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A N. 1095

Quelque tems aprés, la plûpart des évêques & des feigneurs vinrent à Haftingues par ordre du roi lui fouhaitter un heureux voïage, comme il alloit paffer en Normandie. Le roi y féjourna un mois retenu par les vents contraires. Un jour l'archevêque l'étant venu voir, & étant affis auprés de lui, fuivant la coûtu me, lui dit : Sire, afin que vôtre entreprise foit heureufe commencez par nous accorder vôtre protection, pour rétablir en vôtre roïaume la religion qui s'en va perduë. Quelle protection? dit le roi; Anfelme reprit Ordonnez que l'on tienne des conciles felon l'ancien usage. Car il ne s'en eft point tenu de general en Angleterre depuis que vous êtes roi, ni long-tems auparavant. Cependant les crimes fe multiplient & paffent en coûtume. Ce fera, dit le roi, quand il me plaira, & nous y penferons dans un autre tems. Puis il ajoûta en raillant : Et dequoi parleriez-vous dans un concile ? l'archevêque reprit : Des mariages illicites, & des débauches abominables qui fe font depuis peu introduites en Angleterre, & qu'il faut reprimer par des peines qui répandent la terreur par tout le roïaume. Et en cela, dit le roi, que feroit-on pour vous ? Anfelme dit: Si on ne faifoit rien pour moi on feroit pour Dieu & pour vousmême. C'est affez, dit le roi, ne m'en parlez pas davantage. L'archevêque changeant de difcours ajoûta: Il y a plusieurs abbaïes fans pafteurs ; ce qui fait que les moines menent une vie feculiere & meurent fans penitence. Je vous confeille donc & vous prie d'y mettre des abbez: il y va de vôtre falut. Alors le roi ne pouvant plus fe contenir, lui dit en colere : Que vous importes les abbaïes ne font elles pas à moi

vous faites ce que vous voulez de vos terres: ne ferai- A N. 1095. je pas ce qu'il me plaira de mes abbaïes ? Elles font à vous, dit le prelat, pour en être le protecteur, non pour les piller. Elles font à Dieu afin que fes ferviteurs en vivent, non pour soûtenir vos guerres. Vous avez des domaines & de grands revenus pour subvenir à vos affaires : laissez à l'église fes biens. Sachez dit le roi, que ces difcours me déplaifent extrêmement. Vôtre predeceffeur n'eût ofé parler ainfi à mon pere; & je ne ferai rien à vôtre confideration. Anfelme voïant qu'il parloit en l'air, se leva & se retira. Enfuite confiderant combien il lui importoit, pour l'interêt même de l'églife, d'être bien avec le roi il le fit prier de lui rendre fes bonnes graces, ou de dire en quoi il l'avoit offensé. Le roi dit, qu'il ne l'accufoit de rien: mais qu'il ne lui rendroit point fon amitié; & les évêques dirent à Anfelme, que le feul moïen de se racommoder avec le roi, étoit de lui donner de l'argent : à quoi il ne put se refoudre, prévoïant les consequen

ces.

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Ce fut en ce tems-là qu'Anfelme confulta Hugues archevêque de Lion, fur la conduite qu'il devoit tenir à l'égard du roi. Il y a des terres, dit-il, que des gentilshommes Anglois ont tenuës de l'archevêque de Cantorberi, avant que les Normans entraffent en Angleterre. Ces gentilshommes font morts fans enfans le roi prétend pouvoir donner leurs terres à qui il lui plaira : voici ma penfée. Le roi m'a donné l'archevêché, comme Lanfranc mon predeceffeur l'a poffedé jufques à la fin de fa vie, & maintenant il ôte à cette église ce dont Lanfranc à joüi paisiblement fi long-tems. Or je fuis affuré, qu'on ne don

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111. epift. 24

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nera à personne cet archevêché aprés moi, finon, tel
que je l'aurai au jour de ma mort; & que s'il vient
un autre roi de mon vivant, il ne me donnera que
ce dont il me trouvera en poffeffion. Ainfi l'églife per-
dra ces terres par ma faute; parce que le roi en étant
l'avoué & moi le gardien, on ne pourra revenir con-
tre ce que nous aurons fait. J'aime donc mieux ne
point poffeder les terres de l'église à ce prix, & faire
les fonctions d'évêque, vivant dans la pauvreté com-
me les apôtres, en témoignage de la violence que
je fouffre que de caufer à mon église une diminu-
tion irreparable. J'ai encore une autre pensée. Si étant
facré archevêque je passe toute la premiere année fans
aller trouver le pape, ny demander le pallium, je me-
rite d'être privé de ma dignité. Que fi je ne puis m'a-
dreffer au pape fans perdre l'archevêché, il vaut mieux
que l'on me l'ôte par violence, ou plûtôt que j'y re-
nonce ¿ que
de renoncer au pape. C'eft ce que je veux
faire, fi vous ne me mandez des raifons pour m'en dé-

tourner.

