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d'éclat & dans les batailles importantes il décidoit la victoire en fa faveur. Voilà fes beaux endroits; c'eft par-là qu'il a mérité qu'un de nos Ecrivains * le comparât à Alexandre. Tant de brillantes qualités auroient fait oublier fa naiffance, & à force d'admirer le Monarque, on fe feroit accoûtumé peut-être à excufer l'Ufurpateur. L'avarice fordide, & les cruautés inouïes qui fatiguerent fa nation, & occafionnerent fa perte, les excès & les horreurs où fe porta ce caractère violent & barbare firent couler bien des larmes & bien du fang dans la Perfe: il en fut l'admiration, la terreur, & l'exécration. Il feroit difficile de décider de quelle Religion il

*M. de Bougainville, Secrétaire perpétuel de l'Académie Royale des Infcriptions & Belles Lettres.

étoit plufieurs de ceux qui croyent l'avoir le mieux connu, prétendent qu'il n'en avoit aucune. Il difoit quelquefois affez publiquement qu'il s'eftimoitautant que Mahomet & Aly; qu'ils n'étoient fi grands que parce qu'ils étoient bons guerriers ; & qu'après tout il croyoit avoir atteint le degré de gloire qu'ils avoient acquife par les armes.

Je n'ai jamais entendu parler de la façon dont il en avoit ufé avec fon pere; il le quitta de très-bonne heure; peut-être le perdit-il dans le temps de fes premiers exploits. Pour fa mere il l'aimoit avec tendreffe: il en pleura la mort ; fa douleur parut fincere; & pour laiffer à la poftérité un monument éternel de fon attachement & de fes regrets, à fon retour des Indes, il fit bâtir une belle mosquée fur fon tombeau.

P. S.

Dans le détail des évenemens principaux de la vie du célèbre Nadir Schah, j'ai oublié, mon R. P. quelques traits qui acheveront de vous donner une idée complette de la dureté de fon caractere, & des tréfors immenfes qu'il avoit accumulés. Ayant entendu parler de la Marine des Europeans; il forma auffi-tôt le projet d'avoir une Flotte fur l'Océan, & une fur la mer Caspienne. Il acheta quelques vaiffeaux des Anglois. Il voulut en faire conftruire d'autres à Bander-Abaffy; & comme il n'y a point de bois dans cette contrée, il en fit couper dans une autre Province. Ses fujets furent contraints d'apporter à leurs frais ces piéces énormes pendant l'efpace de

trois cens lieuës, & à travers des deferts affreux. Cette entreprife inutile fit périr des milliers d'hommes. Il réuffit mieux fur la merCafpienne où il mit quelques vaiffeaux; trois autres étoient commencés quand il mourut.

Il fit une autre entreprise auffi meurtriere pour fes fujets ; il les força de lui apporter de Tauris à Maschet & à Kalar de grandes blocs de marbre blanc; le trajet eft de plus de deux cens lieuës, toujours par terre, & dans des deferts impraticables.

Rien n'égale les richeffes qu'il avoit entaffées à Kalat. Après fa mort on apporta une partie de ses tréfors à Mafchet. Chaque chameau ne pouvoit porter que deux coffres d'argent monnoyé. Je les vis dans la place de Maschet.La magnificence de fes tentes étoit fupérieure à

tout ce que l'on nous raconte du luxe des anciens Rois de l'Afie. Il y en avoit une entre autres brodée à fleurs fur un fonds d'or, & furchargée de perles & de pierreries. Elle étoit d'une hauteur, & d'une longueur confidérable... Ses trônes étoient magnifiques; celui qu'il avoit apporté des Indes eft le plus riche que je crois que l'on puiffe voir. Il a fix pieds en quarré fur dix de hauteur. On y voit huit colomnes toutes garnies de diamans & de perles. L'impériale en dedans & en dehors eft chargée de rubis & d'émeraudes,furmontée de deux paons qui ont à chaque bout des plumes de la queue une grande émeraude, & des pierreries fans nombre ajuftées à peu-près fur les couleurs différentes de cet oifeau. Ses cinq autres trônes étoient très

Dy

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