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dépit du goût on a donné à tous ces accidens des proportions arbitraires; on a fait des imitations fans vraisemblance on a cru faire des prodiges, en chargeant les tableaux d'objets difparates, comme si c'étoit un moyen de rendre la Nature; peut-être même s'eft-on flatté de l'embellir; & tout cela n'a produit que de dégoûtantes & couteufes puérilités. De ces obfervations il réfulte que toute imitation préfentée comme telle n'appartient pas à l'art des Jardins; avec elle on fera une décoration, un fpectacle, tout ce qu'on voudra, excepté un Jardin.

On ne revient à la fimplicité de la Nature qu'après avoir épuisé toutes les combinaisons, comme on n'arrive au vrai qu'après avoir parcouru un long cercle d'erreurs : telle eft la marche de l'efprit humain. Les Jardins de genre ont été, partout où la réformation dans cet art s'eft opérée, partout où la révolution a eu lieu, le premier pas dans

la nouvelle carriere qu'on s'eft ouverte. L'art des Jardins dans ces premiers momens ressemble à une terre neuve qui produit abondamment, mais qui ne donne d'abord que des plantes fauvages des herbes groffieres; c'est aux vrais Artistes à la cultiver, c'est au temps à l'amender. Le goût qui perfectionne, les bons ouvrages qui hâtent les progrès, en fournissant de bons modeles, nous rameneront le bon genre; ils détermineront la marche qu'il faut fuivre & fixeront les principes encore incertains de

ce bel art.

de

Mais je prévois beaucoup d'obstacles à fon avancement. On croit communément qu'il n'eft rien de fi fimple que faire la Nature; que rien n'eft fi aifé que de compofer un Jardin; il eft peu de gens qui ne fe croient en état de le diriger, ou tout au moins de donner de bons confeils. D'après cette opinion, on néglige les lumieres de l'Artiste, ou s'il

eft confulté, fes projets ne font pas fuivis, ils ne font exécutés qu'en partie; on les tronque, on les mutile, on les décompofe, & on le défefpere. Quel est Partiste qui n'a jamais éprouvé de contradiction? le puiffant, qui devroit le protéger, lui en impofe & met des entraves à son génie ; le riche l'affervit à ses fantaifies, & bien loin de concourir à la perfection de l'art par fon opulence, elle lui fert de moyen pour le corrompre; le demi-favant, le pire de tous, lui fait effuyer d'humilians dégoûts : abufé par de médiocres connoiffances, enorgueilli par de petits fuccès, il dédaigne fes confeils; il ne fe doute pas que les erreurs mêmes d'un Artiste exercé valent mieux que fes prétendus chefs-d'œuvre. En un mot chacun, se croyant capable, tous veulent réaliser leurs idées, ou plutôt les rêves extravagans de leur imagination; delà ces productions ridicules, bizarres, monftrueufes quelquefois, qu'on

voit éclore de toutes parts; delà ces imitations fans vraisemblace & fans illufion; delà enfin ces Jardins fans principes, fans caractere, dénués d'expreffion & d'intérêt, où l'on a tout confondu, les genres & les efpeces, le naturel & le factice. N'eft-il pas à craindre que ces exemples d'un genre fi frivole, si opposé au bon goût, en se multipliant impunément fous les yeux d'une Nation éclairée à la vérité, mais amoureuse de nouveauté, ne prolongent l'enfance d'un art qui n'eft encore qu'au berceau ?

FIN.

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TABLE

DES MATIERE S.

CHAPITRE I.

Des Jardins fymmétriques.

CHAPITRE II.

Du fpectacle de la Nature & des avan-

tages de la campagne.

CHAPITRE III.

23

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