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compte du ton des pamphlets de cette époque, dans une Apologie particulière pour monsieur le duc de Longueville 1. L'auteur anonyme, qui se prétend Breton, d'autres disent Normand 2, après un pompeux éloge du sieur Baudry, ajoute : « On lui a donné un successeur qui sait fort bien faire des vers pour le théâtre, mais qu'on dit être assez mal habile pour manier de grandes affaires. Bref, il faut qu'il soit ennemi du peuple, puisqu'il est pensionnaire de Mazarin (49). »

Peu absorbé par la politique, à son essai de tragé– die à machines, à Andromède, Corneille avait fait succéderimédiatement un poëme d'une espèce également nouvelle en France, Don Sanche d'Aragon, comédie héroïque (50). «Voici, dit-il dans la dédicace de cette pièce, adressée à M. de Zuylichem, voici un poëme....... qui n'a point d'exemple chez les anciens. Vous connaissez l'humeur de nos Français : ils aiment la nouveauté, et je hasarde non tam meliora quam nova, sur l'espérance de les mieux divertir. » Cette tentative, quoique beaucoup moins bien reçue, servit mieux que la précédente la véritable gloire de son auteur. Si quelques tragi-comédies avaient déjà pu donner une idée de cette sorte de drames espagnols, on n'avait ren

1 Apologie particulière pour monsieur le duc de Longueville, où il est traité des services que sa maison et sa personne ont rendus à l'État, tant pour la guerre que pour la paix, avec la réponse aux imputations calomnieuses de ses ennemis, par un gentilhomme breton, Amsterdam, 1650, in-4°.

2 Désaveu du libelle intitulé: APOLOGIE PARTICULIÈRE DE M. LE DUC DE LONGUEVILLE. 1651, in-4°.

contré dans aucune l'éclat dont cette comédie brille, et le mouvement qui l'anime. Corneille eut de son vivant la satisfaction de voir Molière suivre ses traces dans cette nouvelle voie avec ses Amants magnifiques.

En parlant de l'accueil que reçut Don Sanche à son apparition, nous aurions dû dire que le public se montra d'abord très-favorable, et lui prodigua ses applaudissements; mais « le refus d'un illustre suffrage les dissipa, et anéantit si bien tous les arrêts que Paris et le reste de la cour avaient prononcés en sa faveur, qu'au bout de quelque temps elle se trouva reléguée dans les provinces, où, ajoute Corneille, elle conserve encore son premier lustre 1. »

On a crutrouver dans les événements contemporains la cause de la haute désapprobation dont parle Corneille. « Alors, a-t-on dit, on avait à Paris la guerre de la Fronde; et l'on voyait en même temps briller à Londres un homme né obscur, prêt à mettre son titre de milord-protecteur au-dessus de celui des rois. On ne crut pas devoir encourager de tels exemples; et don Sanche, fils d'un pêcheur, ou cru tel dans la pièce, parut ressembler beaucoup trop à ce fils d'un brasseur de bière devant qui tombaient ou pliaient les têtes couronnées. Cromwell tua don Sanche 2. »

Cette explication offre assez de vraisemblance; mais il y en a beaucoup moins dans l'assertion d'un ancien éditeur de Corneille, répétée par presque tous ceux qui

1 Examen de Don Sanche. Corneille écrivait ceci dix ans après. 2 L'Esprit du grand Corneille, p. 190.

l'ont suivi. Selon lui, le « suffrage illustre », qui a manqué à Don Sanche, ce n'est point, comme on le pourrait croire, celui de la reine, ou même de Mazarin, nécessairement jaloux de faire respecter les droits de la royauté, ce serait celui du grand Condé1. Or, ce prince, arrêté par ordre de la cour, le 18 janvier 1650, passa, comme on sait, treize mois dans les prisons de Vincennes, de Marcoussy et du Havre. Il lui était alors, on le comprend facilement, impossible de témoigner sa satisfaction ou son improbation à la représentation d'une pièce de théâtre, et quand les portes de son cachot s'ouvrirent, à la fin de février 1651, il dut peu songer à prendre contre Don Sanche le parti de ses geôliers. D'ailleurs comment admettre que, par bravade, Corneille fût venu déclarer qu'un illustre suffrage, auquel il se montrait tenir particulièrement, lui faisait défaut, et que par là il voulût désigner, à ses risques et périls, le prisonnier de Vincennes? D'un autre côté, quand il disait :

Lorsque le déshonneur souille l'obéissance,

Les rois devraient douter de leur toute-puissance;

Qui le hasarde alors est sûr d'en abuser,

Et qui veut tout prévoir ne doit pas tout oser.

