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vertissement de sa pièce : « Cette tragédie a plu assez au roi pour me faire recevoir de véritables et solides marques de son approbation ; je veux dire ses libéralités, que j'ose nommer des ordres tacites, mais pressants, de consacrer aux divertissements de Sa Majesté ce que l'âge et les vieux travaux m'ont laissé d'esprit et de vigueur (12). »

A la ville, le succès fut tel, que tout Paris voulut aller à l'hôtel de Bourgogne, même la femme du lieutenant criminel Tardieu, couple qu'ont illustré son avarice, sa mort lamentable et la satire de Boileau. Tallemant nous apprend comment elle sut s'y faire conduire par un plaideur : « M. l'évêque de Rennes, frère aîné du maréchal de La Mothe, alla en 1659, au mois de janvier, pour parler au lieutenant criminel; sa femme vint ouvrir, qui lui dit que le lieutenant criminel n'y était pas, mais que, s'il voulait faire plaisir à madame, il la mènerait jusqu'à l'hôtel de Bourgogne, où elle voulait aller voir l'OEdipe de Corneille. Il n'osa refuser, et, la prenant pour une servante, il lui dit : Bien. Allez donc avertir madame. >> Elle s'ajusta un peu et puis revint. Lui lui disait : «Mais madame ne veut-elle point venir? » Enfin elle fut contrainte de lui dire que c'était elle. Il la mena, mais en enrageant . »

Quand Corneille publia Andromède, en 1651, il dit à la fin de son argument: « Je confesse ingénûment

Historiettes, 2e édit., t. V, p. 54.

que, quelque effort d'imagination que j'aie fait depuis, je n'ai pu découvrir encore un sujet capable de tant d'ornements extérieurs, et où les machines pussent être distribuées avec tant de justesse; je n'en désespère pas toutefois, et peut-être que le temps en fera éclater quelque autre assez brillant et assez heureux pour me faire dédire de ce que j'avance. »>

Un passage de Tallemant nous fait voir qu'après le succès d'OEdipe Corneille trouva la confiance de pouvoir faire mieux qu'Andromède. Dans son Historiette des

Extravagants, visionnaires, fantasques, bizarres, etc. », Tallemant raconte ainsi les folies du marquis de Sourdéac, auquel on dut depuis, en France, l'établissement de l'Opéra. « Il a, dit-il, de l'inclination aux mécaniques; il travaille de la main admirablement il n'y a pas un meilleur serrurier au monde. Il lui a pris une fantaisie de faire jouer chez lui une comédie en musique, et pour cela il a fait faire une salle qui lui coûte au moins dix mille écus. Tout ce qu'il faut pour le théâtre et pour les siéges et les galeries, s'il ne travaillait lui-même, lui reviendrait, dit-on, à plus de deux fois autant. Il avait pour cela fait faire une pièce par Corneille : elle s'appelle les Amours de Médée; mais ils n'ont pu convenir de prix 1. »

Quelle que fût la cause réelle du désaccord, toujours est-il qu'une grande circonstance le fit cesser peu

1 Historiettes, 2e édit., p. 193 et 194.

après que Tallemant écrivait ceci. Le mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse, fille aînée de Philippe IV, ayant été arrêté, et la paix avec l'Espagne étant le premier et heureux effet de cet hymen projeté, M. de Sourdéac et Corneille s'entendirent pour fêter ce double événement. Nous laissons un contemporain rendre compte de cette solennité : « On se souviendra longtemps de la magnificence avec laquelle cemarquis donna une grande fête, dans son château de Neubourg (en Normandie), en réjouissance de l'heureux mariage de Sa Majesté et de la paix qu'il lui avait plu donner à ses peuples. La tragédie de la Toison d'or, mêlée de musique et de superbes spectacles, fut faite exprès pour cela. Il fit venir à Neubourg les comédiens du Marais, qui l'y représentèrent plusieurs fois en présence de plus de soixante des plus considérables personnes de la province, qui furent logées dans le château et régalées pendant huit jours avec toute la propreté et l'abondance imaginables. Cela se fit au commencement de l'hiver de l'année 1660, et ensuite M. le marquis de Sourdéac donna aux comédiens toutes les machines et toutes les décorations qui avaient servi à ce grand spectacle .» Nous les verrons bientôt en tirer bon parti.

Si Corneille, dans l'intérêt du succès d'OEdipe, avait donné cette tragédie à la troupe royale, aux grands comédiens du roi, comme on appelait alors les ac

Mercure galant, par De Visé, mai 1695, p. 222 et 223:

teurs de l'hôtel de Bourgogne; si la Toison d'Or venait de le mettre de nouveau en rapport avec ceux du Marais, qui montaient avec un grand soin les pièces à machines, il n'avait cependant pas oublié la troupe de Molière. Le 25 juin 1660, les comédiens de MONSIEUR avaient repris les Amours de Diane et d'Endymion de Gilbert'. Corneille sans doute assista à cette reprise, car la cinquième partie du Recueil de Sercy, dont l'achevé d'imprimer est du 18 août, renfermait de lui le madrigal suivant, Pour une dame qui représentait la Nuit en la comédie d'ENDYMION:

Si la Lune et la Nuit sont bien représentées,
Endymion n'était qu'un sot;

Il devait, dès le premier mot,
Renvoyer à leur ciel les cornes argentées.
Ténébreuse déesse, un œil bien éclairé
Dans tes obscurités eût cherché sa fortune,
Et je n'en connais point qui n'eût tôt préféré
Les ombres de la Nuit aux clartés de la Lune.

Cela veut dire que mademoiselle Du Parc avait représenté la Nuit, confidente de Diane ou la Lune; que ce dernier personnage avait eu pour interprète une beauté beaucoup plus mûre, Madeleine Béjart, sans doute, et aussi que les charmes de la Marquise avaient toujours la même séduction pour lui.

Si nous avions à déterminer dans la carrière de Cor

1 Registre de La Grange, Archives de la Comédie française. 2 Page 82.

neille, non pas assurément l'époque de ses triomphes le plus mérités, mais le moment où sa gloire arriva à être le moins contestée, c'est celui-ci que nous croirions devoir fixer. Sa longue retraite avait désarmé les cabales des auteurs et l'envie des critiques; ses nouveaux succès n'avaient encore réveillé aucune jalousie bien vive. Aussi voyons-nous Somaize, dans ses Véritables Précieuses, ayant à citer les auteurs du théâtre dont la voix publique parle le plus haut, ajouter : « Corneille l'aîné tient seul cette place » ; et la Pompe funèbre de M. Scarron, montrant tous les poëtes dramatiques se disputant les rangs entre eux, faire prendre la parole par tous, « excepté monsieur de Corneille l'aîné, à qui chacun donne sa voix 2. »

I

La troupe du Marais se mit en mesure de satisfaire la curiosité des Parisiens, excitée par les récits de la pompe scénique dont le château du Neubourg avait été le théâtre. La Muse historique de Loret du 1er janvier 1661 annonçait, dans des vers de cette poésie qui lui est propre, que

Les comédiens du Marest

Font un inconcevable apprest

Pour jouer, comme une merveille,

Le Jason de monsieur Corneille.

Le même gazetier nous apprend, dans sa feuille du

Les Véritables Précieuses, comédie en un acte, en prose. Paris, 1660, in-12.

La Pompe funèbre de M. Scarron, p. 14, imprimée à la suite de le Burlesque malade, ou les Colporteurs affligés. Paris, 1660, in-12.

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