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L'UTILITE

des Voyages par rapport aux Peintures anciennes & aux

Bas-Reliefs.

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UE n'apprendroit-on pas, Monfieur, dans les Peintures anciennes fi elles s'étoient pû conferver jufqu'à nous; puifque nous admirons tant de chofes dans les Mofaïques & les Bas-Reliefs, qui en font comme des copies. Quels merveilleux effets n'ont point caufé l'excellence des premieres & la fcience des Ouvriers ? N'ont-elles pas transformé le culte des peuples, comme je le difois tantôt; n'ont-elles pas attiré la venera+ tion de tout un Empire pour des cho- fes à qui elle n'étoit pas dûe naturellement ? Ces ouvrages ont merité des échanges avec des Villes ; ils ont arrêté des Conquêtes, & vaincu l'Antipathie des Rivaux, jufqu'à voir un amour récompenfé par un Rival même. C'eft d'Alexandre que je veux parler ici. Il donna la plus belle de fes Maîtreffes à Apelles, qui en étoit

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devenu amoureux. Le Senat & le Peuple Romain, dit Pline, * regarda avec refpect pendant plufieurs fiecles Glaucion & Ariftipe fon fils, parce qu'ils étoient peints de la main de Philochare. En quoi il admire la puiffance de cet art, qui attira fi longtems fur des gens de rien, des regards fi glorieux. Auffi Monfieur Petit dit-il dans cette Differtation de la Fureur Poëtique qui paroît depuis quelque-tems, que les Anciens attribuoient à une fureur divine, à un entoufiafme, les Ouvrages des grands Maîtres. Ce qu'il juftifie par un endroit de Plutarque, où cet Auteur dit, S qu'un certain Tableau d'Euphranor, qui reprefentoit la Bataille de Mantinée contre Epaminondas,

n'avoit

* Immenfa vel unam, fi quis tantùm hanc tabulam aftimet, potentia artis, cùm propter Philocharem ignobiliffimos alioquin Glaucionem filiumque ejus Ariftippum, Senatus populusque Ro manus tot fæculis fpe&tet. Lib. 35. 6. 4.

§ Quamobrem & laudata opera magnorum opificum tabulas feilicet & fimulachra non fine furore divino perfectæ dicebant, ut Plutarchus tabulam quamdam Euphranoris pictoris in lib. de Athenienfum praftantia, γέγραφε δε κ τὴν ἐν Μαγω τινεία προς Επαμινώνδας ἱππομαχίαν, ἐκ ἀνενθουσιασῶς Pinxit verò & pugnam equef trem qua ad Mantineam conflictum eft contra Epa minondam non fine afatu divino,

n'avoit pas été peint fans fureur di

vine.

Et ces idées qu'ils en avoient leur infpiroient de merveilleux égards. pour les Ouvrages de cet art. Demetrius Poliercetes, ou le Preneur de Villes, n'eut-il pas un refpect fur-prenant pour cet art, & pour ceux qui y excello ent., Il abandonna le fiege de Rhodes, parce que Protogenes travailloit à cet illuftre Tableau du He-ros de Jalyffus, au feul endroit par où on pouvoit prendre la Ville. Le Prince n'admira pas moins l'appli cation qu'il avoit à fon ouvrage, pendant le trouble, qu'il eut de complaifance pour la flâteufe & fpirituelle réponse que ce Peintre lui fit, lorfqu'il lui en demanda la raifon.

Le fçavant & agreable Auteur des Entretiens fur la vie & les ouvrages des Peintres, rapporte un exemple prefque femblable à celui de Protogenes, c'eft le Mazzuoli de Parme. Ce Peintre n'avoit que vingt-trois ans, & quelque réputation dans Rome, lorf que Charles- Quint la prit. Cependant malgré les horribles defordres & le bruit affreux que font les Victo

rieux

t

rieux & les Vaincus dans une Ville abandonnée, ce jeune homme travallloit avec une fi grande tranquillité, que les Allemans qui le trouverent en furent furpris comme d'un prodige. Ils n'épargnerent pas feulement fa perfonne & fes ouvrages, mais ils le défendirent & le protégerent autant qu'ils pûrent contre les autres. Il y eut encore des Rois qui offrirent d'acquiter les dettes immenfes d'une Province pour un Tableau. Et j'ai lu quelque-part qu'on quitta la poffeflion de plufieurs Villes, pour acquerir celle d'une feule Pein

ture.

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Les Mofaiques & les Bas-Reliefs ont fans doute été copiez fur ces divins modéles; & peut-être que fi on les examinoit avec les livres qui nous ont décrit les Tableaux des grands Maîtres, on y reconnoîtroit non feulement leurs manieres, mais on y trouveroit encore beaucoup de leurs ouvrages. On y apprendroit de quelle maniere ils reprefentoient fous une figure les chofes qui n'avoient pas

de

corps non feulement, mais qui dépendoient des circonstances de lieu, & des actions humaines, tel qu'étoit

appa

*

apparemment ce Tableau que Gracchus fit peindre dans le Temple de la Liberté après un avantage qu'il avoit remporté fur les troupes d'Annibal. Tite - Live qui rapporte ce fait, dit que Gracchus ayant conduit dans une Ville le Corps qu'il: commandoit, permit à fes Soldats. d'accepter le régal que les habitans leur offroient. Il décrit enfuite l'agreable confusion de ce feftin; & ce jour ainfi celebré, toucha fi fort l'efprit du Conful, qu'il en fit peindre le Simulachre après fon retour dans

Rome.

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On peut joindre auffi ce que difent Minucius Felix & Saint Jerôme des Egyptiens. C'étoit une fort plaifante imagination chez ces Peuples que de reprefenter un Pet, & de l'expofer à la veneration publique. Ils ne craignent pas plus Serapis dit le premier, que les vents qui fortent du corps reprefentez par la partie bonteufe. On marque mêine l'endroit où

ce

Digna res vifá, ut fimulachrum celebrati ejus diei Gracchus, poftquam Romam rediit, pingi juberet in æde Libertatis. Decad. 3. lib. 48

§ Nec Serapidem magis quam ftrepitus per pu denda corporis expreffos contremifcunt. Nam, 28,

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