Ces vers étaient applaudis avec enthousiasme, et nous ne pensons pas qu'ils aient pu déplaire au prince de Condé, chez lequel l'obéissance était alors loin

1 Avertissement (par Jolly) du Théâtre de P. Corneille, édit. de 1738, p.lj.

d'être irréfléchie. Dans le siècle suivant ils furent retranchés à la scène. Sans doute quelque censeur officieux aura trouvé dans cette sage maxime, dont les rois ne sauraient trop se pénétrer, une atteinte à l'autorité souveraine; Pibrac avait dit aussi :

Je hais ces mots de puissance absolue,

De plein pouvoir, de premier mouvement ;
Aux saints décrets ils ont premièrement
Puis à nos lois la puissance tollue,

et ces vers, faisant suspecter le dévouement de celui qui, soudoyé par Catherine de Médicis, avait osé imprimer une apologie de la Saint-Barthélemi, l'écartèrent de la place de chancelier. Corneille, qui n'avait ⚫ pas de semblables titres aux yeux des hommes de cour, ne devait pas s'attendre à plus de ménagements. Pentêtre bien le sieur Baudry va-t-il être aidé par ces vers de son successeur à reprendre sa place.

Au milieu des brusques secousses que la guerre de la Fronde communiquait à l'État, il éclata dans la république des lettres un des grands troubles qui l'aient jamais agitée. Que saint Jérôme et saint Augustin eussent occasionné des séditions jusque dans les temples en soutenant l'un contre l'autre que la plante dont l'ombre causa tant de joie à Jonas était, suivant l'un, une courge, suivant l'autre, du lierre; que Scaliger et Cardan se fussent déjà disputés pour savoir si un che

1 OEuvres de D'Alembert, notes sur l'Éloge de Campistron, t. II, p. 582, de l'édit. de Belin, 1821.

vreau avait autant de poils qu'un bouc; que la prononciation de la lettre q eût soulevé mille fureurs, et que la Sorbonne eût cru devoir dépouiller un homme d'un bénéfice parce qu'il avait commis le sacrilége de prononcer quisquis et quamquam au lieu de kiskis et kamkam, comme on l'avait décidé, jamais ces grandes questions n'avaient cependant compté autant de partisans, n'avaient armé autant de forces rivales, que la guerre des Uranins et des Jobelins'.

Le prince de Conti et la duchesse de Longueville, entre qui s'était élevée la querelle, figuraient à la tête des deux partis opposés ; et s'il était besoin de prouver que chacun ne combattit que pour sa croyance consciencieuse, nous dirions que le frère, tout difforme qu'il était, vit de fort jolies femmes se ranger sous ses drapeaux, et que la sœur, si peu cruelle, ne compta pas sous les siens tous les jeunes hommes de la ville et de la cour.

Voiture et Benserade, souls poëtes avec Corneille que l'on regardât alors comme originaux, avaient fait, l'un un sonnet à une dame, sous le nom d'Uranie, l'autre un sonnet pour servir d'envoi à une paraphrase du livre de Job. Le prince de Conti préférait ce dernier; le premier avait su plaire davantage à madame de Longueville : de là un démêlé dans lequel il fallait

1 Voir l'Histoire de la guerre des Uranins et des Jobelins, t. I, p. 116 et suiv. des Mémoires de littérature (par Sallengre); La Haye, 1715.

2 Discours touchant la vie de M. de Benserade (par Tallemant), en tête du t. I de ses OEuvres; Paris, 1697.

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