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les anciens jardins étoient fermés de murs. fort bas en dedans, & très élevés en de hors, parce qu'ils ne fervoient qu'à foutenir la pouffée des terres. Les Châteaux flanqués de tours & de bastions étoient destinés à fe mettre à couvert des incurfions des Peuples barbares & des attaques des voifins avec lefquels on étoit continuellement en guerre, & l'on s'occupoit moins des ornemens des murs que de leur folidité. Lorfque ces raifons cefferent, on ne penfa point à profiter des avantages réfultans de leurs expofitions favorables; les yeux étant accoutumés à les voir dénués de verdure.

Les jardins fruitiers étoient ou joints aux maifons ou en étoient féparés. Il n'a jamais été trop poffible que des Particuliers dans l'enceinte des Villes, euffent de grands jardins, des vergers ou des parcs. Il fallut donc chercher au - dehors des lieux commodes pour y former des habitations riantes & des jardins fpacieux. Ceux qui n'en eurent point les facultés, ou que leurs affaires rappelloient inceffamment à la Ville, pratiquèrent dans leurs remparts des jardins, où ils firent conftruire de petits réduits; on en voit quantité dans beaucoup de Villes de Provinces, qui ne font point Villes frontieres. La dépofition de leurs plus anciens Habitans fait foi, que de tems, immémorial il y eut dans ces endroits de ces fortes de jardins privés & ifolés, où l'on cultivoit des arbres fruitiers

pour l'ufage de la maifon. Telle eft', à ce que je crois, une des premieres origines des Jardins en général.

On voulut bientôt y pratiquer des promenades agréables, & s'y procurer un ombrage frais. On travailla de génie, l'émulation fit des curieux. L'art & les regles multiplièrent beaucoup les ouvrages, & parconféquent les Ouvriers, qui y confacrèrent leur tems & leurs talens.

Je pense que les vergers eurent d'abord la préférence, les arbres qu'on y planta furent apportés des bois dans les enclos. Il est à préfumer que par la fuite on deftina des canrons particuliers pour les y élever. On forma fans doute des plants provenant de pepins, de noyaux, de boutures, & l'on concha ceux dont l'expérience fit connoître la facilité à prendre racine, tels que la vigne, le figuier & le mûrier. On greffa ces arbres tranfplantés dans les jardins, fur les fruits qui femblèrent les meilleurs. Divers efpaces de terre furent confacrés à des pépinieres. Des Jardiniers en firent commerce, & telle eft l'origine de ceux que nous nommons Pépinièriftes.

Le plus grand nombre des légumes & des herbes potageres, eft originaire des bas prés, des fonds & des terres graffes ou fortes. Ce sentiment eft fondé fur ce que les légumes qui font maintenant dans nos jardins, fe trouvent encore épars aujourd'hui dans ces lieux. Les différentes contrées fe font réciproque

ment communiqué les divers légumes qui croiffoient chez elles. Il n'y a pas plus de quarante ans que les laitues de Siléfie & de Batavia ont été apportées dans nos climats. ainfi que la chicorée d'Efpagne & celle d'Italie, qui ne font connues que récemment parmi nous. Prefque tous nos légumes confervent encore les noms des lieux qui furent leur patrie, tels que les cardons d'Efpagne, les choux de Milan, la civette d'Angleterre & autres. Des Particuliers defféchèrent des marais, & défrichèrent des terreins bas & enfoncés, d'où leur eft venu le nom de Maraifchers. Ils préférèrent ces lieux nonfeulement à caufe de l'humidité du fol mais encore parce que les puits font plus proches de la fuperficie de la terre, & que le tranfport des fumiers y eft plus facile. Ces jardins font auffi anciens que les vergers.

Lorfqu'Achab, Roi d'Ifraël, demanda à Naboth fa vigne, l'Ecriture dit que ce fut pour en faire un potager, ut faciam mihi hortum olerum. Reg. L. III. 21. 2.

Les Jardins fleuriftes & les parterres font d'une date bien plus récente. Les premiers hommes, tels que nous les dépeignent les Ecritures, & d'après elles la fable & l'antiquité, ne s'amufèrent point à la culture des fleurs. Pourvoir à leur néceffaire, fit tout leur objet. L'époque de l'établiffement de ces jardins n'eft point connue. Je les trouve dans les Auteurs & dans Cicéron ( de Sénec.)

confondus encore avec le labour, les moiffons, les vignes, les beftiaux, les abeilles lorfque ce dernier décrit les plaifirs champê tres, tum florum omnium varietate.

L'origine de la culture des fleurs fe perd dans les tems éloignés. Elles furent particulièrement employées au culte de religion dans les folennités & dans les fêtes publiques. De tout tems elles fervirent à la parure des perfonnes du fexe. Il eft croyable qu'on les cultivoit conjointement avec les arbres fruitiers, & que dans les pays chauds où celles que nous élevons fur couches viennent naturellement, on alloit les chercher dans les prairies & dans les bois. L'exemple des lys qui croiffent d'eux-mêmes dans les champs peut être cité en preuve de ce que j'avance.

La Nature qui fe plaît dans la diverfité, forma les fleurs, & les plaça non dans les endroits où la terre eft la meilleure, mais dans les lieux les plus délaiffés, comme pour leur fervir de parure. Les premiers fleuristes les découvrirent le long des ruiffeaux, dans les forêts fombres, & dans les friches. La nature du terrein qui les produifit régla leur culture. La faifon propre à les femer & à les élever, fut enfuite étudiée, & leur foin devint une profeffion fort étendue.

Ce fut alors qu'on vit la terre des jardins fuperbement ornée en chaque faifon par un affemblage fymétrifé de fleurs de différentes nuances. Elles furprirent d'autant plus, que les

premieres payèrent de leurs peines avec ufure, ceux qui les élevèrent; & qu'elles acquirent ce coloris brillant & ce volume dont elles font privées, fans le fecours de l'Art. Leur culture devint une forte de paffion, comme toutes les chofes de la vie dont le plaifir eft l'objet. Les Fleuriftes voulurent avoir des fleurs étrangeres; ils en firent venir de tous les endroits de l'Univers, & les cultivèrent à grands frais. Encouragés par d'heureuses tentatives, ils fe livrèrent à cette feule partie du Jardinage.

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Je penfe encore que la fcience de la Botanique fut anciennement fort bornée, & que les jardins de plantes curieuses n'ont été formés que très tard. Ils étoient fans doute fournis des plantes ufuelles, mais éparfes de tous côtés. On alloit chercher les médicinales, les potageres & les fleurs, pour les placer pêle-mêle, ou dans un canton féparé du jardin. Mais on ne pouvoit les avoir ni en auffi grande quantité, ni dans toutes les faifons. En voici la raifon. On ne connoiffoit point les couches chaudes, les cloches, les chaffis, les ferres, les étuves avec des poëles; inventions récentes, filles de la délicateffe & de la volupté. Elles ont forcé la Nature à donner prématurément & contre fon gré des fruits dont elle ne nous fait jouir que beaucoup plus tard.

Dans les premiers tems, on fe contentoit des plantes ou nées fur les lieux, ou

qui

pouvoient

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