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Mais, pour expier cet orgueil, une autre loi (1) de l'Académie l'oblige de s'humilier, le jour de fa réception, en face du Public. La veille, il foutenoit, il prouvoit à ses inflexibles Juges qu'ils ne pouvoient, en honneur & en confcience, fe dif- penfer de lui accorder leurs fuffrages. Mais, dès qu'il les a obtenus il ne peut concevoir ce qui les lui a mérités. Il recherche avec inquiétude les caufes de fon adoption; il s'extafie fur la faveur inefpérée dont il jouit. Quelle contradiction entre la pourfuite du brevet d'Immortalité, & la prife de poffeffion! Et dans quel embarras le Récipiendaire ne fe trouve-t il pas pour concilier l'orgueil de fes démarches avec l'humilité dont le rit Académique lui fait une loi pour le jour feulement de fon entrée triomphante.

M.. Vicq-d'Azyr s'eft tiré de ce mauvais pas avec beaucoup d'adrefle.

(1) Car un ufage auffi conftant a force de Loi.

Ge ne font pas les fuccès qu'il a obtenus dans la Littérature, qui l'ont enhardi; mais l'envie qu'il a d'y briller; ce n'eft pas en qualité de maître, mais comme apprentif dans l'art de penfer & d'écrire, qu'il vient frapper à la porte du Temple d'Apollon. "A la faveur » de l'heureux accord qui doit régner » entre les Sciences & les Arts, je » viens vous demander, au nom » des Sociétés Sçavantes, dont j'ai » l'honneur d'être membre, à me » perfectionner dans le grand art de penfer & d'écrire, le premier des Beaux-Arts, & celui dont » vous êtes les arbitres & les modéles ». On n'avoit, jufqu'ici, diftingué que deux claffes d'Académiciens. Les Ho. noraires ou Protecteurs, & les Académiciens Ecrivains, ou paffés maîtres dans l'art d'écrire. Mais, comme celle-ci devient de jour en jour moins nombreuse, il étoit juste de former une troifiéme claffe, celle des apprentifs Ecrivains. Je ne conçois même pas pourquoi ces Sociétés Sçavantes auxquelles M. Vicq-d'Azyr

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a l'honneur d'appartenir, fe contentent d'envoyer un feul député; pourquoi elles ne fe preffent pas de venir en foule dans ce Lycée où font réunis les modéles & les arbitres du premier des Beaux-Arts. Fleurette Académique, louange placée à gros intérêt ! Car déformais M. Vicq-d'Azyr, à fon tour, à toutes les réceptions entendra dire auffi qu'il eft un des arbitres & des modéles du premier des Beaux-Arts. Car c'eft là le refrain de tous les Difcours de réception Académique. C'eft la formule dont on s'eft fervi depuis le temps des Cotins & des Pradons, jufqu'à nos jours; & peut-on fe laffer d'entendre répéter une vérité auffi frappante? N'eft-ce pas dans l'Académie feule qu'on trouve les bons modéles en tout genre? Hors de fon fein, nul efprit, nul goût, nulle délicatefle. Si voulez vous former, ne vous avifez pas de lire ni Molière, ni Regnard, ni les deux Rouffeau, ni Chap-pelle, ni Saint-Réal, ni Saint-Evremont, ni Pafchal, ni Bayle, ni d'Andilly, ni Nicole, ni Rollin, ni

Vertot, ni Prévôt, ni Racine fils, ni Piron, ni, &c. &c. Tous ces gens là n'étoient pas de l'Académie. Gardez-vous même de ce malin Boileau, détracteur du Génie, corrupteur des Beaux-Arts; c'étoit un intrus à qui la violence feule ouvrit les portes du Sanctuaire, & qui depuis a été honni, comme il le méritoit, & prefque rayé de la lifte des Immorrels. Mais prenez en mains votre Cotin, votre Pradon, le Gustave, le Timoléon, le Menzicoff de M. de la Harpe, l'Ariftoméne, la Cléòpâtre, les Héraclides de M. Marmontel, la Veuve du Malabar de M. Le Mière, le Faux Noble de M. de Chabanon, &c. &c. voilà les fources du bon goût; voilà les Auteurs & les Ouvrages qu'il faut lire & relire, méditer nuit & jour; voilà, fans contredit, les arbitres & les modéles du bon goût !

Si vous avez été furpris de l'adoption de M. Vic-d'Azyr à l'Académie-Françoife, c'eft que vous ignoriez « que les occupations des au» tres Compagnies qui l'ont reçu

» dans leur fein " quelque éloignées qu'elles paroiflent de celles de l'Académie-Françoife, s'en rap» prochent, en plufieurs points, par

» leurs études». Certainement. L'une travaille fur le corps; l'autre parle à l'efprit & au cœur. L'une eft occupée à connoître & à guérir les ma, ladies du corps; l'autre à fonder les replis du cœur & les plaies de l'âme. L'une à toujours le fcalpel, & l'autre la plume à la main. La Mafe des Sciences eft froi le, dédaigneule, fé-· che, aride, ennemie des ornemens & de la parure. Celle des Beaux-Arts et vive, légère, ornée de rubans & de dentelles. Peut-on voir une plus parfaite reflemblance?

Auffi M. Vicq-d'Azyr eft perfuadé que même les fameux Médecins qui n'ont jamais rien écrit en françois, mais qui ont contribué, par leurs veilles, à conferver, dans toute leur pureté, les langues éloquentes de la Grèce & de l'Italie devoient être admis dans le Sanctuaire de l'Académie - Françoise.

Il eft malheureux que l'Académie

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