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élevé et peut-être encore plus à l'étonnement de ceux qu'on appelait alors les histrions.

Champfort fut plus heureux avec le Marchand de Smyrne (1775), qui eut beaucoup de succès. Malheureusement pour lui, un beau jour un de ses envieux déterra une vieille tragédie de Mustapha et Zéangir, de M. Belin, jouée soixante-dix ans avant la représentation du Marchand, et qui avait un grand air de famille avec cette dernière. Quoi qu'il en soit, ce drame fit époque.

Nous terminerons ce qui a trait à la ComédieFrançaise par une appréciation et des anecdotes sur le célèbre CARON DE BEAUMARCHAIS, auteur remarquable, remarqué, attaqué et défendu avec acharnement dans les mémoires du temps, qui a laissé de beaux drames et la réputation incontestée d'homme d'infiniment d'esprit.

La première pièce ou drame que Beaumarchais donna au théâtre, fut, en 1767, Eugénie, en cinq actes et en prose. La première représentation fut orageuse, surtout aux deux derniers actes. Les trois premiers avaient été applaudis. A la seconde représentation, ce drame reprit faveur; les femmes y trouvaient de l'intérêt et y revinrent. Le fond du sujet est puisé dans Clarisse et dans l'Aventure du comte de Belflor, racontée dans le Diable Boiteux. Quelques scènes sont imitées de celles du Généreux ennemi, comédie de Scarron, et du Point d'honneur, de Lesage.

Lorsque la pièce fut imprimée, elle parut avec une préface des plus singulières et qui, comme

tout ce qui est singulier en France, lui attira de la

vogue.

C'est à l'Eugénie de Beaumarchais qu'il faut fixer l'époque du changement du mot comédie en celui de drame, pour les pièces du genre larmoyant. Avant cet auteur, le mot drame n'était pas employé d'une façon aussi radicale et aussi absolue; ainsi les pièces de La Chaussée, de Saurin, prenaient encore le nom de comédie.

Beaumarchais, lorsqu'il fit paraître Eugénie, était déjà célèbre par ses Mémoires plaisants, publiés par suite de son procès avec madame Goëtzmann, ce qui donna lieu aux vers qu'on va lire :

Cher Beaumarchais, sur tes écrits,
En deux mots, voici mon avis :
Donne au palais ton Eugénie,
Tes factums à la Comédie.

Quelques années plus tard, Beaumarchais fit jouer son second drame, les Deux Amis ou le Négociant de Lyon. Ce drame, comme le précédent, eut ses admirateurs et ses contradicteurs. A l'une des représentations, au beau milieu de l'imbroglio assez diffus de la pièce, un plaisant s'écria du fond du parterre : Le mot de l'énigme au prochain Mercure! Cette boutade prouve que les charades, logogriphes et énigmes, placés à la fin de certains journaux, ne sont pas d'invention récente.

Il paraît que peu de jours après l'apparition sur la scène française des Deux Amis, l'auteur se trouvant à l'Opéra, dans le foyer, eut l'imprudence de faire

remarquer, d'un ton dégagé et dédaigneux, à la spirituelle Arnoux (qu'on appelait le Piron femelle, à cause de ses réponses et de ses saillies), combien ce théâtre était délaissé. Voilà, ajouta-t-il, une trèsbelle salle; mais vous n'aurez personne à votre Zoroastre. - Pardonnez-moi, lui dit l'actrice, vos Deux Amis nous en enverront.

Les acteurs de la Comédie-Française donnèrent onze représentations du drame de Beaumarchais, et cependant ne voulurent pas qu'il en retirât ses honoraires, ce qui devint le sujet de Mémoires, de réclamations et d'une question de principe soulevée déjà par Sédaine.

