plaintes injuftes des Cambrefiens. Le pape étoit mal AN. 1094, content de ce qu'ils avoient élû pour évêque leur arehidiacre Gaucher, qui ne vouloit prendre l'inveftiture, que de la main du roi Henri excommunié : au contraire, il approuvoit l'élection que la plûpart avoient faite de Manaffés. Il chargea l'archevêque d'avertir les Cambrefiens, de fe trouver à Rome le Carême prochain auec leurs titres, quand les Artefiens devoient y venir pour faire confirmer leur élection. Mais il ne vint point à Rome de députez de Cambrai, & ceux d'Arras les y attendirent un mois entier. Le pape affembla donc fon confeil, compofé des évêques, des cardinaux & de plufieurs Romains; où en l'abfence de Lambert, il fit lire toute la procedure faite par l'églife d'Arras pour fon élection. Les Romains l'aïant entendue, demanderent, pour l'avoir chez eux, qu'il fût ordonné évêque d'Oftie. Mais le pape voulant affermir le nouvel évêché d'Arras, n'eut point d'égard à la priere des Romains; & quelques jours aprés il prit Lambert en particulier, & lui commanda de la part de Dieu & de faint Pierre d'acquief cer à fon élection par: obéiffance & pour la remiffion de fes pechez. Lambert fe foûmit & fut facré évêque d'Arras par le pape le quatriéme dimanche de Carême dix-neuviéme de Mars 1094. en prefence de Jean évêque de Tufculum, Humbald de Sabine, Jean de Porto, Brunon de Segni & Daïbert archevêque de Pife, des cardinaux prêtres, & d'une grande multitude de Romains. Enfuite on expedia des bulles adref fées à l'archevêque de Reims, au clergé d'Arras, aux p. 238 1 abbez & aux abbeffes du diocese, au comte de Flan- Cccc iij. AN. 1094. XVI. Bretagne. Martenne collec. p. 66. Sup. liv. LXI. p. 68. dres & à l'évêque Lambert, pour lui fervir de ti tres. Avant que de partir de Rome, il affista au jugeAffaire de Dol en ment donné par le pape en faveur de l'archevêque de Tours. Dès l'année precedente Rolland évêque de Dol étoit venu à Rome demander le pallium, comme archevêque de Bretagne, & aïant reprefenté les lettres de Gregoire VII. par lefquelles il l'avoit accordé à Iven fon prédecesseur., fans préjudice du droit de l'église de Tours: le pape Urbain le lui accorda avec la mêine restriction. Raoul archevêque de Tours vint ensuite trouver le pape à Benevent; & lui fit voir que cette cause avoit été jugée fur les lieux en faveur de son siege, par les legats de Gregoire VII. L'évêque de Dol qui étoit prefent répondit, qu'il n'étoit pas venu préparé pour plaider fa cause ; & du confentement des parties, le pape ordonna, qu'ils comparoîtroient devant lui à la mi-Carême de l'année fuivante fous peine au défaillant de perdre sa cause. L'archevêque de Tours comparut à Rome au jour nommé. L'évêque de Dol envoïa feulement une excufe, qui ne fut pas jugée valable. On examina les lettres de Gregoire VII. & des autres papes fur ce fujet: le pape prit l'avis de l'évêque d'Arras, des cinq évêques qui avoient affifté à fon facre, & des juges Romains; & il décida, que l'évêque de Dol & les autres évêques Bretons reconnoîtroient à l'avenir l'église de Tours pour leur métropole. La bulle eft datée du cinquième d'Avril XVII. 1094. 1094. Dès l'année précedente, le pape voulant chaffer Vendome arome, de Rome les partisans de Guibert fans effusion de #p. 88 Vrb. M. s. fang, avoit écrit pour lever des collectes fur les égli fes : comme il paroît par fa lettre aux évêques d'A- AN. 1094. quitaine. Mais celui qui le fervit le plus utilement en cette occafion, fut Geoffroi nouvel abbé de la Trinité de Vendôme. Car aïant appris la peine & la difette où étoit le pape Urbain, il vint à Rome, & eut Geoff. 1. op. 8. beaucoup à fouffrir, tant dans le voïage qu'à Rome même, où pour n'être point reconnu, il paffoit pour valet de ses domestiques. Il vint voir le pape de nuit dans la maison de Jean de Frangipane, où il fe tenoit caché, & le trouva prefque denué de tout, & accablé de dettes. Il y demeura avec lui pendant le Carême de l'année 1094. & le foulagea autant qu'il pût de l'argent qu'il avoit apporté, montant à plus de douze mille fous, qui valoient cent marcs d'argent. Quinze e'ist. 13. 