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pofer, non feulement au peuple, mais aux évêques devenus moins éclairez & moins attentifs; & depuis que l'on eut établi la regle de ne point confacrer d'églifes ni d'autels fans reliques, la neceffité d'en avoir, fut une grande tentation de ne les pas examiner de fi prés. L'interêt d'attirer des offrandes & des pellerinages, qui enrichiffoient les villes, fut encore dans la fuite une tentation plus groffiere.

Je ne prétends pas par ces reflexions generales rendre fufpecte aucune relique en particulier : je fçai qu'il y en a plufieurs de trés certaines, fçavoir celles des SS. patrons de chaque ville, qui y font morts & qui y ont toûjours été honorez depuis: comme à Paris faint Denis, faint Marcel, fainte Genevieve. Car encore qu'elles ayent été transferées du tems des Normans, on ne les a jamais perduës de vûë. Pour les autres, j'en laiffe l'examen à la prudence de chaque évêque; & je dis feulement, que cet examen doit être plus rigoureux à l'égard de celles, qui aprés avoir été cachées pendant plufieurs fiecles, n'ont paru que dans des tems d'ignorance: ou que l'on prétend avoir été apportées de fort loin, fans que l'on fache ni comment elles en font venues, ni comment elles avoient été confervées. Je crois toutesfois que Dieu qui connoît le fonds des cœurs, ne laiffe pas d'avoir agréa ble la devotion des peuples, qui n'ayant intention que de l'honorer en fes faints, reverent de bonne foi les reliques expofées depuis plufieurs ficcles à la veneration publique.

Il faut donc diftinguer ce qui eft de la foi catholique, fçavoir l'utilité de l'interceffion des faints & de la veneration de leurs reliques, d'avec les abus que l'ignorance & les paffions humaines y ont joints, non feulement en fe trompant dans le fait, & honorant comme reliques, ce qui ne l'étoit pas, mais s'appuïant trop fur les vraies reliques; & les regardant comme des moïens infaillibles d'attirer fur les particuliers & fur les villes entieres toutes fortes de benedictions temporelles & fpirituelles. Quand nous aurions les faints même vivans & converfans avec nous, leur prefence ne nous feroit pas plus avantageufe que celLuc. XIII. 26. le de JESUS-CHRIST. Or il dit expreffement dans l'évangile : Vous direz au pere de famille : Nous avons bû & mangé avec vous, & vous avez enfeigné dans nos places. Et il vous dira: Je ne fçai qui vous êtes. L'utilité des reliques eft donc de nous faire fouvenir des faints, & nous exciter à l'imitation de leurs vertus : autrement la prefence des reliques ni des lieux faints ne nous fauvera pas, non plus que les Juifs, à qui le prophete reprochoit, qu'ils fe confioient en des paroles de menfonges, en difant : Le temple du Seigneur, le temple du Seigneur, fans corriger

Jerem. vII. 4.

V.

Pelerinages.

3. 44.

leurs mœurs.

Les pelerinages furent une fuite de la veneration des lieux faints & des Mœurs Chret. reliques, principalement avant l'ufage de les transferer. Ils étoient plus faciles fous l'empire Romain par le commerce continuel des provinces: mais ils ne laifferent pas d'être trés-frequens fous la domination des barbares, depuis que les nouveaux roïaumes eurent pris leurs confiftances. Je croi même que les mœurs de ces peuples y contribuerent : car ne s'occupant que de la chaffe & de la guerre, ils étoient dans un continucl

liv, XLII. n. 35.

liv. LXVI. n. 5.

