페이지 이미지
PDF
ePub

Sup. liv. LX. n.31.

pour l'obliger à lui jurer fidelité, & recevoir de fa AN. 1084 main l'inveftiture de l'abbaïe. Enfin il vit le roi avec le prince de Capouë; Et comme le roi le preffoit encore de recevoir l'inveftiture, il répondit : Quand je vous verrai couronné empereur, alors je la recevrai, fi je le juge à propos. Ce qui marque, ou que Henri n'avoit pas encore été couronné par l'antipape, ou que l'abbé Didier ne comptoit pour rien ce couronnement: car on ne sçait pas le tems précis de cette entrevûë. Pendant qu'elle dura, l'abbé difputoit fouvent fur les droits du faint fiege, avec les évêques de la fuite du roi, particulierement avec l'évêque d'Oftie, qui toutefois étoit pour le pape. Cet évêque alleguoit en faveur du roi le decret du pape Nicolas II. fait avec cent vingt-cinq évêques & avec Hildebrand luimême alors archidiacre, portant qu'on ne feroit point de pape, fans le confentement de l'empereur. Mais Didier foutenoit, que ni pape, ni évêque, ni homme vivant, ne pouvoit validement faire un tel decret: parce que le faint fiege eft au deffus de tout, & ne peut jamais être foumis à perfonne. Il ajoûtoit: Si le pape Nicolas l'a fait, il l'a fait injuftement & imprudemment la faute d'un homme ne doit pas faire perdre à l'église fa dignité, & nous ne consentirons jamais que le roi des Allemans établiffe le pape des Romains. L'évêque d'Oftie répondit: Si les Ultramontains entendoient ce difcours, ils fe réuniroient tous contre vous. Didier repliqua Quand tout le monde se réuniroit, il ne nous feroit pas changer d'avis fur ce point. L'empereur peut fe prévaloir pour un tems, fi Dieu le permet, & faire violence à l'église : mais il ne nous y fera jamais consentir. Didier

:

difputa fur ce fujet avec l'antipape Guibert, & lui reprocha fon intrufion dans le faint fiege, fur quoi Gui. AN. 1084 bert fe fentant preffé lui dit, qu'il l'avoit fait malgré lui; parce qu'autrement le roi Henri auroit perdu fa dignité. L'abbé Didier obtint de Henri une bulle d'or en faveur de fon monaftere, & s'en retourna avec son congé.

XVIII. Lambert ufurpa

Terouane.

Gall. Chrift. toi

2. p. 430.

En France Hubert évêque de Teroüane contraint de renoncer à son siege, fe retira au monaftere de faint teur du fiege de Bertin; & un nommé Lambert fut élu évêque à sa place par l'autorité de Robert le Frison comte de Flandres. Le clergé de Teroüane s'en plaignit, & Lambert fut excommunié au concile de Meaux, par Hugues archevêque de Lion & Amé évêque d'Ole- Greg. lib.xx. ep.343 ron legats du pape. C'eft apparemment le concile de 10. x. p. 401. Meaux tenu le dix-neuviéme d'Octobre 1082. où après la mort de Gautier Robert abbé de Rebais fut ordonné évêque de Meaux. Mais parce que le legat Hugues avoit fait cette ordination fans le confentement de Richer archevêque de Sens & de ses suffragans : ils excommunierent Robert, & ordonnerent à fa place un autre Gautier, qui demeura évêque de Gall. Chr. to. 3.

Meaux.

Lambert élû évêque de Terouane, fut donc condamné en ce concile, pour s'en être fui de fon église fans congé, & pour avoir pris prifonnier cinq clercs qui vouloient aller au concile de Rome porter leur plainte contre lui. Mais nonobftant l'excommunication des legats, il fe fit ordonner diacre, prêtre & évêque, par des évêques fufpendus de leurs fonctions. Enfuite le comte de Flandres vint avec les troupes le mettre en poffeffion à main armée; & comme on

avoit fermé les portes de l'églife, il les fit rompre à AN. 1084. coups de hache. On avoit mis devant les portes fer

mées un crucifix, tenant à fa main une proteftation contre Lambert, qui en l'arrachant rompit la main du crucifix. A fon entrée dans l'églife, quelques-uns du clergé furent bleffez, les autres mis en fuite, & il fit piller les maisons de tous ceux qui ne voulurent pas communiquer avec lui. Le comte de Flandres chaffa de fes terres tous les clercs qui refuserent d'obéir à Lambert, aprés les avoir dépouillez de tous leurs biens.