14. jours avant Pâque Ferruchio à qui l'antipape Guibert avoit donné la garde du Palais de Latran, fit parler au pape, demandant de l'argent pour lui rendre ce palais & la tour. Le pape en aïant conferé avec les évêques & les cardinaux qui étoient avec lui, leur demanda de l'argent, mais il en trouva peu chez eux, parce qu'ils étoient dans la perfecution comme lui, Labbé Geoffroi voiant le pape fi affligé & fi embaraffé qu'il en répandoit des larmes, s'approcha de lui & lui dit, qu'il traitât hardiment avec Ferruchio. Il y emploïa fon argent, jusques à ses mules & fes chevaux. Ainfi le pape entra dans le palais de Latran, & Geoffroi fut le premier qui lui baifa les pieds dans la chaire pontificale, où depuis long-tems aucun pape catholique ne s'étoit affis. En ce tems-là le pape Urbain ordonna prêtre l'abbé Geoffroi & le remit en poffeffion de l'église de fainte Prifque, que le pape Alexandre II. avoit donnée erist. 14.. Sirmond ad ep. gr AN. 1094. XVIII. S. Nicolas Peregrin. Sup, liv. LV. n. vita. ap. P. 237. à Oderic fon prédeceffeur pour lui & fes fucceffeurs, avec la dignité de cardinal; mais les Guibertins les en avoient dépoffedez. Les abbez de Vendôme ont gardé le titre de cardinal pendant trois cens ans. C'eft le tems où faint Nicolas Peregrin fe faifoit admirer dans la Poüille. Il étoit Grec né dans l'Attique en un village près de Sterion, monaftere fameux de faint Luc le jeune. Ses parens étoient pauvres, & il Bell. 2. Jun·to. 10. n'apprit ni les lettres ni aucun métier: mais dès l'âge de huit ans fa mere l'envoïa garder des moutons. Dès lors il commença à chanter tout haut Kirie eleifon, ce qu'il faifoit jour & nuit, & cette devotion lui dura toute fa vie. Sa mere n'aïant pû l'en détourner, le crut poffedé du démon, & le mena aux moines de Sterion, qui l'enfermerent & le maltraiterent, fans lui pouvoir faire quitter fon chant. Il fouffroit tout patiemment, mais il recommençoit toûjours Kirie elefon. Etant retourné chez fa mere, il prit une cognée, une hache & un couteau, & montant fur la montagne coupoit du bois de cedre dont il faifoit des croix, qu'il plantoit fur les chemins & dans les lieux inacceffibles, louant Dieu continuellement. a Il se bâtit fur cette montagne une petite cabane de bois, & y vêcut quelque tems feul, travaillant fans ceffe. Enfuite il vint à Naupacte ou Lepante, où un moine nommé Barthelemy fe joignit à lui & ne le quitta plus. Ils s'embarquerent & pafferent à Otrante en Italie, & de là en divers lieux, où Nicolas étoit traité, tantôt comme un faint, tantôt comme un infenfé. Il jeûnoit tous les jours jufques au foir, fa nourriture n'étoit qu'un peu de pain & d'eau, & toutefois il n'étoit pas maigre. Il paffoit la plupart des nuits à prier de bout. Il étoit vêtu feulement d'une tunique AN. 1994 courte jufques aux genoux, les jambes & les pieds nuds auffi bien que la tête. Il portoit à la main une croix legere de bois, & en écharpe une gibeciere : où il mettoit les aumônes qu'il recevoit, & qu'il em. ploïoit principalement à acheter des fruits, pour donner aux enfans qu'il menoit avec lui, chantant auffi Kirie eleifon. p. 248. Ce fut en Italie qu'on le furnomma Peregrinus, c'est-à-dire étranger, & il y fit plufieurs miracles, continuant toûjours fon chant & exhortant tout le monde à la penitence. Mais fes manieres extraordinaires le firent fouvent maltraiter, quelquefois même par l'ordre des évêques. Il paffa à Tarente, puis à Trani, où il tomba malade & mourut le vendredi fecond jour de Juin 1094. étant encore tout jeune. On vint en foule le voir pendant fa maladie, & lui demander fa benediction: mais le concours fut encore plus grand à ses funerailles. Il fut enterré dans l'église cathedrale avec grande folemnité, & il fe fit à fon tombeau grand nombre de miracles. On l'invoquoit particulie. p.250 rement pour les naufrages, comme faint Nicolas de Myre. to, p. 246. XIX. Eglife d'A.1: Bertold. Pendant la femaine fainte de la même année 1094. Gebchard évêque de Conftance & legat du pape en magne Allemagne tint un concile dans fon églife avec un .x. cons. p. 4973 grand nombre d'abbez, de clercs & de feigneurs du païs. On y renouvella les défenfes d'entendre l'office celebré par les prêtres fimoniaques ou incontinens. On ordonna que le jeûne du mois de Mars fe feroit toûjours la premiere femaine de Carême, & celui de Juin la femaine de la Pentecôte, comme nous l'obserTome XIII, Dddd |