AN. 1083. ap. XVI. Henri afliege Acta Greg. c. 3. Bertold. an 1082. La même année le roi Henri rentra en Italie, vint à Rome par le duché de Spolete & l'affiegea pendant tout le Carême. Il avoit amené avec lui l'antipape Clement, & demeura presque tout l'été devant Ro- Rome. me, fans y pouvoir entrer. Il voulut même mettre le feu à faint Pierre, pour furprendre la ville, pendant que les Romains feroient occupez à l'éteindre : mais le pape Gregoire y marcha le premier, & arrêta le feu qu'un traître avoit mis à quelques mailons voisines. Les chaleurs obligerent Henri à fe retirer, après avoir mis garnifon à quelques châteaux pour incommoder les Romains: il laiffa l'antipape à Tibur pour commander fes troupes, & aïant pris l'évêque de Sutri & quelques autres, il retourna en Lombardie. L'antipape continua la guerre pendant tout l'été, faisant le degât des bleds & des terres des Romains & beaucoup d'autres maux. Le roi Herman vouloit venir au fecours du pape Gregoire & s'avança jufques en Suaube, mais fes affaires l'obligerent de retourner en Saxe; & l'année fuivante 1083. le roi Henri revint en Italie, & se trouva prés de Rome avant la Pentecôte. Mais voïant que Hugues abbé de Clugni qui étoit alors en Italie, Aita. 6. 3 n. 19. & plufieurs autres faints perfonnages le tenoient pour excommunié, il voulut fe juftifier auprès d'eux. Pour cet effet il renvoïa l'évêque d'Oftie & plufieurs autres qu'il avoit pris: il donna seureté, même par ferment, à tous ceux qui voudroient aller à Rome vifiter les faints lieux; & dit publiquement qu'il vouloit recevoir la couronne imperiale de la main du pape Gregoire. Le peuple Romain & les perfonnes pieufes aiant appris ces nouvelles en eurent une grande joïe : & se jettant aux pieds du pape, ils le prioient inftamAN. 1083. ment & avec larmes, d'avoir compaffion de leur patrie prefque perduë. Gregoire leur répondit : J'ai fou vent éprouvé les artifices du roi : mais s'il veut fatisfaire à Dieu & à l'église, je l'abfoudrai volontiers & lui donnerai la couronne imperiale, autrement je ne puis vous écouter. Bertold. Comme le roi refufoit de faire cette fatisfaction, & que le pape, nonobftant les inftances du peuple demeuroit ferme à la demander, le roi gagna infenfiblement le peuple par argent & par crainte, outre qu'ils étoient fatiguez du siege qui duroit depuis trois ans. On convint donc le que pape affembleroit à la miNovembre un concile, où la queftion du roïaume feroit decidée; & que Henri, les Romains & tous les autres feroient tenus d'en obferver les decrets. Henri promit par ferment de donner feureté à tous ceux qui iroient à ce concile; & le pape y appella par fes lettres tous les évêques & les abbez. Henri retourna en Lombardie, & la garnison qu'il avoit laissée au château près de faint Pierre mourut de maladie, enforte que de quatre cent hommes à peine en refta-t-il trente: ce que les Romains regarderent comme une punition de faint Pierre. Henri renvoïa l'antipape Guibert à Ravenne, & marcha vers Rome pour le concile, où les deputez des feigneurs d'Allemagne se devoient trouver : mais Henri les fit arrêter en chemin à Forcaffi en Toscane vers la saint Martin, nonobstant la seureté qu'il avoit promife. C'étoit des moines & des clercs, & avec eux fut pris Otton évêque d'Oftie, en revenant de sa legation auprès de Henri. Plufieurs prélats François tant évêques qu'abbez, ne laifferent pas de venir au concile mais Henri en empêcha particulierement AN. 1083. ceux qui étoient les plus neceffaires au pape, favoir Hugues de Lion, Anfelme de Luques & Renald de Come. Le pape tint donc le concile pendant trois jours, commençant le vingtiéme de Novembre, & on le compte pour le neuviéme concile de Rome fous fon pontificat. Car les troubles l'avoient empêché pendant trois années de tenir un concile le carême fuivant la coûtume. En celui ci il y eut plufieurs prélats de la partie meridionale d'Italie. Le pape y parla fi fortement de la foi, de la morale Chrétienne, & de la conftance neceffaire dans la perfecution prefente, qu'il tira des larmes de toute l'affemblée. Îl ceda à peines aux prieres du concile, pour ne pas renouveller l'excommunication contre Henri : mais il la prononça contre quiconque avoit empêché ceux qui