AN.

. 8.

1099.

vous ferez fans nôtre confentement. Le chef de ces clercs étoit l'évêque de Martoran en Calabre, appuïé d'Arnoul chapelain du duc de Normandie, qu'il vouloit faire patriarche, quoique ce fût un homme d'une vie infâme & décrié dans toute l'armée. Or il n'y avoit plus ni pieté, ni discipline dans le clergé de la croifade, depuis la mort d'Adhemar évêque du Pui & de Guillaume évêque d'Orange qui lui furvécut peu

:

de tems.

Les feigneurs, fans s'arrêter à la remontrance des clercs feditieux, élurent pour roi de Jerufalem Godefroi de Bouillon duc de Lorraine, aïant principalement égard à fa vertu car il y avoit entre eux des princes plus diftinguez par leur naissance & leur pouvoir mais il étoit recommandable par fa valeur & fa piété. Le roi Henri d'Allemagne, avoit une telle confiance en lui, que dans la bataille contre Rodolfe fon competiteur, il lui donna à porter son étendart, & on dit que ce fut Godefroi, qui donna le coup mortel à Rodolfe. Si-tôt qu'il fut élu les feigneurs le menerent folemnellement à l'église du faint fepulcre pour l'offrir à Dieu : mais il ne voulut point être facré folemnellement, ni porter une couronne d'or dans la ville où Jefus Chrift en avoir porté une d'épines. Il prit foin des les premiers jours de fon regne d'établir le fervice divin. Il fonda un chapitre de chanoines dans l'églife du faint fepulcre ; & un autre dans l'églife du temple, leur affignant des revenus fuffifans, & des logemens convenables prés ces lib. VIII. c. 3. églifes. L'églife du temple étoit la grande mosquée des Mufulmans, fondée par Omar à la place de l'ancien temple des Juifs: elle étoit octogone revêtue de Marbre de hors & dedans, & ornée de Mofaïque : le

1

toit étoit un dôme couvert de plomb. A la prife de AN. 1999. la ville, on trouva dans cette mofquée quantité de lampes d'or & d'argent, & d'autres richeffes immenfes. Le roi Godefroi fonda aufli un monaftere dans la vallée de Jofaphat, en faveur de plufieurs moines qu'il avoit tirez des maifons les mieux reglées, & qui pendant tout le voïage, lui faifoient le service divin aux heures du jour & de la nuit.

c. 4.

Sur la fin de l'année 1099. arriva à Jerufalem lib. IX 6.14 Daïmbert archevêque de Pife, legat envoié par Urbain II. accompagné d'un grand corps de croisez d'Italie, & il celebra la fête de Noël à Bethléem. Depuis cinq mois que Jerufalem étoit au pouvoir des Chrétiens il n'y avoit point encore de patriarche: car quoiqu'incontinent aprés l'élection du roi, l'évêque de Martorane eût fait élire par fa faction le chapelain Arnoul, & l'eut intronifé par la protection du duc de Normandie : ils furent bien-tôt obligez d'abandonner cette entreprise temeraire. Le fiege patriarchal fut donc regardé comme vacant, car il ne paroît pas, que l'on comptât le patriarche Simeon qui étoit en Chipre; & les feigneurs qui reftoient à Jerufalem s'affemblerent afin d'y pourvoir. Aprés une meure déliberation, ils élurent l'archevêque Daïmbert & l'introniferent; enfuite dequoi le roi Godefroi & le prince Boëmond, reçurent humblement de lui l'inveftiture, l'un du roïaume de Jerufalem, l'autre de la principauté d'Antioche, prétendant honorer celui dont il étoit le vicaire fur la terre.

Quelque tems aprés il s'émut un differend entre le roi & le patriarche, qui prétendoit, que le roi avoit donné à Dieu la ville de Jerufalem & fa fortereffe, & encore la ville de Joppé & les dépendan

C. 5.

C. 16.

ces. Pour terminer cette difpute, le pieux roi céda à l'églife du faint fepulchre le quart de Joppé, & fit cette ceffion publiquement devant le clergé & le peuple, le jour de la purification l'an onze cens. Le jour de Pâques fuivant, qui étoit le premier d'Avril, il ceda de même au patriarche la ville de Jerufalem, avec la tour de David & fes dépendances : à condition toutefois, que le roi auroit la joüissance de Jerufalem & de Joppé, jufques à ce qu'il eût augmenté fon roïaume d'une ou de deux autres villes : que s'il mouroit cependant fans enfans, le tout apartiendroit au patriarche.

Or dans ce commencement, le roïaume de Jerufalem étoit peu de chofe. Car aprés que les feigneurs, qui avoient été à cette conquête fe furent retirez chacun chez foi, aïant accompli leur vou: Godefroi demeura feul avec Tancrede, & leurs troupes affemblées faifoient à peine trois cens chevaux & deux mille hommes de pied. Les villes de leur obéïffance étoient en très petit nombre, & feparées par des places ennemies, en forte qu'on ne pouvoit paffer de l'une à l'autre fans grand peril. Toute la campagne étoit occupée par les infidelles, qui regardant les Chrétiens comme leurs ennemis mortels, les tuoient fur les chemins ou les faifoient efclaves; & abandonnoient la culture des terres, ne craignant pas de s'affamer euxmêmes, pourvû qu'ils les fiffent perir de difette. Les Francs n'étoient pas même en fureté dans les villes mal fermées & mal peuplées: on y venoit de nuit les piller & les tuer jufques dans leurs maisons, ce qui en obligeoit plufieurs à tout abandoner. Tel étoit ce roïaume de Jerusalem, qui subsista toutefois quatre-vingt huit ans.

Fin du Treiziéme Tome.

TABLE

DES MATIERES

A

ADALBERT archevêque de Alleluia. Quand doit être chanté. 13

.

Breme, legat en Norvege.

118. Se reconcilie avec Suenon

R. de Danemarc. 119. Etablit de
nouveaux évêchez chez les Scla-
ves & les Danois. 226. Evêques
par lui ordonnez. ibid.

Adalberon évêque de Virsbourg. Sa

Allemagne. Quatre principaux évê-

ques du parti catholique fous

Urbain II.

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