:

Mais lorfque Lambert se fut mis ainsi en posselfion, deux gentilshommes du païs emploïerent les mêmes moïens pour le chaffer. Ils enfoncerent les portes de l'églife & en pillerent l'argenterie & les ornemens. Ils tirerent Lambert de l'autel devant lequel il étoit profterné, & lui couperent la langue & les doigts de la main droite. Il alla à Rome fe plaindre de cette violence, & le comte écrivit au pape en sa faveur de forte que le pape, qui n'avoit pape, qui n'avoit pas encore reçû les lettres de l'archevêque de Lion, fut touché de compaffion, & donna à Lambert l'abfolution de l'excommunication prononcée contre lui, après toutefois lui avoir fait jurer, qu'il fubiroit le jugement du faint fiege ou des legats touchant l'évêché de Teroüane. Le pape écrivit une lettre menaçante aux deux gentilshommes qui l'avoient ainfi maltraité, leur or[x. q. 30. donnant, fous peine d'excommunication, de faire fatisfaction pour ce crime au jugement de l'archevêque de Lion & de l'abbé de Clugni fes legats. Il écrivit aussi à l'archevêque de Lion, d'affembler un conepift. 32. cile pour examiner foigneufement cette affaire. Et

comme

comme il dit, vous êtes fufpect à l'évêque Lambert, parce que vous êtes mal avec le roi de France, vous prendrez avec vous l'abbé de Clugni; & vous userez de mifericorde avec Lambert, autant que la juftice le permet, tant à caufe de la peine qu'il a prise de venir à Rome, qu'en confideration du comte Robert.

AN. 1084.

Enfuite le pape mieux informé écrivit au comte, pour l'obliger à abandonner Lambert: mais le comte méprifa fes lettres, & dit des paroles outrageantes à ceux qui en étoient les porteurs. Après donc lui en avoir écrit 1x. epist. 34. deux fois inutilement, le pape s'adreffa aux évêques & aux feigneurs de fon obéiffance, particulierement à Gerard de Cambrai, Ratbod de Noïon & Roricon d'Amiens; & leur ordonna d'exhorter fortement le comte à ne plus foutenir cet apoftat. Enfin un autre Gerard aïant été élû canoniquement évêque de Teroüane en 1084. le pape enjoignit au comte de le recevoir, lui faisant des reproches de ce qu'il vouloit encore foutenir Lambert. Ainfi finit cette affaire; car Gerard fut maintenu & tint le siege de Teroüane en. viron quinze ans.

1x. epift. 1.

Gall. Chr. to. 2. fol. 430.

XIX.

S. Arnoul de Soif

1x epift.34.

vita. S. Arn Sheff.

n. par...535

lib. II. c. 13. fas. 6.

Arnoul archidiacre de Teroüane & Prevôt de faint Omer, étoit à la tête de ceux qui fe plaignirent au fons en Flandre. pape de l'intrufion de Lambert, & de la protection que lui donnoit le comte Robert. Or cet archidiacre étoit d'ailleurs odieux au comte, parce qu'il étoit entré dans la conjuration de plufieurs nobles, qui vouloient chaffer Robert comme ufurpateur & vio, lent, & reconnoître pour comte de Flandre Baudoüin comte de Hainaut, fils de son frere aîné prince plus doux. Robert aïant découvert ce complot, prit les conjurez, en fit mourir quelques-uns & bannit les auTome XIII.

KKK

tres, aprés les avoir dépouillez de leurs biens & de AN 1084 leurs dignitez. De ce nombre fut l'archidiacre Arnoul, qui aprés avoir été long-tems en exil, s'avisa d'aller à Rome & de porter fes plaintes au pape Gregoire. Le pape en fut touché & réfolut d'écrire au comte Robert, pour l'exhorter à pardonner à ceux qui avoient encouru fa difgrace, ou du moins leur donner la liberté de se justifier: mais il ne fe trouvoit perfonne qui voulût se charger de ces lettres. Enfin le pape jetta les yeux fur Arnoul évêque de Soiffons, dont la reputation étoit venuë jufques à lui ; & il lui manda de presenter au comte les lettres & les personnes dont il étoit question.

Pita.m. 7.

Arnoul aïant été empêché d'entrer à Soiffons par la violence que j'ai marquée, faifoit fa refidence à Ouchi, & ne laiffoit pas de s'aquiter de tous les devoirs d'un bon évêque. Car les curez & les anciens du clergé venoient le trouver, & le peuple y accouroit. Il prêchoit, il donnoit la confirmation, la penitence & les autres facremens ; & on raporte plufieurs miracles qu'il fit en ces commencemens de fon épifcopat. Aïant donc reçû les lettres du pape il alla à Lisle & les presenta au comte Robert.Tandis qu'on les lifoit, quelques uns des difgraciez qui avoient fuivi l'évêque, s'étant coulez fecrettement, prirent le comte par les pieds. Il en fut d'abord furieufement irrité, comme il parut à fes yeux & à tout l'air de fon vifage: mais Dieu le toucha, & tant à la confideration du faint évêque, que pour le refpect du faint siege, il leur pardonna & leur accorda la

vie & les biens.

Toute la Flandre étoit pleine de meurtres & fes habitans fi accoûtumez au fang, qu'ils eftimoient

« 이전계속 »