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quoiqu'il allât nuds pieds, fon habit ne lui venoit AN. 1062. qu'à mi-jambe: au lieu que ceux des autres ermites alloient jufques à terre, pour les garentir du froid. Le jeûne & le poids de fa cotte de maille, lui avoient rendu la peau noire comme celle d'un negre. Il portoit de plus quatre cercles de fer, deux aux cuiffes & deux aux jambes; & enfuite il y en ajoûta quatre autres. Cette affreuse penitence ne l'empêcha pas d'arriver à une grande vieilleffe; & à fa mort, on trouva qu'outre la chemise de maille qu'il portoit ordinairement, il en avoit une autre étendue fous lui, comme pour lui fervir de drap. Il mourut en 1062. le quatorziéme d'Octobre, jour auquel l'église honore fa memoire. On l'enterra d'abord dans fa cellule, de peur que les moines du voifinage ne l'enlevaffent, mais Pierre Damien le fit enfuite transferer honorablement dans le chapitre, & le corps fe trouva entier, quoique ce fût le neuvième jour aprés fa mort.

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Martyr.
R. 14, 08.

LII. Compenfa

tences

Ce n'étoit pas feulement pour lui-même, que Dominique fe mortifioit ainfi, c'étoit encore pour acqui- tions de peniter les penitences des autres. Caron étoit alors perfuadé, que pour chaque peché on étoit obligé d'accomplir la penitence marquée par les canons : en forte que s'il y avoit dix ans pour l'homicide, celui qui en avoit commis vingt devoit deux cens ans de penitence. Et comme il étoit impoffible de l'acquiter, on avoit trouvé des moïens de la racheter, Or Pierre opufc. LI. c. 3. Damien dit avoir appris de Dominique, que l'on accompliffoit cent ans de penitence par vingt pfeautiers, accompagnez de difcipline. Car trois mille coups de difcipline valoient un an de penitence, & mille coups Le donnoient pendant dix pseaumes: par consequent

Tome XIII.

O

AN. 10G2.

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p. 22.

les cent cinquante pleaumes valoient cinq ans de penitence, & les vingt pfeautiers en valoient cent. Dominique accompliffoit facilement en fix jours cette penitence de cent ans, & en acquittoit ainfi les cheurs. Une fois même au commencement d'un Carême, il pria Pierre Damien de lui impofer mille ans de penitence, & peu s'en fallut qu'il ne l'achevât avant la fin du Carême.

pe

Dans un autre ouvrage intitulé la perfection des Opusc. x111, moines, Pierre Damien foûtient, que les moines qui ont commis de grands pechez, lorfqu'ils vivoient dans le monde, n'en font pas quittes par la commune obfervance de la regle, & qu'ils doivent y ajoûter des penitences proportionnées à leurs pechez. Un moine, dit-il, me vint trouver, & me confeffa les pechez qu'il avoit commis étant laïque. Il devoit faire, s'il m'en fouvient bien, foixante & dix ans de penitence, felon les canons; & il y avoit environ sept ans qu'il portoit l'habit de religion. Je lui demandai combien il avoit déja fait de penitence pour fes pechez: il répondit, qu'il les avoit tous confeffez à l'abbé, mais qu'il ne lui avoit impofé aucune penitence outre l'obfervance commune du monaftere; affûrant que la feule conversion, c'est-à dire, la pratique de la regle, fuffifoit pour la remiffion de tous fes pechez, J'en eus horreur, & je m'écriai, que ce pauvre homme avoit été trompé: puifqu'il n'avoit pas commencé fa penitence, au lieu qu'il pouvoit l'avoir achevée par diverfes aufteritez. Pierre Damien ne rapporte à mon avis aucune preuve folide de cette opinion, qui n'étoit fondée que fur ces fupputations de tant d'années de penitences inconnuës à l'antiquité.

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Lib. IV. ep. 21,

Il dit ailleurs, écrivant à un évêque: Vous n'i- AN. 1062. gnorez pas que quand nous recevons des penitens quelque fond de terre, nous leur relâchons de la quantité de leur penitence à proportion de leur present. Ce qui venoit encore du même principe d'eftimer & commuer les penitences; & c'étoit un moïen facile d'enrichir les églifes.

Quelques-uns toutefois blâmoient les flagellations, & en general les compenfations de penitence, comme il paroît par les écrits même de Pierre Damien. Car dans une lettre au clergé de Florence, il fe plaint de Lib,v.epist.8. ce que l'on a rendu public ce qu'il a écrit fur le sujet

des disciplines, quoiqu'il ne l'ait écrit ni pour les laïques, ni pour les clercs, mais feulement pour les moines; & qu'il n'ait reprefenté que ce qu'ils pratiquent tous les jours. Puis faifant parler ceux qui blâmoient cet usage, il ajoûte : Voilà, difent-ils, une penitence nouvelle & inouïe jufques à préfent pendant tant de fiecles: fi on l'admet une fois, on détruit tous les canons & on ancanti la tradition. Ils vouloient dire, que par ces compenfations on aboliroit les penitences canoniques, en quoi ils ne fe trompoient pas, comme l'évenement a fait voir.

