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La MARQUISE

J'avais auffi beau jeu que vous quand vous me l'avez ôté, je pourrais donc vous l'enlever de même.

La COMTESSE

Tentez donc d'avoir votre revanche.

La MARQUIS E.

Non, j'ai quelque chofe de mieux à faire.

La COMTESSE.

Oui, & peut-on vous demander ce que c'eft?

La MARQUIS E. Dorante vaut fon prix, Comteffe, Adieu.

Blaife vient fe plaindre à la Comteffe des obftacles que la Marquife apporte à l'établiffement de fa fille; en effet, la Marquife a bien voulu prendre cela fur fon compte à la priere de Dorante, qui ne veut point que la Comteffe lui en faffe un crime, ou du moins ne l'accufe d'impoliteffe, attendu que c'eft elle-même qui a arrangé le mariage du Valet, dans le tems qu'elle

voulait époufer le Maître. La Comtelle veut avoir un éclairciffement avec Dorante fur cet affront, qu'elle fait fervir de prétexte au defir fecret qu'elle' a de rentrer dans les droits que fa beauté lui a donnés fur fon cœur, elle lui en parle d'un ton de Maîtreffe, & lui dit qu'elle veut abfolument que le mariage qu'elle a projèté entre Arlequin & Lifette s'acheve. Dorante lui répond qu'il en parlera à la Marquife; la Comteffe lui dit avec fierté, qu'elle n'a que faire du confentement de la perfonne même qui l'offenfe, & que c'eft à lui à la venger. Dorante lui déclare que fes ordres pouvaient tout fur lui autrefois; mais que les tems font changés, puifqu'elle l'a bien voulu, & qu'elle lui a montré un exemple d'infidélité, dont il a' cru devoir profiter; la Comteffe ne peut foutenir cette humiliation, & lui dit une feconde fois, quoique d'un ton un peu moins ferme, qu'elle veut être obéie. •Dorante fe retire fans lui rien promet

tre.

La Comteffe fent plus que jamais combien un exemple d'infidélité eft dangéreux. Elle commence à croire que celle de Dorante n'eft pas une feinte & s'en plaint à Lisette.

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Le Chevalier, vient & la preffe, de le rendre heureux; cette derniere conquête n'a plus rien qui la flatte, un cœur qu'elle a gagné ne la dédommage point de celui qu'elle a perdu, elle n'en fait cependant rien connaître au Chevalier, elle feint au contraire de plaindre Dorante, & dit au Chevalier qu'il faut ménager fa douleur, en différant leur hymen. Cet Amant a beau la preffer d'achever; rien ne peut lui faire chan. ger une réfolution que la pitié lui inf pire bien moins que l'amour.

Dorante perfuadé qu'il eft aimé de la Comteffe, voudrait fe jetter à fes pieds pour lui demander pardon de fa feinte, & pour.fe reconcilier avec elle; mais la Marquife lui fait entendre qu'il n'en eft pas tems encore, & que fi la Comteffe s'apperçoit de l'empire qu'elle a confervé fur lui, elle ne manquera, pas d'en abufer plus que jamais. En effet, cette innocente fupercherie réuffit au gré des vœux de Dorante, & felon les efpérances de la Marquife, qui fait courir le bruit de fon prochain mariage; mais ce qui pique le plus la Comteffe, c'eft que le contrat doit être figné chez elle-même, elle fait dire à Dorante qu'elle veut lui parler &

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celui-ci s'en excufe dans la crainte dit-il, de déplaire à la Marquife qui pourrait en prendre ombrage. Ce ménagement acheve de porter le défef poir dans le cœur de la Comteffe, & pour frapper le dernier coup, Dorante & la Marquife viennent la prier tous deux de vouloir bien permettre qu'ils fe marient chez elle,

La préfence du Chevalier ne peut empêcher la Comteffe de fe livrer à fa douleur; elle lui apprend qu'elle ne l'a jamais aimé, & avoue à Dorante qu'elle n'a pas ceffé de lui être fidelle.

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Dorante ne tiendrait pas contre un aveu fi charmant, fila Marquife ne l'encourageait tout bas à foutenir une feinte qui lui a été fi utile. ob ch

La Comteffe s'abaiffe jufqu'à demander à Dorante, un cœur qu'il femble lui avoir ôté. La Marquife répond pour lui qu'il n'eft phus tems, puifque leur contrat eft dreffé. En effet, le Notaire arrive avec ce contrat à la main ; la Marquife prie la Comteffe d'y figner, & la Comteffe par un dernier effort de fierté prend la plume, mais à peine at-elle figné, qu'elle tombe en défaillance entre les bras de Lifette. Do

rante ne pouvant plus tenir contre cette marque d'amour, fe jette à fes pieds, Elle paraît furprife de le trouver dans cette fituation; Dorante lui apprend que c'eft fon mariage avec lui-même qu'elle vient de figner, & la prie de youloir bien le confirmer. La Comteffe enchantée, embraffe la Marquife & lui rend grace d'une tromperie qui lui rend un Amant fi fidele.

Cette Comédie qui eft de M. de Marivaux, eut un fuccès très-complet & très mérité. Elle eut dix-huit repréfentations également applaudies. Le dénouement parut un des plus intéreffans qu'on eût vu au théâtre ; mais on reprocha avec juftice à l'Auteur, l'Epifode des Amours d'Arlequin & de Lifette, trop reffemblante avec celle de la premiere surprise de l'Amour, & de reproche eft d'autant mieux fondé, que cette Episode produit à peu près les mêmes fituations dans les deux Pieces.

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