Le roi Guillaume le roux fit fon voïage en Normandie, & revint en Angleterre, fans avoir rien fait. Alors Anfelme vint le trouver & lui dit, qu'il avoit deffein d'aller demander au pape fon pallium. A quel pape dit le roi. Au pape Urbain”, répondit Anfelme. Le roi dit : Je ne l'ai pas encore reconnu pour pape nous n'avons pas accoûtumé, mon pere & moi, de souffrir qu'on reconnoisse un pape en Angleterre fans nôtre permiffion; & quiconque voudroit m'ôter ce droit, c'eft comme s'il vouloit m'ôter ma couronne. Anfelme fort furpris, reprefenta qu'a Sup.n.9. van que de confentir à fon élection à Rocheftre, il

dit au roi, qu'étant abbé du Bec, il avoit reconnu le AN 1095. pape Urbain, & qu'il ne fe retireroit jamais de fon obedience. Alors le roi protefla avec emportement qu'il ne lui étoit point fidele, s'il demeuroit contre sa volonté dans l'obédience du pape. Anfelme demanda un délai pour assembler les évêques & les feigneurs & par leur avis décider cette question: S'il pouvoit garder la fidelité au roi, fans préjudice de l'obéiffance au faint fiege. Car, dit-il, fi on prouve que je ne puis garder l'un & l'autre, j'aime mieux fortir de vôtre roiaume jufques à ce que vous reconnoiffiez le pape, que de renoncer un moment à fon obéissance. Le roi ordonna une assemblée à Rochingham pour le dimanche onzième de Mars 1095.

XXV. Affemblée de Ko

to. X.

• conc. p. 494

A ce jour le roi confulta de fon côté & l'archevêque du fien parla aux évêques en présence d'une grande chingham. multitude de clercs & de laïques. Il leur reprefenta comme ils l'avoient contraint à accepter l'épifcopat ; & qu'il n'y avoit confenti qu'à cette condition expreffe, de demeurer dans l'obéiffance du pape Urbain. Il conclut en demandant aux évêques leur confeil, pour ne manquer à ce qu'il devoit ni au pape ni au roi. Ils s'excuferent de lui donner confeil, difant, qu'il étoit affez fage pour le prendre de lui même, & fe chargerent feulement de raporter fon difcours au roi. Anfelme leur cita les paffages de l'évangile fur l'autorité de faint Pierre & des autres apôtres, & fur l'obéissance due aux princes; & conclut ainfi: Voila à quoi je m'en veux tenir en ce qui regarde Dieu, je rendrai obéiffance au vicaire de faint Pierre, & en ce qui regarde la dignité temporelle du roi mon feigneur, je lui donnerai fidellement aide & confeil felon ma capacité..

AN. 1095.

Les évêques ne trouvant rien à répondre à ce difcours, revinrent à l'archevêque & lui dirent : Penfezy bien, nous vous en prions: renoncez à l'obéïssance de cet Urbain, qui ne peut vous fervir de rien, tant que le roi fera irrité contre vous, ni vous nuire quand vous ferez bien avec le roi : demeurez libre, comme il convient à un archevêque de Cantorberi, reglant vôtre conduite par la volonté du roi, afin qu'il vous pardonne le paffé; & que vos ennemis vous voïant rétabli dans vôtre dignité, foient chargez de confusion. Anfelme demeura ferme, & demanda que quelqu'un lui prouvât, qu'en refufant de renoncer à l'obéïffance du pape, il manquoit à la fidelité qu'il devoit au roi. Mais perfonne n'ofa l'entreprendre : au contraire, ils reconnurent qu'il n'y avoit que le pape qui pût juger un archevêque de Cantorberi.

Celui qui échaufoit le plus le roi contre Anfelme, étoit Guillaume évêque de Durham, homme qui avoit plus d'agrément & de facilité à parler, que de folidité d'efprit. Il avoit promis au roi de faire enforte, qu'Anfelme renonceroit au pape Urbain ou à l'archevêché, efperant par ce moïen monter lui-même fur le fiege de Cantorberi. Le roi donc fe plaignant aux évêques, de l'avoir engagé mal à propos dans cette affaire, puifqu'ils ne pouvoient condamner Anfelme, l'évêque de Durham lui conseilla d'emploïer la violence, de lui ôter la croffe & l'anneau, & le chaffer du roïaume. Les feigneurs n'approuverent point ce confeil: mais le roi ordonna aux évêques, de refufer à Anfelme toute l'obéïffance, & n'avoir même aucun commerce avoit lui : déclarant que de sa part il ne le regardoit plus comme archevêque. Les

évêques

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