mouvement. Ainfi les pellerinages devinrent une devotion univerfelle des peuples & des rois, du clergé, des évêques, & des moines. J'ofe dire que c'étoit preferer un petit acceffoire à l'effentiel de la religion, quand un évêque quittoit fon diocefe pendant des années entieres, pour aller de l'extremité de la France ou de l'Angleterre à Rome ou même à Je- Bonif. p.105.bist. rufalem : quand des abbez ou des moines fortoient de leurs retraites; quand des femmes ou mêmes des religieufes, s'expofoient à tous les perils de ces grands voiages. Vous avez vû par les plaintes de Saint Bo- Conc. Cabill. niface, les accidens déplorables qui en arrivoient. Il y avoit fans doute 813. c. 40 hift. plus à perdre qu'à gagner, & je regarde ces pelerinages indifcrets, com- v Morin pœnit. me une des fources de relâchement de la difcipline: auffi s'en plaignoit- v. c. 15. Hift. on dés le commencement du neuviéme fiecle. Mais ce fut principalement liv.xxx. n. 42 la penitence qui en fouffrit. Auparavant on enfermoit les penitens dans les diaconites, ou d'autres lieux prés de l'églife, pour y vivre recueillis & éloignez des occafions de rechute. Vous l'avez vû dans le facramen- Greg. ep. 2. ad taire attribué à Saint Gelafe, & dans une lettre du pape Gregoire III. mais Leon. hift liv. depuis le huitiéme fiecle on introduifit tout le contraire pour penitence rin. lib. var. c. en ordonnant aux plus grans pecheurs de fe bannir de leur pays & paflers.Capit. Aquifg quelque tems à mener une vie crrante à l'exemple de Caen. On vit bien- an. 789. 6. 77. tôt l'abus de cette penitence vagabonde; & dés le tems de Charlemagne, Sup. liv. XLIV. on deffendit de fouffrir davantage ces hommes affreux, qui fous ce pretexte courroient par tout le monde nuds & chargez de fers: mais l'ufage d'impofer pour penitence quelque pelerinage fameux : & ce fut le fonde

ment des croifades.

XLII. n. 9. Mo

n..46.

VI.

L. n. 22.

L'abus dans la veneration des reliques degenere en fuperftition, mais l'ignorance du moyen âge en attira de plus manifeftes. Comme cette divi- Superftitions. nation nommée le fort des faints, dont Gregoire de Tours rapporte tant hift.. xxx. n.1. d'exemples, & avec un ferieux à perfuader qu'il y croyoit. Comme ces Greg. v. hift.c. épreuves nommées le jugement de Dieu, foit par l'eau, foit par le feu, 14. hift.l.xxxiv. foit par le combat fingulier, qu'Agobard condamnoit fi fortement; mais n. 31. hift. liv. qu'Hincmar foutenoit, & qui furent en ufage fi long-tems. Comme l'af XLVI.n.48.liv. trologie à laquelle on voit qu'ils croioient: principalement aux effets des éclipfes & des cometes. Ces fuperftitions dans le fonds étoient des reftes du paganifme: comme d'autres plus manifeftement criminelles condamnées dans les conciles du même tems. En general le plus mauvais effet des mauvaises études eft de croire favoir ce que l'on ne fait point. C'eft pis que la pure ignorance, puifque c'eft y ajoûter l'erreur & fouvent la prefomption.

VII.
Etat de l'O-

Je n'ai parlé jufques ici que de l'Occident: mais l'églife orientale eut auffi fes tentations. L'empire Grec ne fut pas entierement détruit, mais il fut reduit à des bornes bien étroites, d'un côté par les conquêtes rient. des Arabes Mufulmans ; de l'autre par celles de divers Scytes, entreautres des Bulgares & des Ruffes. Ces deux derniers peuples fe firent Chrétiens, & leur domination produifit à peu prés les mêmes effets que celle des autres barbares Septentrionaux mais les Mufulmans pretendoient convertir les autres, & prenoient pour pretexte de leurs con

quêtes le zele d'établir leur religion par toute la terre. Ils fouffroient à la verité les Chrétiens mais ils emploïoient pour les pervertir tous les moiens poffibles, excepté la perfecution ouverte : en cela même plus dangereux que les payens. D'ailleurs leur religion a quelque chofe de fpecieux. Ils ne prêchent que l'unité de Dieu, & l'horreur de l'idolâtrie; & ils ont imité plufieurs pratiques du Chriftianisme, la priere à certaines heures reglées, le jeûne d'un mois, les pellerinages. Enfin leur indulgence pour la pluralité des femmes & des concubines, attire les hommes fenfuels. Ils emploierent entre autre un artifice extrêmement pernicieux au Chriftianifme. La Syrie étoit pleine de Neftoriens, l'Egypte d'Eutyquiens, les uns & les autres ennemis des patriarches de C. P. & des empereurs qu'ils regardoient comme leurs perfecutcurs. Les Mufulmans profiterent de cette divifion : protegeant les heretiques, & abaiffant les catholiques qui leur étoient fufpects, par leur attachement à l'empereur de C. P. d'où leur vint le nom de Melquites: c'eft-à-dire, en Arabe, roïaux ou imperiaux. C'est par-là que ces herefies fi anciennes fubfiftent encore; & que les Chrétiens d'Orient ont des évêques & des patriarches de ces differentes fectes, Melquites, Neftoriens, Jacobites, qui font les Eutyquiens.

