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Il préféra pourtant la plus douce victoire.

Dieux! quels soupirs poussait le maître des humains!
Que d'amour dans une âme où régnait tant de gloire,
Que remplissaient tant de desseins!

Combien me jura-t-il qu'au sortir de la guerre,
Si le ciel en ces lieux n'eût pas tourné ses pas,
Il eût manqué toujours au vainqueur de la terre
D'adorer mes faibles appas?

Combien me jura-t-il qu'il eût changé sans peine
Tant d'honneurs, de respects et d'applaudissemens,
Contre un des tendres soins dont j'étais toujours pleine,
Contre mes doux empressemens?

Aussi pour être heureux, s'il peut jamais suffire
De posséder un cœur, d'en avoir tous les vœux,
De se voir prévenir dans tout ce qu'on désire,
César sans doute était heureux.

Je le sens bien, seigneur, je me suis égarée,
J'ai trop dit que César a vécu sous mes lois;
Bientôt vous me verrez pâle et défigurée,
Et vous condamnerez son choix.

Mais si le grand César souhaita de me plaire,
Mes jours coulaient alors dans la prospérité.
Le sort, vous le savez, favorable ou contraire,
Décide aussi de la beauté.

Si de ces heureux jours je revoyais l'image,
Si mes larmes touchaient le ciel ou l'empereur,
Peut-être... Mais, hélas! quel retour j'envisage!
D'où me vient cette douce erreur?

En me la pardonnant, imitez la clémence
De qui pour vos vertus voulut vous adopter;
Vous seriez par le sang, par l'aveugle naissance,
Moins obligé de l'imiter.

PETITES PIÈCES DE POÉSIE.

PORTRAIT DE CLARICE.
J'ESPÈRE que Vénus ne s'en fâchera pas,
Assez peu de beautés m'ont paru redoutables;
Je ne suis pas des plus aimables,

Mais je suis des plus délicats.

J'étais dans l'âge où règne la tendresse,
Et mon cœur n'était point touché.
Quelle honte ! il fallait justifier sans cesse
Ce cœur oisif qui m'était reproché.

Je disais quelquefois : Qu'on me trouve un visage
Par la simple nature uniquement paré,

Dont la douceur soit vive, et dont l'air vif soit sage,
Qui ne promette rien, et qui pourtant engage;
Qu'on me le trouve, et j'aimerai.

Ce qui serait encor bien nécessaire,
Ce serait un esprit qui pensât finement,

Et qui crût être un esprit ordinaire,

Timide sans sujet, et par là plus charmant;
Qui ne pût se montrer ni se cacher sans plaire;
Qu'on me le trouve, et je deviens amant.
On n'est pas obligé de garder de mesure

Dans les souhaits qu'on peut former :
Comme en aimant je prétends estimer,
Je voudrais bien encore un cœur plein de droiture:
Vertueux sans rien réprimer,
Qui n'eût pas besoin de s'armer
D'une sagesse austère et dure,
Et qui de l'ardeur la plus pure.
Şe pût une fois enflammer;

Qu'on me le trouve, et je promets d'aimer.
Par ces conditions j'effrayais tout le monde,
Chacun me promettait une paix si profonde,
Que j'en serais moi-même embarrassé.
Je ne voyais point de bergère,
Qui d'un air un peu courroucé
Ne m'envoyât à ma chimère.

Je ne sais cependant comment l'Amour a fait,
Il faut qu'il ait long-temps médité son projet;
Mais enfin il est sûr qu'il m'a trouvé Clarice,
Semblable à mon idée, ayant les mêmes traits:
Je crois, pour moi, qu'il me l'a faite exprès.
Oh! que l'Amour a de malice!

LES JEUX OLYMPIQUES.

Sur une passion qui avait déjà duré cinq ans.

JADIS

ADIS de cent ans en cent ans

La magnifique Rome, à tous ses habitans,

Donnait une superbe fête,

Et les hérauts criaient : Citoyens accourez;
Vous n'avez jamais vu, jamais vous ne verrez
Le spectacle qu'on vous apprête.

Ce n'est pas qu'à parler dans la grande rigueur,
On n'eût bien pu trouver quelque tête chenue,
D'une opiniâtre vigueur,

Par qui la fête eût été déjà vue.

Mais, quoi! dans la condition

Où les dieux ont réduit la triste vie humaine,
Un cas si singulier ne valait pas la peine
Qu'on en fit une exception.

Telle est chez les Amours la coutume établie ;
La même chose s'y publie

A des jeux solennels qu'ils célèbrent entre eux.
Mais ce qui doit causer une douleur amère,
C'est que tous les quatre ans on célèbre ces jeux :
Cependant pour ces malheureux

C'est une fête séculaire ;

Jamais un Amour n'en voit deux.

