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tielles qui fe commettent dans l'adminif tration, vous en parlerez en général, & vous en viendrez infenfiblement au point de faire avouer ce qu'il vous importe de connoître. Vous infifterez fouvent fur la néceffité d'écouter tout le monde, & de faire rendre une prompte juftice. Si vous ne vous fentez pas difpofé à fuivre ce plan, retirez-vous; car ce font là des préceptes qu'on ne peut tranfgreffer, fans fe rendre très-coupable devant les hommes & devant Dieu.d

La fonction d'un Directeur ordinaire n'attire pas l'attention du public; mais tout le monde a les yeux ouverts fur la conduite que tient le Confeffeur d'un Souverain. Auffi ne peut-il être trop exact dans le Tribunal de la Pénitence, pour qu'on ne voie pas approcher des Sacrements celui qui, par des actions fcandaleufes, s'en rendroit indigne, au jugement du Public. Il n'y a pas deux Evangiles, l'un pour les peuples, & l'autre pour les Souverains. Les uns & les autres feront également jugés fur cette regle inaltérable, parce que la loi du Seigneur demeure éternellement.

Les Princes ne font pas feulement les images de Dieu par leur pouvoir & par leur autorité qu'ils ne tiennent que de lui feul, ils le font encore, à raifon des vertús qu'ils doivent avoir pour le repréfenter. Il faut qu'un peuple puiffe dire de fon Souverain: Il nous gouverne comme la Di

vinité même, avec fageffe, avec clémence, avec équité; car les Souverains font comptables de leur conduite envers leurs fujets, non pour leur dévoiler le fecret de leur cabinet, mais pour ne rien faire qui puiffe les méfédifier.

Prenez garde fur-tout, ou par foibleffe, ou par respect humain, d'altérer la vérité. On ne capitule point avec la loi de Dieu; elle a la même force dans tous les temps, & l'efprit de l'Eglife eft toujours le même. Elle loue aujourd'hui le zele du grand Am broife à l'égard de l'Empereur Théodose, comme elle le loua autrefois; car elle ne varie ni fur fa morale ni fur fes dogmes.

Je prie Dieu de tout mon coeur qu'il vous foutienne, & qu'il vous éclaire dans une carriere auffi pénible, où vous ne devez pas être un homme ordinaire, mais un guide célefte. Alors vous vivrez en Solitaire au milieu du grand monde; en Religieux dans un féjour où il y a ordinairement peu de religion; en Saint fur un terrein qui dévoreroit les hommes de Dieu, fi le Seigneur n'avoit par-tout fes élus. Je vous embraffe, & je fuis, &c.

A Rome, ce 26 Avril 1755.

LETTRE XC.

Au Prélat CERATI.

MONSIGNOR,

Enfin le Chapitre des Dominicains auquel le Saint Pere a folemnellement préfidé, vient de finir, & le R. P. Boxadors, auffi diftingué par fon mérite que par fa naissance, a été élu Supérieur Général. Il gouvernera avec beaucoup de fageffe & d'honnêteté, en homme éclairé qui connoît les hommes, & qui fait qu'ils ne font pas faits pour être impérieusement conduits.

Benoît XIV, qui a ouvert la féance par le difcours le plus éloquent & le plus flatteur pour l'Ordre de S. Dominique où il y eut toujours de grandes lumieres & de grandes vertus defiroit pour Général le R. P. Richini, le Religieux le plus modefte & le plus favant; mais malgré fa préfence, & tous fes defirs, il n'a pu réuffir.

Le Pape a bien pris la chofe; & comme il s'en alloit tout en riant, il a dit que fainte Thérese ayant demandé à notre Seigneur, pourquoi un Carme, qu'il lui avoit révélé devoir être Général, ne l'étoit pas il lui avoit répondu : Je le voulois bien; mais les Moines ne l'ont pas voulu. Il

n'eft donc pas étonnant, a ajouté le Saint Pére, que la volonté de fon Vicaire n'ait pas eu fon effet...

Tout le monde fait qu'on ne réfifte que trop fouvent au Saint-Elprit, & & que l'homme empêche tous les jours l'opération de Dieu par fa mauvaise volonté.

Le P. Bremond eft peu regretté, quoiqu'il fût très-affable & très-vertueux. On lui reproche dans fon Ordre, d'avoir eu une condefcendance aveugle pour un Frere qui le menoit, & dont je me défiai toujours, parce qu'il me paroiffoit patelin. Il est rare que les hommes de ce caractere ne foient pas faux. Le langage doucereux eft rarement celui de la fincérité.

Je plains le pauvre P. Brémond, fans ofer le blâmer. Quel eft l'homme en place qu'on n'ait pas trompé ?

On eft affez communément injuste à l'égard des grands, & fur-tout lorfqu'on n'eft pas grand foi-même. On ne fait pas attention qu'ils ont des affaires & des embarras qui les excufent en partie, quand ils ne voient pas tout par eux-mêmes. Heureux celui qui n'apperçoit les grandeurs que dans le lointain, comme une montagne qu'on ne voudroit pas gravir!

J'ai l'honneur d'être, &c.

A Rome, ce 29 Juillet 1756.

C

Je

LETTRE XCI.

A un Milord.

E ne conçois pas, Milord, qu'inftruit, comme vous l'êtes, des imperfections de l'humanité, de la variété des opinions, de la bizarrerie des goûts, de la force de la coutume, vous foyez auffi étonné de la forme de notre Gouvernement. Je ne prétends pas le juftifier, d'autant plus qu'il ne favorife, ni le commerce, ni l'agriculture, ni la population, c'eft-à-dire tout ce qui fait précisément l'effence de la félicité publique; mais penfez-vous qu'il n'y a pas des inconvénients dans les autres pays.

Nous fommes fous un Gouvernement apathique, il eft vrai, qui n'excite ni l'émulation, ni l'induftrie; mais je vous vois, vous Monfieur l'Anglois, fous le joug d'un Peuple qui vous entraîne comme il veut, & qui, par fon impétuofité qu'on ne peut contenir, eft exactement Souverain; & je vois les autres Peuples tels que les Polonois, fous l'anarchie, tels que les Ruffes, fous le defpotifme; fans parler des Turcs qui n'ofent rien dire, dans la crainte d'un Sultan qui peut tout ce qu'il veut.

On s'imagine communément, & je ne fais pourquoi, que le Gouvernement Éccléfiaftique eft un fceptre de fer; & quicon

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