La pièce de Beaumarchais qui fit le plus de bruit dans le monde des lettres et dans le monde élevé fut le Barbier de Séville. Longtemps elle ne put être représentée, et voici pourquoi :

L'auteur était très-lié avec le duc de Chaulnes, lequel duc avait une fort belle maîtresse nommée Mesnard. Beaumarchais, homme d'esprit, aimable, insinuant auprès des femmes, acquit bientôt une certaine intimité avec la maîtresse du grand seigneur. Ce dernier finit par ressentir une jalousie telle qu'il voulut tuer M. Caron. Il le provoqua ; on convint qu'on se battrait en présence du comte de La Tour-du-Pin, pris pour juge du combat; mais le comte n'ayant pu se rendre sur l'heure à l'invitation, la tête du duc de Chaulnes s'exalta à tel point, chez son rival même, qu'il voulut le tuer dans sa propre maison. Beaumarchais fut obligé de se défendre à coups de pied et à coups de poing. Son adversaire était un des plus

vigoureux personnages de France, et il commençait à l'assommer lorsque heureusement les domestiques intervinrent; il était temps. Le guet, le commissaire arrivèrent à leur tour, on dressa procès-verbal de cette scène tragi-comique. On donna un garde au battu pour le garantir des fureurs du duc dont on chercha à guérir la tête.

Le plus plaisant de l'aventure, c'est que comme si l'on n'eût pas voulu faire mentir le vieux proverbe : Les battus paient l'amende, Beaumarchais fut mis au Fort-L'évêque pour ne s'être pas exactement conformé à l'invitation que lui avait envoyée le duc de la Vrillière de ne pas sortir de sa maison avant la détention du duc de Chaulnes. En outre, l'auteur du Barbier de Séville ayant lancé un Mémoire extrêmement vif qui avait déplu à la maison de Luynes, l'on exigea la punition de cette impudence. Du reste, comme Beaumarchais était assez impertinent, ne doutait de rien, il était généralement détesté, avait beaucoup d'ennemis, et quoique dans la circonstance dont nous parlons, les torts ne fussent pas de son côté, on ne le plaignit nullement des vexations qu'il éprouva et l'on ne fit qu'en rire.

Un arrêt étant intervenu contre Beaumarchais, dont le nom réel était Caron, on adressa au tribunal le plaisant quatrain suivant :

O vous qui lancez le tonnerre,

Quand vous descendrez chez Pluton,
Prenez votre chemin par terre,

Vous serez mal menés dans la barque à Caron.

Au nombre des Mémoires publiés par Beaumarchais, s'en trouvait un dirigé contre le sieur Marin. Ce factum fit beaucoup de bruit; il était plaisant et spirituel, et se terminait ainsi : « Écrivain éloquent, causeur habile, gazetier véridique, journalier de pamphlets, s'il marche il rampe comme un serpent, s'il s'élève il tombe comme un crapaud. Enfin, se traînant, gravissant, et par sauts et par bonds, toujours ventre à terre, il a tant fait par ses jérémies, que nous avons vu de nos jours le corsaire allant à Versailles, tiré à quatre chevaux sur la route, portant pour armoiries aux panneaux de son carrosse, dans un cartel en forme de buffet d'orgue, une renommée en champ de gueule, les ailes coupées, la tête en bas, râclant de la trompette marine, et pour support une figure dégoûtée représentant l'Europe; le tout embrassé d'une soutanelle doublée de gazettes et surmonté d'un bonnet carré, avec cette légende à la houpe : « Ques-à-co? Marin. » Le ques-à-co, dicton provençal voulant dire: « Qu'est-ce que cela?» fit fureur et plut si fort à la Dauphine lorsqu'elle lut ce Mémoire, qu'elle l'adopta et le répéta souvent. Il devint un quolibet, un mot de Cour. Une marchande de modes imagina de profiter de la circonstance et inventa une coiffure qu'elle appela un quesaco. C'était un panache en plumes que les jeunes femmes, les élégantes, portaient sur le derrière de la tête, et qui, ayant été fort bien reçu par les princesses, surtout par la trop célèbre comtesse Dubarry, acquit une faveur superbe et devint la coiffure à la mode.

Enfin, en février 1775, le fameux Barbier de Sé

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