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le Confeffeur d'un Souverain, s'il n'a de la patience pour attendre les moments de Dieu, de la douceur pour compatir aux imperfections, de la fermeté pour contenir les paffions. Il doit être plus qu'aucun autre rempli des dons de l'Efprit-Saint, afin de répandre tantôt la crainte, tantôt l'efpérance, & toujours la lumiere. Il lui faut un zele à toute épreuve, & un ef prit de juftice qui lui faffe balancer les intérêts du peuple & du Souverain dont il a la conduite.

Il doit d'abord s'appliquer à connoître fi le Prince qu'il dirige, eft inftruit des devoirs de la Religion, & de fes obligations envers fes fujets; car, hélas! il n'eft que trop ordinaire qu'un Prince forte des mains de ceux qui l'ont formé, fans avoir d'autre fcience que des connoiffances toutà-fait fuperficielles. Alors il doit obliger, fon Pénitent à s'inftruire, & à puifer dans' les véritables fources, non en fe chargeant la mémoire de plufieurs lectures, mais en étudiant par principes ce que la Religion & la Politique exigent d'un homme qui gouverne.

Il y a des ouvrages excellents fur cette matiere, & vous ne devez pas l'ignorer. J'en connois un qui fut fait pour Victor-Amédée, & qui n'a d'autre défaut que d'être trop diffus, & trop exigeant.

Quand le Duc fera folidement inftruit, car il ne faut pas l'endormir avec des pra tiques minutieufes, vous lui recomman

derez de chercher continuellement la vérité, & de l'aimer fans réserve. La vérité doit être la bouffole des Souverains." C'est le moyen de faire tomber tous les délateurs & tous les Courtifans, eux qui ne fe foutiennent dans les Cours que par la fourberie & par l'adulation, & qui, mille fois plus dangereux que tous les fléaux, perdent les Princes pour ce monde & pour l'autre.

Vous infifterez fans relâche fur l'indif penfable néceffité de faire rendre à la Religion le refpect qui lui eft dû, non en infpirant un efprit de perfécution, mais en recommandant un courage évangélique, qui épargne les perfonnes, & qui arrête les fcandales. Vous répéterez fouvent que la vie d'un Souverain, comme fa couronne ne tient à rien, s'il permet des plaifanteries fur le culte qu'on rend à Dieu, & s'il n'arrête pas les progrès de l'irréligion.

Vous aurez foin par votre fermeté, par vos représentations, par vos prieres, & même par vos larmes, que le Prince que vous avez à conduire, fe diftingue par de bonnes mœurs, & qu'il les faffe fleurir dans fes Etats, comme la tranquillité des citoyens, & le bonheur des familles, qui font le véritable germe de la population.

Vous lui repréfenterez fouvent que fes Sujets font fes enfants; qu'il fe doit à eux Ja nuit comme le jour, enfin à tout moment, pour les confoler & pour les fe

courir; qu'il ne peut mettre des impôts qu'à proportion de leurs biens & de leur induftrie, afin de ne pas les jetter dans l'indigence ou dans le défefpoir, & qu'il lear doit une prompte juftice.

Si vous ne l'engagez pas à voir tout par lui-même, vous ne remplirez votre miniftere qu'à demi. On ne rend le peuple heureux, qu'en entrant dans les détails; & il n'y a pas moyen de les connoître fi l'on ne defcend jufqu'à lui.

Que ce peuple, fi méprifé des Grands qui ne penfent pas que dans un Etat tout eft peuple, excepté le Souverain, vous foit toujours préfent comme une portion facrée dont le Prince doit fans ceffe s'oc cuper; portion, qui fait l'appui du Trône, & qu'il faut ménager comme la prunelle de l'œil.

Faites fentir à votre illuftre dirigé, que la vie d'un Souverain eft une vie de tra vail; que les récréations ne lui font permifes comme à tous les hommes, qu'à ti tre de délaffement; & apprenez-lui qu'il doit interrompre fes lectures chrétiennes, fes prieres même, s'il s'agit de venir au fecours de l'Etat.

Vous lui parlerez du compte terrible qu'il rendra à Dieu de fon administration, & non pas tant du jugement que l'Hiftoire prononce fur les mauvais Princes après leur mort. Ce n'eft pas un motif affez chrétien pour fixer fur cet objet les yeux d'un Prince religieux; car l'Hiftoire n'eft que

le cri des hommes, & elle périra avec eux; au-lieu que Dieu, toujours vivant, toujours vengeur des crimes, eft ce qui doit régler la conduite d'un Souverain. Il importe peu à la plupart des perfonnes, fi l'on parle d'elles en bien ou en mal, après leur mort; mais la vue d'un Juge inflexible, éternel, fait la plus terri ble impreffion fur l'efprit.

Vous ne donnerez point de ces pénitences vagues, qui ne confiftent que dans de fimples prieres; mais vous appliquerez un remede propre à guérir les plaies qu'on. vous montrera; & fur-tout vous tâcherez de découvrir quel eft le défaut dominant. Sans cela on confefferoit tout un fiecle un pénitent qu'on ne le connoîtroit. pas. C'eft toujours à la fource du mal qu'il faut aller fi l'on veut en arrêter le cours.

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Vous aurez grand foin de vous renfer mer dans les bornes de votre miniftere, & de ne vous mêler, je ne dis pas d'aus cune intrigue, mais d'aucune affaire de Cour. C'eft une chofe indigne de voir un Religieux qui ne doit paroître que pour repréfenter Jefus-Chrift, déshonorer cette augufte fonction par un fordide intérêt & par une horrible ambition.

Tout votre defir, toutes vos vues ne doivent avoir pour objet que le falut du Prince qui vous donne fa confiance. Etonnez-le par une vertu à toute épreuve, & toujours également foutenue. Si un Confeffeur ne fe rend pas refpectable, & fur

tout

tout à la Cour où l'on ne cherche que des prétextes pour n'être pas Chrétien, il autorife les vices, & il fe met dans le cas d'être méprisé.

Inculquez bien dans l'efprit du Prince, qu'il répond devant Dieu de toutes les places qu'il donne, & de tout le mal qui s'y commet, s'il n'a pas bien choisi ceux qui doivent les remplir. Repréfentez-lui fur-tout le danger de nommer aux dignités eccléfiaftiques des ignorants ou des vicieux, & de nourrir leur molleffe & leur cupidité, en leur donnant plufieurs bénéfices. Perfuadez-lui de chercher le mérite & de récompenfer ceux qui écrivent pour l'utilité publique & pour la Religion. Apprenez-lui à foutenir fa dignité, non par le fafte, mais par une magnificence proportionnée à l'étendue de fes Etats, de fes forces, de fes revenus; & à defcendre en même temps de fon rang, pour s'humaniser avec fon peuple, & pour s'appliquer à fon bonheur.

Remettez-lui fouvent fes devoirs devant les yeux, non d'un ton sévere, non avec importunité, mais avec cette charité qui étant l'effufion de l'Efprit-Saint, ne parle jamais qu'avec prudence, faifit à propos les moments, & en profite. Quand un Prince eft convaincu de la fcience & de la piété d'un Confeffeur, il l'écoute avec docilité, à moins qu'il n'ait le cœur cor

rompu.

Si l'on ne s'accufe pas des fautes effent
Tome II.

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