Avoir vécu deux ans, la carrière est jolie;

Trois, c'est le bout du monde, on ne les peut passer: Mais aller jusqu'à quatre, oh! ce serait folie,

Si seulement ils osaient y penser.

Ils n'avaient pas jadis les mêmes destinées :

Un Amour fournissait sa quinzaine d'années;

Sa vingtaine, pour faire un compte encor plus rond.
Hélas! bien moins de temps aujourd'hui les emporte :
Et s'il faut que toujours ils baissent de la sorte,
Dieu sache ce qu'ils deviendront.

Quel fut l'étonnement de la troupe légère,

Lorsqu'à ces derniers jeux, et dans un grand concours, S'avança le doyen de Chypre et de Cythère,

Le Mathusalem des Amours,

Un Amour de cinq ans, et qui de ce spectacle
Leur eût fait par avance un fidèle rapport!
Le petit peuple ailé, dans un commun transport,
Battit des mains, cria miracle.

Mais, grands Dieux ! que ne fut-ce pas
Quand il vint dans la lice, et malgré ce grand âge,
Sur de jeunes rivaux remporta l'avantage

En mille différens combats?

Car ces jeux ressemblaient à ceux que vit l'Elide,
Jeux guerriers où venaient s'exercer les Amours,
Tantôt à déclarer une flamme timide,

Qui veut parler et qui se tait toujours;
Tantôt à placer bien ces douces bagatelles,
Ces petits soins qui touchent tant;
Tantôt à se plaindre des belles
Avec respect, et même en s'emportant.
Que sais-je enfin? sous cette fausse image
Ils préludent ensemble à leurs charmans emplois ;
Rien n'aide tant à leurs exploits
Que ce solide apprentissage.

D'une foule d'Amours le vainqueur fut suivi.
De toutes parts l'allégresse s'exprime :
L'un admire à cinq ans quelle force l'anime;
L'autre veut savoir le régime

Dont jusqu'alors il s'est servi.

Mais lui, ce ne sont pas ici, comme j'espère,
Dit-il, les derniers jeux où je me trouverai,
Il n'est pas encor temps que je sois admiré;

Et qu'il soit dit sans vous déplaire,
Tous tant que vous voilà, je vous enterrerai.
Mon destin sera tel, que, des Amours antiques,
Chez les Amours futurs moi seul je ferai foi;
On me consultera sur de vieilles pratiques

Dont la mémoire aurait péri sans moi.
Mais puisque vous voulez savoir ce qui me donne
Cette longue santé dont vous êtes surpris,
Je vis de ce beau feu qui sort des yeux d'Iris,
Et, comme on voit, la nourriture est bonne.

JE

SONNET.

E suis (criait jadis Apollon à Daphné,
Lorsque tout hors d'haleine il courait après elle;
Et lui contait pourtant la longue kirielle
Des rares qualités dont il était orné);

Je suis le dieu des vers, je suis bel esprit né.
Mais des vers n'étaient point le charme de la belle.
Je sais jouer du luth, arrêtez. Bagatelle,

Le luth ne pouvait rien sur ce cœur obstiné.

Je connais la vertu de la moindre racine,
Je suis par mon savoir dieu de la médecine.
Daphné fuyait encor plus vite que jamais.

Mais s'il eût dit, voyez quelle est votre conquête,
Je suis un jeune dieu, toujours beau, toujours frais;
Daphné, sur ma parole, aurait tourné la tête.

SUR UN SOUPER,

Où l'on souhaitait qu'une personne qui en devait étre s'ennuyát.

PRIÈRE A L'ENNUI.

O toi, terrible dieu, que l'on n'honore guère,

Du moins d'un culte volontaire,

Ennemi de la joie, ennui, puissant ennui,
Goûte un plaisir nouveau, je t'invoque aujourd'hui.
Va t'établir ce soir dans la noble cohue,
Descends enveloppé d'une invisible nue;
Lorsque tu t'introduis sans qu'on sache comment,
Tu règnes plus absolument.

Mene avec toi ta troupe, et qu'elle soit complète,
Le triste sérieux et la langueur secrète,

Par qui les plaisirs sont chassés,
Les complimens froids et glacés,
Les nouvelles de la gazette,

Les longs contes remplis de détails entassés ;

Ou, qui pis est, les ris forcés,

La gaieté fausse et contrefaite,

Les bons mots d'autrui qu'on répète,
Et qui même sont mal placés.

Que d'un repas très-court les convives lassés,
Cachent leurs bâillemens sous une main discrète ;

3.

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