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CHAPITRE III.

Divifion des Jardins.

LAISSONS

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AISSONS à la Philofophie le foin de rechercher & de fixer ces principes fondamentaux qui éclairent l'efprit humain, & le guident d'un pas ferme dans fa marche incertaine & lente; elle feule à l'aide de l'analyfe & de la Logique peut affeoir, fur une bafe folide & durable, l'édifice des fciences & des arts. Contentons-nous de préfenter quelques réflexions fur l'art des Jardins, & faifons voir, qu'ainsi que tous les autres il a fes loix & fes regles. Dans les nouvelles routes qu'il vient de s'ouvrir, encore vacillant fur ses véritables principes, il flotte au · gré du caprice & de la fantaisie. Ce font cependant les principes qui pofent les bornes au-delà defquelles toute production devient licence; ce font les re

gles qui, fervant de point d'appui, facilitent l'étude, hâtent les progrès, préviennent les écarts. Envain l'on objecteroit que les regles, dans les arts de goût, donnent des entraves à l'Artiste qui les fuit; l'homme de génié faura bien les faire plier, & même les franchir au befoin: il les foumettra fans peine à fes fublimes productions, & dans les fentiers fi peu frayés de l'art des Jardins, elles feront au moins pour les autres le fil qui les conduira jufqu'à ce que le temps & l'expérience, qui épurent le goût & perfectionnent les connoiffances humaines, les confirment ou les rejettent.

Un terrein fertile, des eaux claires & limpides, une prairie émaillée de fleurs, l'ombrage des bois, un air pur furent fans doute les objets qui charmerent les hommes & fixerent leur premiere attention. Mais la Nature ne réunit prefque jamais, dans un même lieu, toutes fes beautés & tous fes agrémens; elle n'af

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fortit pas toujours les effets qu'elle nous présente de la maniere la plus heureufe & la plus intéreffante; c'eft à les rapprocher & à les mettre fous l'afpect le plus favorable; c'est à fe les approprier enfin que s'appliquerent ceux qui furent sensibles à fes charmes. Tels étoient, à ce qu'on nous dit, les principes fur lefquels les Jardins d'Alcinous furent faits, & tels feroient encore les nôtres peut-être, si l'inégalité des fortunes & la différence des rangs n'avoient étendu leur influence jusque fur les chofes qui en font le moins fusceptibles. Sans doute que les beautés de la Nature, dont la jouiffance appartient à tous, cefferent, par cela même, de plaire à des hommes trop préoccupés de leur fupériorité ou de leur opulence; fans doute que l'habitude de les voir ou la néceffité de les partager avec le commun des hommes les leur rendirent infipides. Alors il leur fallut des Jardins factices, des beautés artifi

cielles & de convention; ils voulurent, à force de dépense & de rafinement, s'en procurer qui n'appartinffent qu'à eux, & auxquels le vulgaire ne pût atteindre. J'admettrai donc ces diftinctions de l'ordre focial qui tiennent irrévocablement à la conftitution actuelle, & je m'y conformerai dans ma divifion des Jardins, en tâchant cependant de m'écarter le moins poffible de la Nature, ce modèle invariable du bon goût, auquel un charme irrésistible ramene tous les hommes, quel que foit la force de leurs préjugés.

Le puissant, le riche, le simple citoyen & l'homme de goût, ayant des ufages, des mœurs, des manieres de voir, &, j'oferois même dire, des fenfations différentes, ces différences en mettent nécessairemenr dans leurs jouiffances. Chaque claffe a fa tournure particuliere; fes goûts, fes habitudes font foumis à fes moyens & à d'autres causes,

dont la difcution eft ici peu néceffaire. Les hommes conftitués en dignités ont de grandes poffeffions, des droits, des feigneuries, des vaffaux; pour manifef ter leur grandeur & leur puiffance, il leur faut des châteaux & des parcs. Celui pour qui un domaine aux champs est un objet d'utilité & de revenu fe contente d'avoir des fermes & de la culture. Ceux qui ont les richeffes en partage veulent fe diftinguer par l'élégance & le faste; ils appellent à eux les arts propres à embellir leurs poffeffions; le luxe de ces arts, qui néceffite les foins, les recherches, annonce & confomme leur fuperflu. C'eft pour eux qu'on a inventé le Jardin proprement dit & la maifon de plaifance. L'homme de goût, négligeant toutes ces distinctions, defirant ramener les Jardins à leur premier origine, cherche à raffembler autour de lui les beaux effets de la Nature, & à les combiner avec toutes les richeffes de la campagne;

il

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