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AN. 1063.

tagnes voifines. Ce lieu fitué dans l'Apennin à demie journée de Florence plut à Jean Gualbert ; il s'y arrêta, & fa réputation s'étendant peu à peu, il lui vint de divers endroits plufieurs difciples tant laïques que clercs; même plufieurs moines du monaftere de faint Miniat qu'il avoit quitté. Jean leur faifoit observer exactement la regle de faint Benoist, particulierement pour l'épreuve des novices: il avoit une grace particuliere pour connoître à la premiere vûë ceux qui fe prefentoient avec un defir fincere de fe convertir, & recevoit plus volontiers des pauvres que des riches. Itta abbeffe de faint Hillare, à qui appartenoit le lieu où ils s'étoient établis, leur envoia quelque fecours de vivres & de livres; & enfin leur donna le lieu même nommé Belle cau & d'autres terres plus éloignées Quelque tems aprés l'empereur Conrad étant à Florence, & aïant oui parler de ce monaftere, envoïa Rodolfe évêque de Paderborn pour en dédier l'églife; car le fiege de Fiefole, dans le diocefe duquel étoit Vallombreuse, fe trouvoit vacant. C'est ce qui paroît par l'acte de la donation de l'abbeffe, datté de l'an 1039.

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Le monaftere de Vallombreuse étant ainfi formé, Jean en fut élû abbé, malgré sa résistance, qui fut extrême. Il s'appliqua à faire obferver la regle à la rigueur, principalement quant à la clôture des moines; & les fit habiller d'une étoffe brune & groffiere, faite de la laine blanche & noire de leurs brebis mêlée enfemble. Outre les moines il reçut des laïques, ou freres convers, qui menoient la même vie, & ne differoient que par l'habit & le filence, qu'ils ne pouvoient garder fi exactement, étant occupez aux tra

vaux du dehors. C'eft le premier exemple que l'on AN. 1063. trouve de freres lais ou convers, diftinguez par état Mabill praf.2. des moines du chœur, qui dés-lors étoient clercs fec. 6. n. go. pour la plûpart, ou propres à le devenir. L'abbé Jean avoit un tel respect pour les faints ordres, qu'il ne permettoit à aucun de fes moines d'en faire les fonctions, fi avant sa converfion il avoit été fimoniaque, concubinaire, ou coupable de quelque autre crime. Pour lui il n'ofoit même ouvrir les portes de l'églife, fi un clerc ne les ouvroit le premier.

Plufieurs perfonnes nobles lui offroient des places pour bâtir de nouveaux monafteres : plufieurs le prioient d'en reformer d'anciens. Ainfi il fonda de nouveau faint Salvi prés de Florence, & reforma Paffignan prés de Siene, où il reçut en paffant le pape Leon IX. avec fa fuite. Un jour fes moines manquant de vivres, il fit tuer un mouton pour leur diftribuer avec trois pains qui reftoient: mais ils ne voulurent point toucher à la viande, fe contentant chacun d'un petit morceau de pain; & le lendemain on leur amena des ânes chargez de bled & de farine, fuivant la prédiction de l'abbé. Une autrefois il fit tuer un boeuf en pareille occafion, aimant mieux donner de la chair à fes moines que les laisser mourir de faim: mais ils n'y toucherent point, & Dieu pourvût encore à leur befoin L'exemple de Jean Gualbert & ses exhortations convertirent plufieurs clercs, qui laiffant leurs femmes & leurs concubines, commencerent à s'affembler prés des églifes & à vivre en commun. Il fit aussi bâtir plufieurs hôpitaux & réparer plufieurs anciennes églifes.

Etant un jour allé vifiter Mufcetan un de fes mo

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nafteres, il en trouva les bâtimens trop grands & trop beaux; & aïant appellé Rodolfe qui en étoit abbé, il lui dit d'un visage trés-ferein: Vous avez ici bâti des palais à vôtre gré, & y avez emploïé des fommes qui auroient fervi à foulager un grand nombre de pauvres. Puis le tournant vers un petit ruiffeau qui couloit auprés, il dit: Dieu tout puiffant, vangezmoi promptement par ce ruiffeau de cet énorme édifice. Il s'en alla, & auffi-tôt le ruiffeau commença à s'enfler, & tombant de la montagne avec impetuofité, il entraîna des roches & des arbres qui ruinerent le bâtiment de fond en comble. L'abbé épouvanté vouloit changer le monaftere de place; mais le faint homme l'en empêcha, & l'affura que ce ruiffeau ne leur feroit plus de mal, ce qui arriva. Une autre fois aïant appris, que dans un de ses monasteres on avoit reçû un homme qui y avoit donné tout fon bien au préjudice de fes heritiers; il y alla auffi-tôt, & demanda à l'abbé l'acte de la donation. L'aïant pris il le mit en pieces, & dit avec beaucoup d'émotion : Dieu tout-puiffant, & vous faint Pierre prince des apôtres, vangez-moi de ce monaftere. Auffi-tôt il fe retira en colere. Il n'étoit pas loin quand le feu prit au monaftere & en brûla la plus grande partie : mais le faint homme ne daigna pas même fe retourner pour le regarder. On raconte de lui plufieurs autres miracles; mais ceux-ci m'ont paru les plus édifians. Un clerc qui étoit fort riche vendit tout fon bien, & apporta au faint abbé une grande partie de l'argent; mais il lui dit : Tant que vous en garderez un denier, vous ne pouvez être de mes amis. Le clerc diftribua tout aux pauvres & revint trouver l'abbé, qui le reçut.