Par ces divers moiens les Mufulmans, fans exterminer abfolument le Christianisme, diminuerent extrêmement le nombre des vrais Chrétiens; & les reduifirent à une grande ignorance, par la fervitude qui leur ôtoit le courage & les commoditez d'étudier. Le changement de langues y contribuoit. L'Arabe étant la langue des maîtres devint celle de tout l'Orient, comme elle est encore: le Grec ne fut confervé que par la religion & chez les Melquites feulement : car les Neftoriens faifoient leur fervice cn Syriaque, & les Jacobites en Cofre ou un ancien Egyptien. Ainfi comme tous les livres ecclefiaftiques ou profanes étoient en Grec, il fallut les traduire, ou apprendre cette langue, ce qui rendit les études bien plus difficiles. De là vient qu'incontinent aprés la conquête des Mufulmans, nous perdons de vûë ces anciennes églifes d'Egypte, de Paleftine, de Syrie autrefois fi floriffantes; & que faute d'écrivains, je n'ai pû vous en marquer lá fuite comme dans les fiecles precedens. L'hiftoire d'Eutyquius patriarche d'Alexandrie eft une preuve de ce que j'avance. Il l'a écrite en Arabe, quoiqu'il fut Melquite; & on y voit tant de fables & fi peu d'éxactitude, même dans les faits de fon tems, qu'elle marque affez l'imperfection des études de ces pauvres Chrétiens. Elles s'affoiblirent notablement même chez les Grecs: foit par le commerce avec les barbares leurs voifins, foit par la domination des empereurs ignorans & brutaux, comme les peuples dont ils étoient 2. XLVI. n. I. fortis: Leon Ifaurien, fon fils Copronyme, Leon l'armenien. L'herefie des Hift.liv.XLIV. Iconoclaftes que ces princes foûtinrent avec tant de fureur, venoit dans le n. 36. fond d'une ignorance groffiere: qui leur faifoit prendre pour idolâtric le culte des faintes images, & ceder aux reproches des Juifs & des Mufulmans. Ils ne confideroient pas que le culte étoit reçû dans l'église par une tradiion immemoriale, & que l'églife ne peut errer, qui eft la grande preuve des peres du feptiéme concile.

Hift. liv. III.

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Mais les actes de ce même concile font une preuve de la décadence des études, par le grand nombre d'hiftoires douteuses, pour ne pas dire fabuleufes, & d'écrits fufpects qui y font citez, & qui montrent que les Grecs n'étoient pas meilleurs critiques que les Latins: ce qui toutefois ne fait rien pour le fonds de la queftion, puifqu'ils rapportent affez de preuves autentiques du culte des images, & fondent leur décifien fur l'infaillibilité de l'églife. Un autre exemple illuftre de la mauvaise critique des Grecs, eft la facilité avec laquelle ils reçurent les écrits attribuez à faint Denis l'Areopagite. On les rejettoit du tems de Juftinien, & cent ans aprés on ne les conteftoit point aux Monothelites, qui fai foient un fi grand fonds fur l'operation théandrique mentionnée dans cet

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La perfecution des Iconoclaftes avoit prefque éteint les études dans l'empire Grec; mais elle fe reveillerent fous Bafile Macedonien, par les foins du favant Photius, & continuerent fous Leon le Philofophe & fes fucceffeurs. Toutefois les écrivains de ce tems-là font bien audeffous de ceux de l'ancienne Grece. Leur langage eft affez pur, mais leur ftile eft façonné & affecté : ce ne font que lieux communs, vaines déclamations, oftentation de leur favoir, reflexions inutiles. Le plus Hill, illuftre exemple de ce mauvais ftile & le plus de mon fujet eft celui de Métaphrafte: qui nous a tant gâté de vies de Saints, prétendant les rendre plus agréables, fuivant le témoignage de Pfellus fon admira

teur.

On voit chez les Grecs pour le moins autant que chez les Latins, l'amour des fables & la fuperftition, l'un & l'autre enfans de l'ignorance. Pour les fables, je me contenterai de citer l'image miraculeufe d'Edeffe dont l'empereur Conftantin Porphyrogenete a fait une fi longue Hift. l,Lv.n.30 hiftoire, que j'ai rapportée exprés. Pour les fuperftitions, l'histoire Bizantine en fournit des exemples à chaque page. Il n'y a point d'empereur qui monte fur le trône ou qui en defcende, fans préfage ou prédictions. Il y a toûjours quelque caloyer dans un ifle, fameux par l'aufterité de fa vie, qui promet l'empire à un grand capitaine, & le nouvel empereur le fait évêque d'un grand fiege. Mais ces prétendus prophetes étoient fouvent des impofteurs. Je reviens maintenant à l'Occident.

