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Il arriveroit au monde, fi Dieu venoit à retirer fa main, ce qui arrive à nos corps, quand il en arrête le mouvement. Ils tombent en poudre, ils s'exhalent en fumée; & l'on ne fait même pas s'ils ont exifté.

Si j'avois eu affez de connoiffances pour travailler fur l'Hiftoire de la Nature, j'aurois commencé mon ouvrage par expofer les perfections immenfes de fon Auteur, par traiter enfuite de l'homme qui eft fon chef-d'oeuvre; & fucceffivement. de fubftances en fubftances, d'efpeces en efpeces, je ferois defcendu jufqu'à la fourmi, & j'aurois montré dans le plus petit infecte, comme dans l'Ange le plus parfait, la même fageffe qui rayonne, & la même toute-puiffance qui agit.

Un tableau de cette nature auroit intéreffé les amateurs de la vérité ; & la Religion elle-même qui en eût tracé le def fein, l'auroit rendu infiniment précieux.

Ne parlons jamais des créatures_que pour nous rapprocher du Créateur. Elles font la réverbération de fa lumiere indéfectible; & ce font là des idées qui nous élevent & qui nous abaiffent; car l'homme n'eft jamais plus petit & plus grand que lorsqu'il fe confidere en Dieu. Alors il apperçoit un Etre infini dont il est l'image, & devant qui il n'eft qu'un atôme: deux contrariétés apparentes qu'il faut concilier pour avoir une jufte idée de foi-même, & pour ne pas donner dans l'excès

des Anges fuperbes, ni dans celui des încrédules qui fe réduifent à la condition des bêtes.

Votre Lettre, mon Prince, m'a conduit à ces réflexions; & je vous avoue en même temps que je n'ai pas une plus grande fatisfaction, que lorfque je trouve l'occafion de parler de Dieu. Il est l'élé ment de notre cœur, & ce n'eft qu'en fon amour que l'ame s'épanouit.

Je fentis heureusement dès mes premie res années cette grande vérité, & je choifis le cloître en conféquence, comme une retraite où, féparé des créatures, je pour rois m'entretenir plus facilement avec le Créateur. Le commerce du monde eft ft tumultueux, qu'on n'y connoît prefque pas le recueillement qui nous unit à Dieu." Je croyois ne faire qu'une Lettre, & c'eft un fermon; excepté qu'au-lieu de finir par Amen, je finirai par le respect qui vous eft dû, & avec lequel j'ai l'honneur d'être, &c.

A Rome, ce. 13 Décembre 1754

LETTRE LXXXIII.

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A M. le Comte ALGAROTTI.

Ly a long-temps, mon cher Comte que nous n'avons caufé enfemble, ou plu tôt que je n'ai été à votre école. Un petit Philofophe de Scot ne peut mieux faire

que de profiter des leçons d'un Savant qui à mis au jour le Newtonianifme des Dames. Une philofophie d'attraction devoit être particuliérement la vôtre, par la raison que vous avez un caractere liant, aimable, qui attire tous les efprits; mais je voudrois avec tant d'avantages celui d'être moins New tonien, & plus Chrétien.

Nous n'avons été créés mi pour être les, Difciples d'Ariftote, ni pour être ceux de Newton. Notre ame a de plus grandes deftinées; & plus elle eft fublime chez vous, plus vous devez remonter vers fa fource.

Vous direz tant qu'il vous plaira, que c'eft le fait d'un Religieux de prêcher; & moi je vous répéterai continuellement que c'eft le fait d'un Philofophe de beaucoup s'occuper d'où il vient & où il va. Nous avons tous un premier principe & une derniere fin; & ce ne peut être que Dieu qui foit l'un & l'autre.

Votre philofophie, malgré fes raifon-. nements, ne roule que fur des chimeres fi vous la féparez de la Religion. Le Chrif tianifme eft la fubftance des vérités que: l'homme doit chercher. Mais il aime à fe nourrir d'erreurs, comme les reptiles aiment à fe raffafier de la fange des marais. On va chercher bien loin ce qu'on trouveroit en foi-même, fi l'on vouloit y rentrer ce qui fait que le grand Auguftin, après avoir parcouru tous les êtres, pour voir s'ils n'étoient point fon Dieu,

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revient à fon propre cœur, & déclare que c'eft là qu'il exifte plus que par-tout ailleurs Et redii ad me. (1)

:

J'efpere que vous me prêcherez quelque jour, & que chacun aura fon tour; eh! plût à Dieu! Au refte, foit que vous moralifiez, foit que vous badiniez, je vous écouterai toujours avec le plaifir qu'on goûte à entendre une perfonne qu'on aime de tout fon cœur, & dont on eft autant, par inclination que par devoir, le trèshumble, &c.

A Rome, ce 7 Décembre 1754.

LETTRE LXXXIV.

VOILA

A M. l'Abbé PAPI.

OILA donc, mon cher Abbé, le fa-: vant Cardinal Quérini qui vient d'aller unir fa fcience à celle de Dieu, & fe remplir de ce torrent de lumiere que nous n'appercevons ici-bas qu'à travers des nuages. Il eft mort comme il a vécu, la plume à la main, finiffant une ligne, & prêt à fe rendre à l'Eglife, où fut toujours fon

cœur.

Le mien lui érige un monument au de⚫. dans de moi-même, auffi durable que ma vie. Il avoit des bontés pour moi, eh!

(1) Et je rentrai en moi-même.

pour qui n'en avoit-il pas? Sa Cathédrale, fon Diocese, toute l'Italie, Berlin même› ont fenti fes libéralités. Le Roi de Pruffe l'honora d'une eftime finguliere, & tous les Savants de l'Europe admirerent fon zele & fes talents.

Il avoit un génie conciliateur; tous les Proteftants l'aimoient, quoiqu'il leur dît fouvent de bonnes vérités. Il eft fâcheux qu'il ne nous ait pas laiffé quelque ouvrage confidérable, au-lieu de n'écrire: que des feuilles volantes. Il auroit groffi la Bibliotheque Bénédictine déja fi volu mineufe, comme étant un des Membres les plus diftingués de l'Ordre de S. Bet noît, & il auroit enrichi l'Eglife de fes productions.

M. de Voltaire le regrettera, fi les Poëtes font fufceptibles d'amitié. Ils s'écrivoient amicalement; le génie recherche le génie. Pour moi qui n'ai que celui d'admirer les grands hommes, & de les re gretter, je répands des pleurs fur le tom-beau de notre illuftre Cardinal: Quando inveniemus parem? (1)

J'ai l'honneur d'être, &c.

Au Couvent des SS. Apôtres, ce 13 Jan. vier 1755.

(1) Quand trouverons-nous fon pareil?

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