Mais, répond Pierre Damien, nôtre Sauveur n'at-il pas été flagellé? Saint Paul n'a-t-il pas requ cinq pas reçu cinq fois les trente-neuf coups de foüet? Tous les apôtres n'ont-ils pas été foüetez? Combien de martyrs ont fouffert le même fuplice? On rapporte que faint Jerôme & d'autres ont été foüetez par ordre de Dieu. On dira que tous ces faints ont été foüetez par d'au tres & non par cux-mêmes. Je reponds qu'il ne faut donc plus auffi porter nôtre croix, puifqu'il n'y a plus

LIII. Flagellations,

2. Cor. XI. 24.

Act. V. 40.

Hier.epift.27.

AN. 10G2.

de perfecuteurs pour nous crucifier; & que comme on n'accufe point de temerité celui qui jeûne volontairement, fans qu'un prêtre le lui ait ordonné: on ne doit pas non plus condamner celui qui fe donne la discipline de fes propres mains. C'est une tresbonne penitence de châtier la chair, pour reparer la perte que l'on a faite en cherchant les plaifirs de la

chair.

Que fi cette difcipline à coups de verges paroît nouvelle, & par confequent reprehenfible à ceux qui ne la pratiquent pas: faut-il auffi reprendre le venerable Bede, qui ordonne, aprés les anciens canons, de mettre aux fers certains penitens ? L'auteur ajoûte quelques exemples d'aufteritez fingulieres, tirées de la vie des peres, mais il n'en rapporte aucun de flagellations: ainfi il convient tacitement de leur nouveauté. Tout ce qu'il conclut, c'eft qu'il eft permis de pratiquer des penitences qui ne font pas fpecifiées dans les canons: Auffi ne trouvai-je point d'exemples de flagellations volontaires avant cet onzième fiecle, & les preMabill. praf. miers que l'on rapporte font de faint Gui abbé de Pomsup. lib.LIX..vels mort en 1048. pofie mort en 1046. & de faint Poppon abbé de Sta

S&c.6.n.33.

48..33.

Pierre Damien continue: Quand les évêques prefcrivent à quelques pecheurs une penitence de plufieurs années, ne leur taxent-ils pas quelquefois une somme d'argent pour en racheter le tems, & pour les difpenfer des jeûnes qui leur font trop de peine? Condamnera-t-on ce rachat de penitence à prix d'argent, parce qu'il ne fe trouve point dans les anciens canons ? Que fi on permet aux laïques de racheter leurs pechez par des aumônes, que doit-on ordonner à un moine,

à qui il reste une longue penitence à acquiter, & qui a AN. 106 1. autrefois abandonné tout fon bien? Ne pourra-t-il pas racheter fes pechez en mortifiant sa chair?

Il traite encore cette matiere dans une lettre à un moine nommé Pierre Teftu, qui avoit écrit aigrement contre ces disciplines, dont toutefois il ne blâmoit que l'excés & la longueur. Mais, dit Pierre Damien, s'il eft permis de donner cinquante coups de difcipline, pourquoi n'en donnera-t-on pas foixante ou même cent? Si on en peut donner cent, pourquoi non cinq cent ou mille? Ce qui eft bon ne peut être pouffé trop loin. Si le jeûne d'un jour eft bon, celui de deux ou de trois jours eft meilleur. Suivant ce principe, la perfection feroit de fe laiffer mourir de faim, ou d'expirer fous les coups de difcipline. Mais ce n'eft pas dans les écrits de Pierre Damien qu'il faut chercher la jufteffe du raifonnement.

27.

Lib. VI. epift

III, Chr.

Les moines du mont-Caflin avoient embraffé cet- Chr. Caß.lib. te pratique de la discipline avec le jeûne du vendredi, à la perfuafion de Pierre Damien ; & à leur exemple cette devotion s'étoit étenduë, non feulement aux monafteres de leur obfervance, mais encore aux vil les & aux villages. Toutefois quelques-uns au montCaffin s'éleverent contre la pratique des flagellations, difant qu'il étoit mal-honnête de paroître nud en prefence d'une grande communauté: car la difcipline fe donnoit ordinairement en plein chapitre. Celui qui s'y oppofa le plus fut le cardinal Eftienne, qui avoit été moine du mont-Caffin; & il défendit d'y pratiquer davantage cette penitence. Pierre Damien écri- opufc. XIIIB. vit fur ce fujet à la Communauté, foûtenant qu'il eft honnête & falutaire de fouffrir par penitence la confu

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