페이지 이미지
PDF
ePub

AN 1093. prédis, que le roi me fatiguera en diverfes manieres & m'accablera, & que la joie que je vous donne maintenant par l'efperance de vôtre foulagement fe tournera en tristesse: lorsque vous verrez l'église de Cantorberi retomber en viduité de mon vivant. Quand le roi m'aura accablé, il n'y aura plus perfonne qui ofera s'oppofer à lui, & il vous écrafera tous comme il lui plaira. Anfelme parlant ainfi ne pouvoit retenir fes larmes & s'en retourna à son logis.

1. ep. 1. 4. 6.

[ocr errors]

Il fut élu archevêque de Cantorberi le premier dimanche de Carême fixiéme jour de Mars 1093. Le roi ordonna qu'il fût auffi-tôt mis en poffeffion de tous les biens de l'archevêché, & que la ville de Cantorberi & l'abbaïe de faint Alban, que Lanfranc n'a. voit euës qu'en fief, appartinffent deformais en proprieté à l'églife de Cantorberi. Cependant le roi envoïa en Normandie au duc Robert fon frere, à l'archevêque de Rouen & aux moines du Bec, pour obtenir leur confentement. Anfelme écrivit de fon côté, voïant qu'il ne pouvoit refifter à la volonté de Dieu, & que le retardement de fon facre, cauferoit de grands maux, tant à l'église de Cantorberi qu'à celle du Bec. Le duc donna fon confentement, l'archevêque de Rouen, ordonna même à Anfelme de la part de Dieu d'accepter; & les moines confentirent auffi, quoi qu'avec bien de la peine. Le roi guerit, comme Anfelme avoit prédit, & revoqua aulli-tôt toutes fes promeffes. Sur quoi Anfelme lui dit un jour en particulier: Je fuis encore incertain, Sire, fi j'accepterai l'archevêché : mais fi je dois l'accepter, je veux que vous fachiez ce que je defire de vous. Que vous rendiez à l'église de Cantorberi toutes les terres qu'elle

poffedoit du tems de Lanfranc, & que vous me per-
mettez de retirer celles qu'elle avoit perdues avant
fon tems qu'en tout ce qui regarde la religion, vous
fuiviez principalement mon confeil; & que vous me
teniez pour vôtre
pere fpirituel, comme pour le tem-
porel, je veux vous avoir pour feigneur & pour
protecteur. Je vous avertis encore, que je reconnois
pour pape Urbain, que vous n'avez pas reconnu jufques
à prefent, & que je veux lui rendre l'obéiffance qui
lui eft dûë. Dites-moi vôtre intention fur tous ces
articles, afin que je fache à quoi m'en tenir.

AN 1093.

Le roi ne lui voulut promettre que la reftitution des terres dont Lanfranc avoit été en poffeffion; encore le pria-t-il depuis, de laiffer à fes vaffaux celles qu'il leur avoit données depuis la mort de l'archevêque : ce qu'Anfelme refufa, & efpera quelque tems de demeurer abfolument libre: car il avoit renvoié au Bec la croffe abbatiale. Mais enfin le roi ne pouvant plus soutenir les clameurs publiques, le fit venir à Vincheftre, où il avoit assemblé la nobleffe; & aprés quantité de belles promeffes, lui perfuada d'accepter l'archevêché dont il fit hommage au roi, fuivant la coûtume & l'exemple de fon predeceffeur. Enfuite il vint à Cantorberi prendre poffeffion le vingt cinquiéme de Septembre, & y fut reçu avec une joie incroïable , par les moines, le clergé & le peuple. Mais le même jour on vint de la part du roi lui faire une fignification pour une pretention injuste, même dans le fond; ce qui lui fit mal augurer de fon pon

tificat.

XI.

S. A felme eft

Quoiqu'il eut fi bien marqué fon éloignement pour l'épiscopat, il ne laissa pas de fe trouver des calomnić.

[blocks in formation]

gens, qui par malice ou par erreur, publierent qu'il l'avoit defiré, & ne l'avoit refufé que par diffimulation. En forte qu'il fe crut obligé de s'en juftifier, & en écrivit ainfi aux moines du Bec: Je ne fai comment leur perfuader ce que je fens en ma confcience, fi ma vie & ma conduite ne les fatisfait pas. Il y a trente-trois ans que je porte l'habit monaftique, trois fans charge, quinze comme prieur, autant comme abbé. J'ai vecu de telle forte pendant tout ce tems que j'ai eu l'affection de tous les gens de bien, & plus de ceux qui m'ont connu le plus intimement; fans qu'aucun d'eux m'ait vû rien faire, qui lui persuadât que j'aimois le gouvernement. Que ferai-je donc ? comment détruirai-je ce faux foupçon de peur qu'il ne nuife aux ames de ceux qui m'aimoient pour Dieu, en diminuant leur charité, ou de ceux à qui je dois donner confeil, & qui me croiront pire que je ne fuis: où de ceux qui ne me connoiffent pas, & à qui je dois au moins l'exemple?

