ques m'étoient reftés dans l'efpérance que je ferois auprès du fucceffeur de Thamas ce que j'avois été auprès de lui. Je fortis avec eux de la mêlée & du camp: à peine avois-je fait un quart de lieuë, que fix foldats dont j'étois connu fe joignirent à moi: ils me promirent de me conduire en fûreté jufqu'à Mafchet : ils me dirent qu'ils efpéroient pour ce fervice une récompenfe du nouveau Roi, & que leurs têtes répondroient pour la mienne. Le cortége groffit bien-tôt, ils fe trouverent jufqu'au nombre de vingtfept ou de vingt-huit. Cette efcorte m'inquiétoit, & je m'ap-. perçus bien-tôt. bien-tôt que ma défiance étoit jufte. Le grand nombre de ceux qui, comme nous, fe retiroient à Mafchet rendoit la route trop fréquentée pour qu'ils puffent faire aisément leur coup: c'étoit mon efpérance; mais ils trouverent un moment favorable, & le faifirent. Ils fe jetterent brufquement fur moi & fur les deux domestiques que j'avois chargés d'une partie de mon argent : ils nous dépouillerent, & ne nous laifferent que notre chemife: leur chef qui étoit à quelques pas, leur crioit de nous égorger: j'avois une montre, je la donnai à l'un d'entre eux; les autres la lui difputerent; nous échapâmes pendant ce débat, nous nous jettâmes dans un foffé profond où un -cheval ne pouvoit defcendre: ils auroient fans doute déchargé leurs fufils fur nous, s'ils n'avoient craint que le bruit n'en retentît trop loin nous entendions leurs délibérations; & au moment où nous craignions le plus, nous les vîmes s'éloigner. Une banniere de huit à neuf cens hommes qui parut fur une colline voisine les obligea à cette retraite. Nous n'ofions nous montrer dans l'état où ces brigands nous avoient mis. Nous attendîmes la nuit, pour continuer notre route à Mafchet. Cette route étoit de vingt-cinq grandes lieuës qu'il fallut faire à pied dans des deferts affreux, & fans autre nourriture que quelques fruits fauvages. Je perdis dans cette avanture environ 12000 livres monnoie de France. Enfin j'arrivai à Mafchet, où quelques amis nous donnerent un afyle, des habits, & les autres fecours dont nous avions un extrême befoin. Mafchet eft une des plus grandes villes de Perfe, Capitale de la Province de Choraffan, & fameufe par une mofquée où eft le fepulcre d'Iman-Héza un des douze Saints de la famille d'Aly: les Perfans ont autant de vénération pour lui que pour leur grand Prophéte Mahomet, & ils fe croient tous dans l'obligation de faire une fois dans leur vie ce pélérinage, comme celui de la Mecque. Après cette digreffion, je reviens à ce qui fe paffa dans le camp. Les Grands du Royaume, les Généraux & les Officiers des Gardes tinrent confeil, & délibérerent fur le choix d'un fucceffeur: les avis ne furent point partagés, tous convinrent d'offrir la couronne à Aly Kouli - Kan, neveu de Thamas à qui ils avoient déja envoyé sa tête. Ils lui firent une députation folemnelle. Ce jeune Prince étoit alors à Herat avec une armée de quarante mille hommes. On le foupçonnoit d'être le chef de la conspiration; du moins est - il certain qu'il avoit refufé de venir à la Cour, qu'il étoit inftruit du complot, & qu'il en attendoit le fuccès avec une impatience affez manifeftée. Il n'étoit que le cinquieme héritier: mais les dangers qu'il avoit courus fous le regne de fon oncle, les mécontentemens qu'il avoit effuyés, l'oppofition que l'on croyoit remarquer entre fon caractere & celui de fon prédéceffeur, déterminerent en fa faveur les fuffrages & le choix. D'ailleurs il étoit à la tête d'un corps confidérable de troupes qu'il avoit fçu s'attacher, & il paroiffoit en état de remettre par-tout le bon ordre. Il témoi |