venoient à Rome. Cependant les Romains à l'insçu du pape, avoient juré à Henri l'esté precedent, d'obliger le pape à le couronner, ou délire un autre pape à fa place. Le terme de leur promeffe étant échû, ils la déclarerent au pape, ajoûtant, qu'ils n'avoient pas promis qu'il le couronnât folemnellement avec l'onction, mais fimplement qu'il lui donnât une couronne. Le pape y confentit pour les acquitter de leur ferment : ainfi les Romains manderent à Henri, qu'il vint prendre la couronne ou avec juftice, en fatisfaisant le pape, ou contre son gré, auquel cas il la lui jetteroit par une baguette du château faint Ange. Henri refufa l'un & l'autre, & les Romains lui déclarerent qu'ils étoient to. z. p. 401. quittes de leur ferment. Lui de fon costé s'appliqua AN. 1083. de plus en plus à les gagner par menaces & par promesses. Depuis fept ans que duroit cette division entre le pape Gregoire & le roi Henri, il restoit dans ses états peu d'évêques fideles au pape, encore étoient-ils la plûpart chaffez de leurs fieges, & reduits à fe cacher dans des monafleres. 3.P.93. epift. Henr. 10.12. Spicil p. 228 Chr. Vird. p. 1287. A. Greg a Boll. c. 3. n. 14. Alexis empereur de C. P. voulant arrêter Robert Bor:old 1024 Guifchard en Italie, avoit écrit au roi Henri pour l'exciter à lui faire la guerre, & lui avoit envoïé Anna. Comn, lib: 144000. fous d'or, & cent pieces d'écarlate. Mais Henri fe fervit de cet argent pour gagner le peuple de Rome, & par fon fecours il entra dans le palais de Latran, avec l'antipape Guibert le jeudi fête de faint Benoist vingt-uniéme de Mars 1084. Les nobles Romains demeurerent la plûpart fideles au pape, qui fe retira au château faint Ange. Le dimanche fuivant, qui étoit le dimanche des Rameaux, Henri fit intronifer Guibert fous le nom de Clement III. par les évêques de Bologne, de Modene & de Cervia : au lieu que fuivant l'ancienne coûtume, l'ordination du pape appartenoit aux évêques d'Oftie, d'Albane & de Porto. Le jour de Pâques dernier de Mars, l'antipape donna au roi Henri la couronne imperiale: ils demeuroient l'un & l'autre au palais de Latran, & ceux qui tenoient encore pour Gregoire ne leur permettoient pas d'aller à faint Pierre: l'empereur les attaqua dans la femaine, même de Pâques, mais il y perdit environ quarante hommes, & pas un ne fut tué du côté du pape Gregoire. Enfuite l'empereur commença à aflieger le château faint Ange. Auffi tôt il donna part de fon entrée à Rome & de fon couron Spiril. p. 22. nement à Thierri évêque de Verdun un des plus zelez AN. 1084. pour fon parti, lui ordonnant de la part du pape Clement & de la fienne, de facrer inceffamment Egilbert Hift. Trevir to 12 archevêque de Treves: ce que Thierri executa peu de tems après, avec des évêques d'autres provinces. Mais quand Egilbert voulut faire une ordination, on lui reprefenta qu'il ne le pouvoit, n'aïant pas reçû le pallium. Il l'envoïa donc demander à l'antipape Clement, qui le lui accorda avec plaifir. Egilbert occupa le fiege de Treves vingt-deux ans. p. 232. XVII. L'abbé Didier ༦.༡༠. Dès que les feigneurs Lombards de la Poüille virent le roi Henri devant Rome, ils efpererent qu'a- devant Henri. près qu'il l'auroit prife, ils pourroient chaffer les Nor- chr. Caff. lib. 111. mans. Ceux-ci de leur côtez alarmez de cette confpiration & de l'absence de Robert Guischard, refolurent de traiter avec le roi ; & la confiance qu'ils avoient en Didier abbé du mont - Caffin fit qu'ils le prierent de venir avec eux trouver ce prince; difant qu'outre leur feureté ils cherchoient à procurer la paix entre lui & le pape Gregoire. Le roi Henri de fon côté manda plufieurs fois l'abbé Didier, qui refufa de l'aller trouver: mais enfin craignant la destruction de son monastere il y alla avec les Normans & le prince de Capouë, se gardant toutefois en ce voïage de communiquer avec les excommuniez. Ainfi quoiqu'il rencontrât plufieurs évêques & plufieurs perfonnes considerables, même de fes amis, entre autres le chancelier du roi : il ne leur donna point de baiser, ne pria & ne mangea point avec eux. Etant arrivé à Albane, il n'alla point trouver le roi, ne lui envoïa perfonne, & fouffrit pendant toute une semaine les menaces que le roi lui faifoit faire, Iii iij |