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VIII.

Clercs chaf

Un autre effet de la domination des barbares, c'eft que les évêques & les clercs devinrent chaffeurs & guerriers comme les laïques : ce qui toutefois n'arriva pas fi-tôt. Car dans les commencemens, les barbares, feurs & gues quoique Chrétiens, n'étoient pas admis dans le clergé. Outre l'ignorance leur ferocité & leur legereté naturelle empêchoit de leur confier l'administration des facremens & la conduite des ames. Ce ne fut guere qu'au feptiéme fiecle qu'ils entrerent indifferemment dans les ordres, autant que je puis juger par les noms des évêques & des clercs, qui jufquef- Concil. Epaon la font prefque tous Romains. Auffi ne voïons-nous que depuis ce c. 4. Cabilon tems des deffences aux clercs de porter les armes, de chaffer & de nour- II. 6. 9. rir des chiens & des oifeaux pour le plaifir. Or l'exercice violent de la

b

chaffe, l'attirail & la dépenfe qui en font les fuites, ne s'accordent pas
avec la modeftie clericale, avec l'étude, la priere, le foin des
struction des peuples, une vie reglée & mortifiée.

pauvres, l'inL'exercice des armes eft encore plus éloigné : cependant il devint en quelque façon neceffaire aux évêques, à caufe des biens ecclefiaftiques: car ce fut en ce tems-là que s'établit le droit des fiefs. Sous les deux premieres races de nos rois, & bien avant dans la troifiéme, la guerre ne fe faifoit point par des troupes enrôlées & foudoïées: mais par ceux à qui les princes & les feigneurs avoient donné des terres, à la charge du fervice. Chacun fçavoit ce qu'il devoit fournir d'hommes, de che vaux & d'armes; & il devoit les mener lorfqu'il étoit commandé. Or comme les églises poffedoient deflors de grandes terres, les évêques fe trouverent engagez à fervir l'état comme les autres feigneurs. Je dis les évêques car tous les biens ecclefiaftiques de chaque diocefe étoient encore adminiftrez en commun fous leur autorité: on n'en avoit diftrait que les biens des monafteres: ces portions attribuées à chaque clerc, que nous appellons benefices n'etoient pas encore diftinguées ; & ce que l'on appellait alors benefices, étoient ou des fiefs donnez à des laïques, ou liv, xxx. n. 54. l'ufufruit de quelque fond de l'églife accordé à un clerc pour récompenfe, ou autrement, à la charge de revenir aprés fa mort à la maffe com

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bift.1, XLv.m.16.

IX.

N

mune.

Les évêques avoient leurs vaffaux obligez à fervir à leur ordre pour les fiefs qu'ils tenoient d'eux; & quand l'évêque lui-même étoit mandé par le roi, il devoit marcher à la tête de fes troupes. Charlemagne trouvant ce droit établi, voulut bien s'en relâcher à la priere de fon peuple; & il difpenfa les évêques de fervir en perfonne, pourvû qu'ils envoiaffent leurs vaffaux. Mais ce reglement fut mal obfervé, & nous voions aprés comme devant des évêques armez, combattans, pris & tuez à la guerre.

Indépendemment de la guerre, les feigneuries temporelles devinrent Seigneuries aux évêques une grande fource de diftraction. Les feigneurs avoient temporelles des beaucoup de part aux affaires d'état, qui fe traittoient ou dans les afEglifes. femblées generales, ou dans les confeils particuliers des princes; & les. évêques, comme lettrez, y étoient plus utiles que les autres feigneurs. Il falloit donc être prefque toûjours en voïage car ni la cour du prince, ni les affemblées ou parlemens, n'avoient point de licu fixe. Charlemagne, par exemple, étoit tantôt deçà, tantôt delà lé Rein: tantôt en Italie, tantôt en Saxe, aujourd'hui à Rome, dans trois mois à Aix-la-Chapelle. Il menoit toûjours avec lui grand nombre d'évêques fuivis de leurs vaffaux & de leurs domeftiques : quelle perte de tems? quelle diftraction? quand trouvoient-ils du loifir pour vifiter leurs diocefes, pour prêcher, pour étudier? Les parlemens ou affemblées generales étoient auffi des conciles: mais ce n'étoit plus ces conciles établis fi fagement par les canons en chaque province, entre les évêques voisins: c'étoit des conciles nationnaux de tout l'empire François, où l'on voïoit enfemble l'archevêque de Cologne avec ceux de

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