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L'ENFANT PRODIGUE.

ELIAB, voisin & ami du pere.
PHARE'S, confident du pere,

MANASSE'S

AZARIAS,

amis du fils aîné.

UN BERGER.

La Scene eft dans un bois voifin de la maifon du pere de famille.

L'ENFANT PRODIGUE.

P

A CTE I

SCENE I.

LE PERE.

HARE's tarde long-temps! cruelle in

certitude!

Helas toûjours en proye à mon inquić-
tude,

Depuis qu'il eft parti, chaque jour je l'attens;
Je compte chaque jour les heures, les inftans,
Rien ne paroît encor, quel defaftre funefte,
Retarde fi long-temps l'efpoir feul qui me reste ?
Je crains tout au milieu de ma juftè douleur,

Un noir preffentiment vient alarmer mon cœur :

Pharés ne revient point? mais non, pourquoi m'en plaindre ?

Je preffe fon retour, & je devrois le craindre.
Peut-être fa lenteur ne fait que reculer

Le recit des malheurs qui doivent m'accabler.
S'il revenoit, helas, que pourroit-il m'apprendre?
Des difgraces, des maux, où je dois trop m'attendre ;
Il viendra m'annoncer, qu'en proye à fes defirs,
Ce malheureux a fait fon Dieu de fes plaifirs,
Que plongé dans le crime, & dans un luxe infame
A des feux criminels il a livré fon ame,
Que dans fes paffions prodigue & déreglé
Il a perdu les biens dont je l'avois comblé;
Mais laiffons cette perte; & quel foin m'inquiéte !
Plût à Dieu que ce fût la feule qu'il eût faite;
Et que dans tous les maux qui me font foûpirer
Pharés ne m'apprit rien de plus trifte à pleurer!
Enfin, à quelque fort que ce recit m'expose,
Qu'il vienne de mon fils m'apprendre quelque chofe,
Ah! fi du précipice on peut le retirer

J'ofe tout entreprendre, & puis tout efperer.
En quelque état qu'il foit, qu'à mes vœux il ferende,
Qu'il revienne, c'eft tout ce que mon cœur demande,

Fut-il nud, dépouillé, fans biens & fans honneur,
Je n'envisage plus en lui que fon malheur.
Malgré fa faute indigne, & malgré fa mifere,
Qu'il revienne, il fera toûjours cher à fon
pere.
Que dis-je ? en quelque lieu qui puiffe le cacher,
J'y veux, j'y veux aller moi-même, & le chercher.
Oui, c'en eft fait ; en vain mon âge & ma foiblesse
S'oppofent au deffein que forme ma tendreffe,

;

J'irai, le fallut-il, au bout de l'univers ;
Et qu'ai-je encore à craindre, helas fi je le perds?
O mon fils? ô fujet de mes tendres allarmes,
Que tu me vas coûter de foûpirs & de larmes !

AR

SCENE II.

LE PERE, ELIA B.

ELIA B.

Rrêtez, c'en eft trop, non je ne puis pour moi, Soûtenir plus long-temps l'état où je vous voi; Et voisins depuis peu dans ce féjour champêtre, Quoique nous commencions à peine à nous connê

tre,

Le fombre & noir chagrin où je vous vois plongé,

Fait qu'à vous fecourir je me crois obligé. Souffrez donc que je parle, & qu'à votre filence, Je faffe à ce fujet un peu de violence.

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Qu'est-ce encor, qu'avez-vous ? ne me le celez point,
Quel malheur fi cruel vous afflige à ce point?
Plus je vous examine, & plus je confidere,
Moins de votre chagrin je perce le myftere:
Tout vous rit, ce me femble, & vous réuffit bien,
Honneurs, fanté, richeffe, il ne vous manque rien;
Ne me direz-vous point le mal qui vous possede ?
Quelque grand qu'il puiffe être, eft-il donc fans re-
mede ?

LE PER E.

Je fuis pere, Eliab, mille foucis cachez

A ce tendre & doux nom font toûjours attachez. ELIA B.

Que dites-vous ? j'ai cru qu'au Ciel, à le bien

dre,

Vous n'aviez fur cela que des graces à rendre,

Et

pren

que ce nom de pere & fi tendre & fi doux, N'avoit rien que d'heureux, & de charmant pour

vous.

Je fçai qu'il eft des fils d'un fâcheux caractere,

Qu'on diroit être nez pour le malheur d'un pere,

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