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de nouvelles définitions de mots, qu'il affecte encore par une demarche pompeufe, par une chair plus élevée que les autres, feignant de méditer long-tems & tenant la tête enfoncée dans son capuce, d'où fortoient enfin des paroles lentes d'un ton plaintif. C'est ainfi qu'il paffoit chez les ignorans pour un grand docteur dans les arts, quoiqu'il en eût peu de connoiffance,

Mais ayant été confondu par Lanfranc fur une assez petite question de dialectique, & se voïant abandonné de fes difciples, aprés que ce favant homme eût fait revivre les arts liberaux, il fe mit à expliquer les faintes écritures qu'il avoit jufques-là peu étudiées; & cherchant les dogmes qui le pouvoient faire admirer par leur nouveauté il combattit les mariages legitimes, foutenant que l'on pouvoit user de toutes fortes de femmes; & le baptême des enfans comme nul. En même tems il attaqua la verité du corps de Nôtre-Seigneur dans l'euchariftie: afin que ceux qui veulent pecher ne fuffent point retenus par le refpect de la fainte communion. Et voïant que les deux autres erreurs étoient infoûtenables, même devant les méchants: il s'appliqua tout entier à foutenir celle-ci, qui paroiffoit en quelque façon appuïée fur le témoignage des fens; & qui n'avoit pas été fi amplement refutée par les peres, parce qu'il n'en avoit pas été befoin de leur tems.

Guimond remarque enfuite la diverfité de fentimens qui fe trouvoit entre les Berengariens. Tous, dit-il, s'accordent à dire que le pain & le vin ne font pas changez effentiellement: mais ils different en ce que 327. e. les uns difent, qu'il n'y a rien abfolument du corps

&

& du fang de Nôtre Seigneur dans le facrement, & que ce n'est qu'une ombre & une figure. D'autres cedant aux raifons de l'églife fans quitter leur erreur difent que le corps & le fang de Nôtre Seigneur y font en effet contenus, mais cachez par une efpece d'impanation, afin que nous les puiffions prendre; & ils difent que c'eft l'opinion la plus fubtile de Berenger même. D'autres opposez à Berenger, mais touchez de ses raisons difoient, que le pain & le vin font changez en parties D'autres croïoient que le pain & le vin font entierement changez, mais que quand des indignes viennent pour communier, la chair & le fang de Nôtre Seigneur redeviennent pain

& vin.

Enfuite Guimond commence à refuter les opinions des vrais Berengariens : c'est-à-dire de ceux qui ne croïoient pas que le pain & le vin fuffent changez effentiellement. La nature, difoient-ils, ne fouffre pas un tel changement. C'eft, répond Guimond, nier la toute-puiffance de Dieu: car il n'eft pas tout puifsant, c'est-à-dire qu'il n'eft pas Dieu, s'il ne fait pas tout ce qu'il veut; & il a fait la nature telle qu'il lui a plu. Il faut donc feulement chercher s'il a voulu faire ce changement. Non, difoint-ils, parcequ'il est indigne de Jesus-Christ d'être froiffé par les dents. Mais il peut aufli bien être touché par les dents que par les mains comme il le fut de faint Thomas : que s'ils craignent de le bleffer & le mettre en pieces, ils ne confiderent pas qu'il eft immortel & impaffible. Nous croïons auffi que le corps de Jesus-Chrift ne peut plus être divifé en lui-même, quoique dans le facrement il femble être divifé & diftribué par par

Tome XII I.

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ties, pour s'unir à chacun des fidelles en particulier. Nous pouvons encore dire, qu'il y en a autant dans la moindre particule que dans l'hostie toute entiere: enforte que chaque particule feparée est tout le corps de Jefus Chrift. Il fe donne tout entier à chacun des fidelles, un & plufieurs le reçoivent également, quand on celebreroit mille meffes à la fois, c'est un feul corps de Jefus-Christ indivisible. Ce n'est que par les fens qu'une particule paroît moindre que I'hoftie entiere, mais les fens nous trompent fouvent. Au reste il n'eft pas merveilleux, que nous ne puiffions comprendre l'état du corps glorieux de Jefus-Chrift, puisque nous ne pouvons comprendre l'é. tat du corps glorieux du moindre des hommes.