Comme il étoit à Vallombreuse, le pape Eftienne IX. passant là auprés, l'envoïa prier de le venir trouver. Jean qui étoit confiderablement malade s'en excufa; & le pape renvoïa lui dire, que s'il ne pouvoit venir autrement, il fe fît apporter fur fon lit. Le faint homme entra dans l'églife, & pria Dieu de lui donner quelque expedient pour éviter fans fcandale d'aller trouver le pape. Comme il fe faifoit porter fur fon lit, il vint un grand orage de vent & de pluïe. Ce que voïant les envoïez du pape ils le firent retourner au monaftere, & le pape l'aïant appris dit : C'est un faint, je ne veux plus qu'il vienne, qu'il demeure dans fon monaftere; & qu'il prie Dieu pour moi & pour l'églife. L'archidiacre Hildebrand voulant un jour lui faire des reproches, oublia ce qu'il avoit préparé pour lui dire; & depuis ce jour ils furent amis intimes. Tel étoit faint Jean Gualbert fondateur de la congregation de Vallombreuse, qui fubfifte encore en Italie.

AN. 1063.

C.42.

1175.

6. 34.

V.

Concile de

c. 62.

Ses difciples allerent donc à Rome accufer Pierre évêque de Florence, dans le concile qui s'y tint en Rome. 1063. par le pape Alexandre II. & plus de cent évê- to. 9. conc. p. ques. Les moines y dénoncerent publiquement l'évê- vita Jo. Gualb, que comme fimoniaque & heretique, déclarant qu'ils étoient prêts à entrer dans un feu pour le prouver : mais le pape ne voulut ni dépofer l'évêque, ni accorder aux moines l'épreuve du feu. Car la plus grande partie des évêques favorifoit celui de Florence: mais l'archidiacre Hildebrand prenoit le parti des moines. Ce fut peut être à cette occafion que le pape le pape Ale- to.9.conc. p. 1155. xandre fit une conftitution adreffée au clergé & au Jux. peuple de Florence, où il dit : Suivant le concile de

16.9.1.6. Juxtà.

AN, 1063.

1.30.

Calcedoine, nous ordonnons aux moines, quelques vertueux qu'ils foient, de demeurer dans leur cloître conformement à la regle de faint Benoist : nous leur défendons d'aller par les villages, les châteaux & les villes; & fi quelqu'un veut prendre leur habit pour le falut de fon ame, il pourra les confulter, mais dans leurs cloîtres.

Ce concile de Rome fit douze canons, que le pape adreffa à tous les évêques, le clergé & le peuple, leur en ordonnant l'execution. Ils regardent principalement la fimonie, & font les mêmes prefque mot pour mot Sup. lib. LX. du concile tenu à Rome en 1059. par le pape Nicolas II. Le plus remarquable eft le quatrième, que l'on croit être le fondement de l'inftitution des chanoines reguliers. Il eft conçu en ces termes : Nous ordonnons que les prêtres & les diacres, qui obéïssant à nos prédeceffeurs, garderont la continence, mangent & dorment enfemble prés des églifes, pour lesquelles ils font ordonnez, comme doivent faire des clercs religieux, & qu'ils aïent en commun tout ce qui leur vient de l'églife. Et nous les exhortons à faire tout leur poffible pour parvenir à la vie commune apoftolique.

guliers.

Un écrit de Pierre Damien adreffe au pape AleVI. xandre II. l'excita fans doute à faire cette ordonnanOpufc. XXIV. ce. Le but de cet écrit est de montrer, que les chanoines ne doivent rien avoir en propre, & il le prouSup.LXXIV. ve principalement par l'autorité de faint Augustin, n. 40. 41. Aug. dans les fermons de la vie commune, qui ont fervi de fondement à la regle des chanoines. Car ce faint docteur y dit expreffément, qu'il ne veut garder dans la communauté des clercs qui vivent avec lui, que ceux qui n'auront rien en propre. Les chanoines fe dé

ferm. 355.356.

6.3.

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