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lait qu'on lui dît: Qui? vous? et au lieu de cela il lui dit : « Mais que blâmez-vous à sa politique? Baillez-le moi mort, baillez-le moi mort, et je vous le dirai. » Si cette anecdote prouve, ainsi que plusieurs autres, l'amour-propre de M. de Rouen, elle fait connaître aussi la terreur qu'inspirait le cardinal.

(17) Voici ce que rapporte l'abbé de Marolles (Mémoires, édit. in-12, tome I, p. 235 et suiv.), au sujet de la représentation de Mirame, à laquelle il assistait : « Il y eut aussi cette même année force magnificences dans le Palais-Cardinal pour la grande comédie de Mirame, qui fut représentée devant le roi et la reine, avec des machines qui faisaient lever le soleil et la lune, et paraître la mer dans l'éloignement, chargée de vaisseaux. On n'y entrait que par billets, et ces billets n'étaient donnés qu'à ceux qui se trouvèrent marqués sur le mémoire de Son Eminence, chacun selon sa condition car il y en avait pour les dames, pour les seigneurs, pour les ambassadeurs, pour les prélats, pour les officiers de la justice et pour les gens de guerre. Je me trouvai du nombre entre les ecclésiastiques, et je la vis commodément; mais, pour en dire la vérité, je n'en trouvai pas l'action beaucoup meilleure pour toutes ces belles machines et grandes perspectives. Les yeux se lassent bientôt de cela, et l'esprit de ceux qui s'y connaissent n'est guère plus satisfait. Le principal des comédies, à mon avis, est le récit des bons acteurs, l'invention du poëte et les beaux vers... Si je ne me trompe, cette pièce ne réussit pas si bien que quelques autres de celui qui l'avait composée auxquelles on n'avait pas apporté tant d'appareil.

<< M. de Valençay, alors évêque de Chartres, et qui fut bientôt après archevêque de Rheims, aidant à faire les honneurs de la maison, parut en habit court sur la fin de l'action, et descendit de dessus le théâtre pour présenter la collation à la reine, ayant à sa suite plusieurs officiers, qui portaient

vingt bassins de vermeil doré, chargés de citrons doux et de confitures; ensuite de quoi les toiles du théâtre s'ouvrirent pour faire paraître une grande salle, où se tint le bal, quand la reine y eut pris place sous le haut dais. Son Éminence, un pas derrière elle, avait un manteau long de taffetas couleur de feu, sur une simarre de petite étoffe noire, ayant le collet et le rebord d'en bas fourré d'hermine; et le roi se retira aussitôt que la comédie fut finie.

« Je ne sais s'il m'échappa de dire quelque chose de l'emploi de M. de Chartres; mais quelque temps après, lorsqu'au même lieu on dansa le ballet de la Prospérité des armes de la France...., comme ce prélat, qui était capable de tout ce qu'il voulait, se donnant la peine, avec M. d'Auxerre, de faire les honneurs de la salle, m'eut dit que cette journée-là il ne présenterait pas la collation, je lui répondis qu'il ferait toujours bien toutes choses, et me fit civilité; de sorte que je vis encore ce ballet commodément, où il y avait des places pour les évêques, pour les abbés, et même pour les confesseurs et pour les aumôniers de M. le cardinal. Les nôtres se trouvèrent à deux loges de celles qui furent occupées par Jean de Werth et Ekenfort, que l'on avait fait venir exprès du bois de Vincennes, où ils étaient prisonniers. » C'est sans doute cette représentation qui fit faire à Jean de Werth la réflexion que nous avons rapportée page 159.

« J'ai ouï dire, dit Fontenelle, que les applaudissements que l'on donnait à cette pièce, ou plutôt à celui que l'on sa vait y prendre beaucoup d'intérêt, transportaient le cardinal hors de lui-même; que tantôt il se levait et se tirait à moitié du corps hors de sa loge pour se montrer à l'assemblée ; tantôt il imposait silence pour faire entendre des endroits encore plus beaux.» (Vie de Corneille, p. 339.)

(18) Les frères Parfait, t. V, p. 426, de leur Histoire du Théâtre français, assignent la date de 1638 à l'Aveugle de

Smyrne; mais on doit s'en rapporter à une note de la page 97 du même volume, où ils donnent la date précisée du 22 février 1637, que confirme d'ailleurs officiellement l'article de la Gazette du 28 février 1637, qu'on a lu précédemment page 62. Quant à la Grande Pastorale, qui est à peu près du même temps, on ignore la date précise de sa représentation.

