne, eût été fuivi d'un arrêt contre leurs jours.

Nous arrivâmes à Maschet à la fin d'Avril; il commença à y renouveller les cruautés qu'il avoit exercées à Ifpaham. Les deux dernieres années de fa vie, il porta l'avarice & les vexations au dernier degré : étrangers & habitans du pays, Princes & Gouverneurs, foldats & Officiers, tous craignoient fes

fureurs, prefque tous les éprouverent. Des brigues fecrettes fe formerent de toutes parts. Ses parens eux-mêmes fe joignirent aux mécontens : ils ne chercherent plus que l'occafion de lui ôter la vie pour affurer la leur. Il eut quelque foupçon de ces complots, & la défertion d'une partie de fon Armée ne lui permit pas de fe les diffimulér.

neveu

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Il avoit envoyé Ali-Kan fon dans le Siftan avec quarante mille hommes de bonnes troupes, pour réduire cette Province qui s'étoit revoltée: il craignit que ce jeune Prince lui-même ne fe mît à la tête des rebelles : il voulut le rappeller auprès de fa perfonne fous des prétextes honorables; mais en effet pour éclairer fes démarches, & s'affurer de lui. Ali

Kan qui fçavoit comment on étoit traité fur le moindre foupçon, fit efpérer fon prochain retour, mais l'éloignoit de plus en plus fous des raifons fpécieufes, & traîna les chofes en longueur jufqu'à ce qu'il fe fût attaché l'Armée qu'il commandoit,& que fûr d'être foutenu,il pût fe déclarer avec avantage & fans péril. Thamas employa toutes les voyes de douceur pour l'attirer; promeffes féduifantes, diftinctions honorables, affurances des faveurs les plus diftinguées, rien ne fut omis tout fut inutile. Toute la Perfe avoit les yeux attachés fur ce jeune Prince, & attendoit l'iffüe de cette mefintelligence publique entre l'oncle & le neveu. Le Roi n'entendoit autour de lui que des bruits de fédition; on arrêtoit les courriers, fes or

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