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AN. 1074.

XIV. Projet de la croifade.

epift.31.

la

teffe Beatrix & fa fille Mathilde nous ont écrit de vôtre fincere amitié; & c'est par leur confeil & par perfuafion de l'imperatrice vôtre mere que nous vous écrivons cette lettre. C'est pourquoi nous faisons memoire de vous à la meffe fur les corps des apôtres, priant Dieu de vous affermir dans ces bonnes refolutions. Il l'exhorte ensuite à prendre confeil des perfonnes defintereffées & qui ne cherchent que fon falut. Enfin il le prie de faire venir au concile de Rome les évêques de la province de Maïence, qu'il y avoit appellez.

L'autre lettre du même jour feptiéme de Decembre, eft fur un fujet different, & femble écrite pour être renduë publique. Le pape y témoigne une grande affection pour l'empereur: & le prie de ne point écouter ceux qui veulent femer de la division entre eux. Puis il ajoûte: Je vous donne avis, que les Chrétiens d'outre-mer, perfecutez par les païens & preffez de la mifere qui les accable: ont envoïé me prier humblement de les fecourir de la maniere que je pourrois, & d'empêcher que de nôtre tems la religion Chrétienne ne periffe chez eux entierement. J'en fuis penetré de douleur; jufques à defirer la mort, & exposer ma vie pour eux plûtôt que de commander à toute la terre, en négligeant de les secourir. C'est pourquoi j'ai travaillé à y exciter tous les Chrétiens, & à leur perfuader de donner leur vie pour leurs freres, en défendant la loi de Jefus Chrift, & montrer par cette preuve éclatante la nobleffe des enfans de Dieu.

Les Italiens & les Ultramontains inspirez de Dieu je n'en doute point, ont reçû de bon cœur cette exhor

tation; & il y en a déja plus de cinquante mille, qui AN. 1074. fe preparent à cette expedition, s'ils peuvent m'y avoir pour chef: refolus de marcher à main armée contre les ennemis de Dieu, & d'aller jusques au fcpulcre de Nôtre Seigneur. Ce qui m'excite encore puiffamment à cette entreprife, c'eft que l'églife de C. P. divifée d'avec nous au fujet du faint Efprit, demande à fe réunir au faint fiege. Prefque tous les Armeniens sont écartez de la foi catholique, & prefque tous les Orientaux attendent que la foi de faint Pierre decide entre leurs diverfes opinions. Et parce que nos peres, dont nous defirons fuivre les traces, ont fouvent paffé en ces païs-là, pour confirmer la foi : nous fommes aufli obligez d'y paffer, fi Dieu nous en ouvre le chemin. Mais comme un fi grand dessein a befoin d'un fage confeil & d'un puiffant fecours : je vous demande l'un & l'autre. Car fi je fais ce voïage, je vous laiffe aprés Dieu l'église Romaine, pour la défendre comme vôtre fainte mere. Faites moi favoir au plûtôt vôtre refolution fur ce fujet. Voilà le projet de la croifade, qui ne s'executa que vingt ans aprés.

Dés l'année precedente, le pape Gregoire, au commencement de fon pontificat, avoit reçu une lettre de l'empereur Michel, par deux moines nommez Thomas & Nicolas, portant creance fur ce qu'ils diroient au pape de vive voix. C'étoit de grandes choses & apparemment la propofition de la guerre contre les infidelles. C'eft pourquoi le pape croïant ne devoir confier fa réponse qu'à une perfonne plus confiderable: envoïa à C. P. Dominique patriarche de Venise, qu'il dit être tres- fidelle à l'empereur Grec, pour s'in

Li. 1. epifc. 18.

AN. 1074.

11. ep. 46.

8. ep: 49.

11. ep. 37.

former plus furement de ses intentions, & lui déclarer
celles du pape. C'est ce qui paroît par
C'est ce qui paroît par la lettre de Gre-
goire du neuviéme de Juillet 1073.