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Dans son travail si complet sur les OEuvres de Corneille, M. Marty-Laveaux, t. II, p. 307, nous paraît induit en erreur par une observation faite par M. Ch. Livet, t. I, p. 84 note, dans la très-bonne édition que ce dernier a donnée (en 1858, chez Didier) de l'Histoire de l'Académie française par Pellisson et D'Olivet. M. Livet se borne à faire remarquer que, bien que le titre de l'Aveugle de Smyrne, imprimé en juin 1638, porte: Tragicomédie par les CINQ-Auteurs, l'avis Au Lecteur dit : « Vous pourrez juger de ce que vaut cet ouvrage, soit par l'excellence de sa matière, soit par la forme que lui ont donnée QUATRE célèbres esprits. M. Marty-Laveaux en conclut que le titre a dû dire cinq par habitude; que l'avis a seul raison, et que Corneille, contrairement à ce que dit ce titre et à ce que tout le monde a tou. jours dit, n'a pas coopéré à l'Aveugle de Smyrne. Pour nous, nous croyons à l'assertion du titre; nous croyons à la constante et unanime tradition; nous croyons que Corneille se sera tenu à l'écart quand la pièce, faite depuis longtemps, dut être montée, mise à la scène et peut-être remaniée à cette occasion par ses collaborateurs, en février 1637, époque précisément où l'orage contre le Cid commençait à gronder. L'éditeur, qui n'était autre que l'académicien Baudoin, aura cru pouvoir dire et il était sûr de plaire au cardinal en disant: « La forme que lui ont donnée quatre célèbres esprits. Richelieu aura été satisfait de ces quatre génies en cinq per

sonnes.

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(19) Boisrobert, né à Caen, vers 1592, fils d'un avocat,

porta lui-même quelque temps ce titre; mais, ayant reçu du pape Urbain VIII un prieuré en Bretagne, il prit la soutane, entra dans les ordres, et fut ensuite pourvu d'un canonicat à Rouen. Sa réputation de plaisant lui ayant fait avoir accès auprès de Richelieu, il sut si bien s'emparer de l'esprit du cardinal qu'il lui devint indispensable. Le médecin de l'Éminence lui disait : « Monseigneur, nous ferons tout ce que nous pourrons pour votre santé; mais toutes nos drogues seront inutiles, si vous n'y mêlez un ou deux dragmes de Boisrobert. Quelques nuages suivis d'un exil vinrent interrompre l'union de l'abbé et de son cardinal; mais le premier sut bientôt rentrer en grâce. Il poussa son protecteur à fonder l'Académie, et fut un de ses premiers membres, ce qui ne l'empêcha point de s'égayer aux dépens de cette compagnie sur la lenteur qu'elle mettait dans la rédaction du Dictionnaire. Il dit dans une de ses épîtres :

Depuis six mois dessus l'F on travaille,
Et le Destin m'aurait fort obligé

S'il m'avait dit: Tu vivras jusqu'au G.

Richelieu étant mort, il fut une seconde fois exilé de la cour pour avoir souvent juré le nom de Dieu en perdant son argent contre les nièces du cardinal Mazarin. Cet ecclésiastique aimait avec fureur le jeu et la table; nous voudrions, pour son honneur, pouvoir encore ajouter et les femmes ; malheureusement, il fut violemment soupçonné d'un goût contraire. Il déclamait fort bien, et était passionné pour la comédie, ce qui lui valut le sobriquet d'Abbé Mondory. Un jour qu'il revenait à pied du théâtre de l'hôtel de Bourgogne, parce qu'on lui avait pris sa voiture pendant qu'il y était, un de ses amis lui dit : « Quoi! monsieur, à la porte de votre cathédrale ! ah! l'affront n'est pas supportable! » Boisrobert mourut le 30 mars 1662. (Biographie universelle.)

Colletet (Guillaume), père de François Colletet, auquel Boileau a si durement reproché de mendier son pain de cuisine en cuisine, né le 12 mars 1598, à l'exemple de Boisrobert, commença comme Corneille, mais ne finit pas comme lui; c'est-à-dire qu'il se fit recevoir avocat, et devint ensuite détestable poëte. C'est le cardinal de Richelieu qui le détermina à travailler pour le théâtre; il le nomma académicien dès le principe. Colletet, enclin, comme dit Ménage dans son langage pédantesque, aux amours ancillaires, épousa successivement trois de ses servantes, et affectionna particulièrement la troisième, qui se nommait Claudine. Il ne tint pas à lui qu'elle ne passât pour un miracle de beauté et pour une dixième muse : il composait sous son nom des vers qu'elle venait réciter à table avec assez d'agrément; et, voulant lui assurer la réputation de bel-esprit qu'il lui avait faite, il poussa la précaution au point de composer, peu avant de mourir, une pièce par laquelle elle était supposée faire ses adieux aux Muses. Claudine ayant tenu trop exactement parole, on se douta de la ruse; ceux qui l'avaient le plus admirée furent entièrement désabusés. La Fontaine, qui en avait été épris, ouvrit les yeux comme les autres, et, dans son dépit, composa contre elle des stances satiriques qui commencent ainsi :

Les oracles ont cessé,

Colletet est trépassé.

Dès qu'il eut la bouche close,

Sa femme ne dit plus rien.

Elle enterra vers et prose

Avec le pauvre chrétien.

Colletet mourut le 11 février 1659, dans un tel état de dé; nûment, que ses amis se cotisèrent pour subvenir aux frais de son service. (Biographie universelle. Histoire de la

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