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métamorphofe, & que j'étois déja moimême plus qu'à demi rendu. J'ai l'honneur d'être, &c.

A Rome, ce 24 Juillet 1756.

LETTRE LXXXVIII. A M. STUART, Gentilhomme Ecoffois. MONSIEUR,

Si vous ne vous ressentiez pas de la mobilité des flots qui vous environnent, je vous reprocherois vivement votre inconftance; car il n'eft pas permis d'oublier un ancien ami qui vous eft conftamment attaché. Votre conduite me rappelle ce que j'ai pensé plufieurs fois, que les principales Nations de l'Europe reffemblent aux éléments.

re

L'Italien, d'après cette fimilitude, préfente le feu, qui, toujours en action, s'enflamme & pétille; l'Allemand, la terre, qui, malgré fa denfité, produit de bons légumes & d'excellents fruits; le François, l'air, dont la fubtilité ne laiffe aucune trace; & l'Anglois, l'onde mobile qui change à chaque inftant.

Un Miniftre habile enchaîne avec adresse ces éléments dans l'occafion, ou les fait lutter les uns contre les autres, felon les intérêts de fon maître. C'eft ce que nous

avons

avons vu plus d'une fois, quand l'Europe étoit en combuftion, & qu'on s'agitoit pour des torts réciproques.

La politique humaine brouille ou réconcilie felon fes intérêts, n'ayant rien de. plus à cœur, que de dominer ou de s'agrandir. La politique chrétienne au contraire, ignore l'art criminel de femer dés divifions, en prévit-elle les plus grands fuccès. Je ne fais aucun cas d'une politique fans équité; car c'eft le Machiavélisme mis en action; mais j'ai l'idée la plus avantageufe d'une politique qui, tantôt tranquille, & tantôt agiffante, se laiffe gouverner par la prudence, médite, calcule, prévoit; & qui, après avoir rappellé le paffé, réfléchit fur le présent, entrevoit l'avenir, rapproche ainfi tous les temps, pour refter dans l'inaction, ou pour agir.

Il eft abfolument néceffaire qu'un bon politique connoiffe parfaitement l'Hiftoire & le fiecle dans lequel il vit; qu'il fache à quel degré de force & d'efprit font ceux qui paroiffent fur la fcene du monde; afin d'intimider, s'il y a de la foibleffe; de réfifter, s'il y a du courage; d'en impofer, s'il y a de la témérité.

La connoiffance des hommes, beaucoup mieux que celle des livres, eft la science d'un bon politique; il importe exactement dans les affaires de connoître ceux qu'on doit mettre en action. Les uns ne font bons que pour parler, les autres ont du Tome II,

Β

courage pour agir; & tout confifte à ne pas s'y méprendre. Bien des politiques échouent, parce qu'ils placent mal leur confiance. On ne peut plus retenir un fecret quand il eft échappé; & il vaudroit encore mieux commettre une faute par une trop grande réserve, que par une impru dence: Ce qu'on ne dit pas ne s'écrit point.

La crainte d'être trahi, rend pufillanime celui qui a fait trop légérement quelque ouverture de coeur. Il eft des circonftances où il faut paroître tout dire, quoiqu'on ne dife rien, & favoir habilement faire prendre le change fans jamais trahir la vé rité; car il n'eft jamais permis de l'altérer.

Ce n'eft pas foibleffe de plier lorfqu'on ne peut faire autrement; c'eft fageffe. Tout dépend de bien connoître les moments & les efprits, & de prévoir à coup für l'impreffion que feroit une réfiftance dans une telle rencontre.

L'amour-propre fait fouvent tort à la politique. On veut triompher d'un ennemi, lorfqu'on eft pouffé par le reffentiment; & l'on s'engage dans une mauvaise affaire, fans en prévoir les fuites.

On doit favoir fecouer les paffions quand on veut mener les hommes, & n'oppofer qu'une tête froide à ceux qui ont le plus de chaleur; ce qui nous fait dire communément que la terre appartient aux flegmatiques.

On déconcerte l'adverfaire le plus impétueux, par une grande modération.

Nous aurions bien moins de querelles & bien moins de guerres dans l'univers, fi l'on fupputoit ce qu'il en coûte feulement pour se brouiller, & pour fe battre. Il ne fuffit pas d'avoir beaucoup de monde & d'argent à fa difpofition; il faut encore favoir comment on les emploiera & penfer que les hazards ne font pas tou jours entre les mains des plus forts. Nous n'avons depuis long-temps à Rome qu'une politique de temporifation, parce que nous fommes foibles, & que le cours des évé nements eft la plus heureuse ressource pour tirer d'embarras ceux qui ne peuvent réfifter. Mais, comme on connoît notre lenteur à nous déterminer, (& c'est aujourd'hui un fecret que perfonne n'ignore,) il n'y a pas de mal, & il eft même à propos qu'un Pape, de temps en temps, non pour des prétentions conteftées, mais pour des chofes juftes, fache tenir ferme; fans cela, on feroit fûr d'opprimer les fouverains Pontifes, toutes les fois qu'on les menaceroit.

Il y a des Nations qui ont malheureufement befoin de la guerre pour devenir opulentes; d'autres pour qui elle est une ruine affurée. Et de tout cela je conclus qu'un Miniftre qui profite habilement de ces circonftances, eft vraiment un tréfor, & que, lorfqu'un Souverain a eu le bonheur de le trouver, il doit le conferver malgré toutes les cabales.

Je viens de bégayer fur un fujet que

vous favez beaucoup mieux que moi; mais une phrase en amene une autre, & infenfiblement on ofe parler de ce qu'on ignore.

C'est ainsi que fe font les Lettres, on les commence fans prévoir tout ce qu'on y dira. L'ame, quand elle vient à fe replier fur elle-même, s'étonne avec raifon de fa fécondité. C'eft une vive image de la production d'un monde forti du néant; car enfin notre penfée qui n'exiftoit pas, éclot tout-à-coup, & nous fait fentir que la Création, comme le prétendent certains Philofophes modernes, n'eft réellement pas une chofe impoffible. Je vous laiffe avec vous même; vous y êtes beaucoup mieux qu'avec moi. Adieu.

A Rome, ce 22 Août 1756. The Rome, ce 22

LETTRE LXXXIX. 'Au R. P. *** nommé Confeffeur du

Q

Duc de ***

UELLE charge! quel fardeau! mon très-cher ami. Eft-ce pour votre perte, eftce pour votre falut que la Providence yous a pourvu d'un fi redoutable emploi? Cette idée doit vous faire trembler. - Vous me demandez ce qu'il faut faire pour le remplir? Etre un Ange.

Tout eft écueil, & tout eft piege pour

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