Par une autre du quatriéme de Février de l'année fuivante, le pape prie Guillaume comte de Bourgogne, de lui envoïer des troupes pour fecourir l'église Romaine contre les Normans. Car nous efperons, ajoûte-t-il, qu'aprés avoir fait la paix avec eux, nous pafferons à C. P. pour donner aux Chrétiens le fecours qu'ils nous demandent inftamment contre les frequentes infultes des Sarrafins. Le pape écrivit vers le même tems une lettre generale à tous ceux qui voudroient défendre la foi Chrétienne, où il dit: Le porteur de cette lettre revenant d'outre-mer, s'eft presenté devant nous; & nous avons apris de lui, comme de plufieurs autres, que les païens ont prévalu contre l'empire des Chrétiens, qu'ils ont tout ravagé presque jufques aux murs de C. P. & tué comme des bêtes plufieurs milliers de Chrétiens. C'est pourquoi fi nous aimons Dieu & fi nous fommes Chrétiens, nous devons être tres-fenfiblement affligez du trifte état de ce grand empire; & donner nôtre vie pour nos freres, à l'exemple du Sauveur. Sachez donc que leur préparant du fecours, par tous les moïens poffibles: nous vous exhortons par la foi qui vous rend enfans de Dieu, & par l'autorité de faint Pierre, d'y concourir de vôtre pouvoir, & de nous faire favoir inceffamment vôtre réfolution. La lettre eft du premier de Mars 1074. Il en écrivit encore une femblable le feiziéme Decembre de la même année, adreffée à tous les fidelles de faint Pierre, principalement aux Ultramontains, ce qu'il faut toûjours entendre par raport

તે

à l'Italie: & il les exhorte à envoïer quelques-uns AN. 1074. d'entre eux avec lefquels il puiffe preparer l'execution

du voïage d'outremer.

X V.

11. epift. 39.

A la fin de la même année, le pape Gregoire écri- Eglise de Venise. vit au duc & au peuple de Venise une lettre, où il dit: Vous favez que la divine providence a honoré vôtre païs d'un patriarcat, dignité fi rare, qu'il ne s'en trouve que quatre dans tout le monde. Cependant cette dignité eft tellement avilie chez vous par le défaut des biens temporels & la diminution de fa puifsance, que cette pauvreté ne conviendroit pas même un fimple évêché. Nous nous fouvenons que le patriarche Dominique, predeceffeur de celui-ci, a voulu quitter la place, à caufe de fon indigence exceffive; & celui ci dit, que la fienne n'eft pas moindre. C'est pourquoi nous vous exhortons à ne pas negliger plus long-tems vôtre gloire & la grace que vous avez recûë du faint fiege: mais à vous affembler pour déliberer en commun. des moïens de relever chez vous la dignité patriarcale, & nous en donner avis. La lettre eft du trentiéme de Decembre 1074.

X VI. Lettre contfe

Philippe roi de

11. ep. S.

Cependant le pape Gregoire, de plus en plus mal fatisfait de Philippe roi de France, écrivit une lettre France fulminante aux évêques de fon roïaume. Elle est adreffée en particulier aux trois archevêques Manasfes de Reims, Richer de Sens & Richard de Bourges, & à Adralde évêque de Chartres, Le pape y plore la décadence du roïaume de France, autrefois fi puiffant & fi glorieux, & la confusion où il est plongé par le mépris des loix & de la juftice. Tous les crimes, dit-il, y font impunis, les parjures, les facrileges, les inceftes les trahifons font comptées

Tome XIII.

Nn

AN. 1074. pour rien : les citoïens & les freres fe pillent & fe prennent l'un l'autre : on prend les pelerins qui vont à Rome ou qui en reviennent, on les emprifonne & on les tourmente plus cruellement que ne feroient des païens: pour en exiger des rançons au deffus de leurs forces.

C'est vôtre roi qui eft la cause de ces maux: lui qui ne merite pas le nom de roi, mais de tiran, qui paffe fa vie dans le crime & l'infamie, qui portant inutilement le fceptre dont il s'eft chargé, non feulement donne occafion aux crimes de fes fujets, par la foibleffe de fon gouvernement, mais les y excite par fon exemple. Non content d'avoir merité la colere de Dieu par les pillages des églifes, les rapines, les adulteres, les parjures, les fraudes, dont nous l'avons fouvent repris: il vient encore d'extorquer une fomme immenfe aux marchands, qui étoient venus de divers pais à une foire de France: ce qu'on ne raconte point même dans les fables qu'aucun roi ait jamais fait: Vous, mes freres, vous êtes aussi en faute : puisque c'eft fomenter fes crimes que de n'y pas refifter avec la vigueur épifcopale. Car vous vous trompez fort fi vous croïez, en l'empêchant de mal faire, manquer au respect & à la fidelité que vous lui devez. C'est lui être bien plus fidelle de le retirer même du naufrage où fon ame periroit. Vous n'avez d'ailleurs rien à craindre; fi vous vous uniffez pour la défense de la juftice, vous aurez une force capable de le reprimer fans aucun peril pour vous, & quand même il faudroit expofer vôtre vie, vous ne devriez pas manquer à faire vôtre devoir avec une liberté épifcopale.

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