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LE TEMPLE DU GOUT.

Comédie en un acte, en vers libres.
11 Juillet 1733.

Le

E théâtre représente d'abord le nouveau Temple du goût, conftruit d'une maniere bifarre. Une Habitante furprise du changement qu'on y a fait en fon abfence, s'en plaint à la Criti que, à qui elle attribue cette métamorphofe: la Critique lui répond qu'elle n'y a point de part, & que c'eft l'ouvrage de fa fœur la Raillerie, qui a infpiré cette réforme à un Génie du pre.

mier ordre.

Le Dieu du Goût arrive; inftruit de ce qui s'eft paffé; il rétablit fon premier Temple, & charge la Critique d'y introduire ceux qu'elle en trouvera dignes.

Le bon Sens & l'Efprit y font les premiers introduits; comme ils entrent en fe querellant, le Dieu du Goût les prend pour mari & femme, ils fe font connaître à lui pour ce qu'ils font en effet, & lui font réciproquement leurs plaintes. Le Dieu du Goût s'étonne que

T'Efprit qui eft représenté par Mademoiselle Silvia, foit du genre féminin, elle lui répond ainfi :

L'homme n'eft point doué de l'efprit véritable, Son orgueil l'en rend incapable;

Nous le voyons obfcur dans fes difcours, Recherché dans son style, & guindé dans fes

tours,

Nons affommer d'un pompeux verbiage.

A forger de grands mots il borne fon favoir,
Cyniqué malheureux & qui fe dédommage
Du talent qu'il n'a point & qu'il voudrait
avoir,

En verfant du poifon fur le plus bel ouvrage.
Le véritable efprit eft fimple, affable & doux,
Galant fans flatterie, & railleur fans médire,

Du fond de l'ame il vous fait rire, Son entretien eft fait pour tous; Il parle avec clarté, l'ignorant peut l'entendres Il eft léger, il eft vif, il eft tendre ; Au fein de la nature il puise sa fplendeur, Toujours brillant quoiqu'un peu variable, Et fur-tout ne fe croit aimable, Qu'autant qu'il fait toucher le cœur.

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Le Dieu du Goût les écoute avec douceur, & n'oublie rien pour les réunir, parce qu'ils ne peuvent rien faire

́de bon l'un fans l'autre l'Efprit eft inflexible, & fait encore ce reproche au bon Sens.

Qu'un jeune homme par mon fecours,
Soit tout prêt de toucher une beauté févere.)
Le bon fens vient fes fots difcours 3..
Ecartent les plaisirs, déroutent les amours
La beauté réfléchit & redevient auftere.
Il m'a cent fois joué de pareils tours.
Le GOUT.

Ce n'eft point le bon fens qui doit vous faire
jobftacle anda sekat, tal,
Dans l'attaque d'un jeune cœur ;
Raifonne-t-il dans fa brûlante ardeur ?
Non, fon penchant eft fon unique oracle;
Et s'il arrive enfin qu'à fon vainqueur,
Il échappe par un miracle,

C'eft l'ouvrage de la pudeur.

Les décifions du Goût ne font pas plus refpectées que les raifons du bon Sens, l'efprit femelle fe retire, & le bon Sens le fuit péfamment.

Arlequin eft introduit le second dans le Temple rétabli; il eft étonné de l'honneur que la Critique lui a fait de lui en ouvrir l'entrée; le Dieu du Goût lui dit obligeamment qu'il eft plus di

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gue qu'il ne penfe d'y occuper unë place; Arlequin lui avoue qu'il eft venu dans fon Temple fans le favoir; il ajoute qu'il jouit d'un heureux loifir depuis qu'il a quitté fon métier de

Comédien.

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Le Dieu du Goût lui offre parmi plufieurs arts la peinture, qu'Arlequin refufe parcequ'elle eft trop difficile. I Le GOUT.

C'eft pourtant un Art merveilleux.

D'une Amante éloignée il adoucit l'absence, Et les traits d'une aimable & jufte reffemblance, n

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Confolent le coeur par les yeux.

ARLEQUIN.

La douleur par cet Art ne peut être adoucie.

Un Portrait irrite le mal,

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Car la beauté de la Copie,

Fait regréter l'Original.

Le Dieu du Goût lui demande enfuite d'où vient qu'il a quitté un théâtre dont il faifait le principal ornement. Arlequin lui répond qu'il n'y faifait plus rien, attendu la défertion prefque générale des Spectateurs; il prie le Dieu du Goût de lui donner

quelques Pieces qui ramenent le Public chez fes Camarades. S'il veut qu'il les aille réjoindre; le Dieu lui dit qu'il juge des ouvrages, mais qu'il n'en fait point; il lui annonce qu'il trouvera fur le théâtre qu'il a quitté une Piece nouvelle qui pourra lui attirer de nouvelles pratiques, mais qu'il ne répond pas du fuccès; flatté de cette efpérance, toute incertaine qu'elle eft, il fort du temple, pour aller reparaître fur fon théâtre.

Le faux Goût arrive, & ordonne aux Danfeurs & aux Chanteurs de fa fuite de fe tenir prêts pour la fête nouvelle, qu'il veut célébrér dans fon nouveau temple; il est très étonné de trouver toutes chofes dans leur premier état ; il s'en plaint au Dieu du Goût, qui lui reproche la témérité qu'il a eue de vouloir réformer fon temple. Ws fe railJent l'un l'autre, & le faux Goût fe retire pour aller raffembler fes Chanteurs & fes Danfeurs.

La Critique vient rendre compte au Dieu du Goût, du foin qu'elle a pris d'exécuter les ordres, & finit la Pieces par cette fable

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