Vous, Seigneur, qui le voïez, foïez moi témoin, que je ne me fens en ma confcience attiré à l'épifcopat par l'affection d'aucune chofe, que vos ferviteurs doivent méprifer; & que fi l'obéissance & la charité me le permettoient, j'aimerois mieux être moine fous la conduite d'un fuperieur, que de commander aux autres & poffeder des richeffes temporelles. Seigneur, fi ma confcience me trompe, faites moi connoître à moi-même & me corrigez. A prés cela, fi quelqu'un veut donner quelque mauvaise impreffion de moi, j'efpere que Dieu prendra ma défenfe contre lui, & je fuis certain, que fi ce mauvais foupçon nuit à quelqu'un, le peché en tombera fur

vision des roïaumes, ni la longue poffeffion, ne peu. AN. 1092. vent la priver de fes droits. Ainfi, quoique l'ifle de Corfe ait été long-tems hors de la poffeffion de l'églife Romaine: on fait neanmoins, que Gregoire VII. nôtre prédeceffeur y eft rentré. C'est pourquoi à la priere de nôtre cher frere Daïbert évêque de Pise, de fes nobles citoïens & de la tres-chere fille de faint Pierre la comteffe Mathilde, nous donnons cette ifle à l'églife de Pife, pour en joüir tant qu'elle aura un évêque legitime, & qu'elle demeurera fidelle à l'églife Romaine, à la charge de païer tous les ans au palais de Latran cinquante livres monoïe de Luques. Cette bulle fut donné à Benevent le vingt-huitiéme de Juin 109 I.

le

L'année suivante 1092. le vingt deuxième d'Avril pape étant à Anagnia, en donna une autre, où il réleve les fervices que la ville de Pife & fon évêque ont rendus à l'église Romaine pendant ce long schif me, les victoires des Pifans fur les Sarrafins, & l'accroiffement de leurs biens temporels. C'est pourquoi il donne à l'évêque Daïbert la fuperiorité fur les evêchez de l'Ile de Corfe, dont il le fait archevêque, pour y rétablir les bonnes meurs & la difcipline ecclefiaftique, & lui accorde le pallium.

IX.

Le Urbain celebra la fête de Noël l'an 10 9 2. Concile de Troye pape hors de Rome, toutefois dans les terres de l'église Bertold an. 1093Romaine ; parce qu'il n'auroit pu entrer à Rome qu'à main armée tant les fchifmatiques y étoient encore puiffans, quoique l'antipape Guibert fût en Lombardie avec l'empereur Henri. Pendant le carême de l'année fuivante 1093. le pape Urbain tint un concile à Troïe en Poüille l'onzième jour de Mars, où affifterent

to. X. p. 4935-

AN. 1093.

XII.

torberi le titre de primatiale de toute la grand'Bretagne. Anfelme fut ainfi facré archevêque le fecond dimanche de l'Avent quatrième jour de Decembre 1093. Après avoir paffé à Cantorberi l'octave de fon facre, il alla à la cour pour la fête de Noël, & fut très bien reçu du roi & de toute la nobleffe.

Cette même année mourut fainte Marguerite reine Sainte Margue d'Ecoffe, de la famille des derniers rois Anglois. Elle zite R. d'Ecoffe. étoit fille d'Edoüart fils d'Emond côte de fer, & fut Boll. 10. fun. to. mariée à Malcolme roi d'Ecoffe vers l'an 1070. Elle eut

20. p. 320.

grand foin de l'ornement des églifes, de l'éducation de fes enfans & de la splendeur de la maison roïale. Le roi, par fon confeil, fit tenir plufieurs conciles, où on retrancha des abus inveterez, & on rétablit la discipline de l'églife. Elle y affifta, y disputa elle-même, & fit ordonner entre autres chofes, que le jeûne du Carême commenceroit le mercredi des cendres & non le lundi fuivant: que ceux-mêmes qui fe fentoient pecheurs communieroient à Pâques, après s'y être préparez par la confeffion & plufieurs jours de penitence: que l'on fanctifieroit le dimanche en s'abstenant du travail: que perfonne n'épouferoit la veuve de fon pere ou de fon frere. Dieu avoit fans doute envoïé en Ecoffe cette fainte reine, pour y abolir ces reftes de barbarie.

Elle jeûnoit deux Carêmes entiers, l'un avant Noël, l'autre avant Pâques, récitoit tous les jours plufieurs offices & tout le pleautier; fervoit tous les jours avec le roi plus de trois cens pauvres, & faifoit d'autres aumônes fans bornes. Se fentant malade à la mort, elle fit une confeflion generale; & fon dernier jour elle entra dans fon oratoire pour oüir la meffe & recevoir

« 이전계속 »