On prétend encore montrer l'impoffibilité de ce changement, en ce que ce qui eft changé fubftantiellement est changé en quelque chofe qui n'existoit pas auparavant : or le corps de Jefus - Christ existoit avant que le pain fut changé. Nous ne nions pas, répond Guimond, que nous n'aïons peine en cette vie à entendre ce changement: mais nous n'avons pas peine à le croire. Nous croïons la providence & le libre arbitre, quoique nôtre raison ait peine à les accorder; & quantité d'autres veritez également certaines & incomprehenfibles. Il n'eft question que de favoir fi Dieu a voulu faire ce changement.

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Berenger difoit: La chair de Jefus Chrift eft incorruptible, & le facrement de l'autel se peut corrompre, fi on le garde long-tems, Ici Guimond femble nier le fait, & dire, que le corps de JefusChrift ne paroît fe corrompre que pour punir les pe chez des hommes, comme leur incredulité ou leur

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negligence. Et en effet ce n'eft point fon corps qui fe AN. 1075. corrompt mais les aparences fenfibles: comme il dit enfuite expreffément. Berenger. Quand le corps de Jesus - Christ seroit auffi grand que la plus haute montagne, il feroit confumé depuis qu'on le mange. Guimond. Cela feroit bon, fi nous concevions qu'il fût mis en pieces & mangé par parties: mais nous avons montré que c'eft comme la voix d'un feul homme, que chacun des auditeurs entend toute entiere.

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Doct. Chr. 111. C

Ibid. c. 16.

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Berenger. Saint Auguftin dans le livre de la doctrine chrétienne, dit que le facrement de l'autel eft un,. figne: qu'il faut reverer ; non par une fervitude charnelle, mais avec une liberté fpirituelle. Et enfuite, que quand l'écriture femble commander un crime, c'eft une locution figurée. Comme en ces paroles: Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme Guimond. Saint Augustin dit en cet endroit, que la celo bration du corps de nôtre Seigneur eft un figne: parce qu'en cette action nous ne le faifons pas mourir de nouveau, nous faifons feulement la memoire de fa mort: & cequ'il dit de la fervitude charnelle, regarde les Juifs & les fignes de l'ancienne loi. Quant au crime que Jesus-Chrift femble ordonner, en com- Aug in. †f. 98. & mandant de manger fa chair: faint Augustin s'explique nettement ailleurs, en montrant que ce crime n'étoit que dans l'imagination groffiere des Capharnaïtes; qui croïoient qu'il faudroit mettre fon corps en pieces pour le manger, comme la chair des animaux; & c'est en ce fens qu'il eft dit, que la chair ne profite de rien. Au refte nous ne craignons point de dire, que l'eucharistie est un signe & une figure. Jesus-Christ lui-même eft nommé figne dans l'écri

in fo. tract. 27.

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Sup. liv 1x1.2.21.

ture, & la figure n'exclut pas la réalité. Les autres re ponfes aux objections de Berenger font à peu près les mêmes que celles de Lanfranc que j'ai raportées.

Il emploïe auffi les mêmes preuves, pour montrer que nous recevons le vrai corps de Jefus-Chrift en fa fubftance. Premierement l'autorité de l'églife catholique, puis en particulier celle de faint Auguf tin, qui fur le pfeaume trente-troifiéme dit, que Je fus-Chrift fe portoit en fes mains. Celle de faint AmGreg. hom 12 in broife, de faint Leon, de faint Cirille d'Alexandrie, Hilar. 8, Tiinit de faint Gregoire, de faint Hilaire. Il rapporte quelques miracles à l'occafion defquels il remarque, que Berenger nioit, contre la foi de l'évangile, que Jefus Christ fût entré chez fes difciples les portes fermées.

Evang.

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2.366.

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Guimond combat enfuite ceux qui foûtenoient l'impanation: c'est à dire, que le pain & le vin demeuroient dans l'eucharistie avec le corps de Jesus-Christ. Il les refute par l'autorité des peres, principalement de faint Ambroise; par les paroles de Jefus-Chrift même, qui n'a pas dit : Mon corps eft ici caché, mais: Ceci eft mon corps. Enfin par le canon de la meffe, où nous demandons à Dieu que nôtre oblation devienne le corps & le fang de fon Fils, non pas qu'il vienne s'y cacher.

Il remarque le petit nombre des Berengariens, qui n'occupoient pas la moindre ville, ni le moindre village. d'où il conclut qu'ils ne font pas l'églife de Dieu. Elle a condamné, ajoûte-til, par le pape Leon ces inventions de Berenger dés leur naiffance: enfuite le pape Gregoire qui gouverne à préfent l'églife Romaine & qui en étoit alors archidiacre, en montra la fauffeté dans le concile de Tours, & reçût avec cle

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