Tout hait dans l'Univers, même en difant qu'il aime. L'étonnement ferme la bouche à Liv fidor, & Lucile profite de fon filence pour étaler tous les défauts qu'elle luitrouve, & l'accabler d'injures; à la fin il s'indigne de fe voir ainfi outragé & il lui répond fur le même ton; mais avec un peu plus de ménagement. Puifqu'au char de la haine il vous paraît fi doux, D'enchaîner un Amant qui brûlait d'être à vous, Vous venez d'obtenir une pleine victoire, ment, Madame, je vous hais; mais fi parfaite ment, Que de l'averfion où mon amé eft livrée, En ce moment Arlequin vient annoncer le Notaire, dont le miniftere est très-fuperflu, la haine paffe dans le cœur de tous les autres Acteurs, qui fe quittent en fe promettant bien de plaider & de fe détefter de tout leur cœur;" il n'y a pas jufqu'à Lifette qui donne un foufflet à Arlequin: (elle s'enfuit.) ARLEQUIN. Va, tu fais bien de fuir, je t'aurais fur mon ame ? Sans être ton époux, traité comme ma fem me; Finir fans mariage & rompre fagement, ment. La Piece finit par un Divertiffement que Milord Guinée avoit fait préparer. La haine traveftie en hymen, parait vouloir unir plufieurs amans ; mais dès qu'ils touchent au moment qui doit les rendre heureux, elle reprend fa véritable forme, & fouffle par-tout la difcorde. Cette Piece avait befoin d'être vivement & fortement écrite; car le caractere de Lucile devait révolter tous les fpectateurs, elle eut cependant dixhuit représentations, & à fouvent été reprise. M. Boiffi, qui en eft l'auteur, a donné la preuve de ces deux vers. ་ a Il n'eft point de Serpent, ni de Monftre odieux, Qui par l'art imité, ne puiffe plaire aux yeux. L'APOLOGIE DU SIECLE, OU MOMUS CORRIGÉ. Comédie en un acte en profe, UNE Actrice eft étonnée de voir Momus tenant un bouquet à la main au lieu d'une marotté & lui en marque fa furprise; ce Dieu lui apprend qu'il eft corrigé, & qu'au lieu de tout blâmer, il veut tout louer. L'ACTRICE Allons, Seigneur, vous vous mocquez de moi; On fait que vous aimez à rire, Et l'encens de Momus, eft un trait de fatire. Momus perfifte dans son hipocrifie. & répond ainfi: cít Depuis qu'en bien tout le monde eit changé, Sachez que je fuis corrigé; De la douceur que je refpire, (1) La fcène fe paffe fur le théâtre de la Comédie Italienne. Ces fleurs font un garant qu'on ne peut con tredire, La critique eft hors de faifon, Et le fiecle vit de façon, Qu'il ne convient plus d'en médire ; Il fait voir tant d'efprit, de candeur, de: raison, Qu'en dépit qu'on en ait, il faut bien qu'on ov Tadmire: Plein de fageffe, exempt d'abus, De fi De ridiculé, d'injuftice, Il m'oblige à changer d'humeur & d'attributs, A l'avenir je ne dois plus Que par l'éloge des vertus. Cette réfolation de Momus fait trem bler Actrice, & l'oblige a lui répan-. dre. Mais jamais au panégyrique, Nos revenus font affurés; Sans elle, ferviteur au théâtre Italique.. MOMUS. Elle ne fait que l'avilir. L'Actrice eft remplacée par M. Philinte, grand faifeur d'Epigrammes.. PHILIN TE. Pour m'enseigner cet Art, où vous semblez: primer, Apprenez-moi d'abord comment je dois nom mer Une Friponne, une Coquette, Dont la bouche me jure un amour fans égal,, Et qui l'instant d'après, me trahit en ca chette, Et favorifé mon Rival? MOM US. Mais on l'appelle un femme ordinaire. PHILINTE Et l'ami délicat qui m'enleve la Belle, Comment l'appelle-t-on dans ce fieclè chate mant? MOM US. Un ami faible & que l'amour ensporte.." PHILIN TE. Momus eft bien compatissant ! Et de quelle façon eft-ce qu'il qualifie De toutes mains reçoit double valeur, |