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que ces Alliés étoient auffi foumis aux Princes que les autres fujets. Ils étoient comme eux jufticiables (a) des Officiers de l'Empereur. Mais il fuffifoit à Rome d'être obéie.

(6) Il lui importoit peu à quel titre.

On n'avoit point pû laiffer à nos Alliés l'apparence de la liberté, fans leur laiffer en même-tems le maniment des armes,ni le leur laiffer fans le laiffer auffi aux fujets voifins des premiers. Auffi l'Hiftoire fait-elle foi qu'on le leur avoit laiffé. Nous voyons que fous les premiers Empereurs, & long-tems avant que Caracalla eût donné le droit de Bourgeoifie Romaine à toutes les Cités de la Gaule, les Officiers du Prince avoient coûtome dans les occafions de demander à ces Cités des fecours de troupes, & que les Corps qu'elles faifoient marcher auffitôt, fe trouvoient à des rendez-vous très-éloignés des lieux de leur féjour ordinaire, peu de tems après qu'ils avoient été commandés. Cela n'auroit pas pû fe faire s'il n'y avoit pas eu dans chaque Cité un certain nombre d'Habitans qui euffent toûjours leurs armes prêtes, qui fuffent fubordonnés à des Chefs reconnus, qui fuffent difciplinés en quelque maniere; en un mot, s'il n'y avoit pas eu une Milice femblable à celles qui font aujourd'hui dans les Etats de la Chrétienté, & femblable à celle que les Rhétiens ou les Grifons avoient certainement fous le regne de l'Empereur Vitellius. (c) Les Helvetiens ou les Suiffes ayant commis quelques hoftilités contre celle des armées de Vitellius, que Cécina conduifoit en Italie ce General réfolut d'attaquer d'un côté fon ennemi, tandis qu'il le feroit attaquer de l'autre par les troupes reglées qui étoient dans la Rhetie, & par la jeuneffe du Païs qui étoit accoutumée au maniment des armes & difciplinée.

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Je vais rapporter quelques faits qui prouvent encore mieux ce que je viens d'avancer, après avoir néanmoins pris la précaution d'avertir ceux des Lecteurs qui pourroient penfer que j'approfondirois trop une matiere étrangere à mon fujet, que je prétends faire voir dans la fuite que les Cités des Gaules avoient encore les Milices dont je vais parler, fous nos Rois Merovingiens, & qu'il eft faux par confequent que les Francs euffent défarmé les Romains de cette grande Province de l'Empire.

(a) Si frangis virgas Sociorum in fan. guine. Juv. fat. octava. (b) Romani.... apud quos jus Imperii | valet,inania tranfmittuntur. Tac. An. lib. 15. Tome I.

(c) Hinc Cecina cum valido exercitu, inde Rhetica alæ Cohortefque, & ipforum Rhætorum juventus fueta armis & more Militix exercita. Tac. Hift. lib. 1. D

Tacite écrit, que lorsque la flotte d'Othon fit unè defcente fur les côtes de celle des Provinces des Gaules qui s'appelloit les Alpes Maritimes, & qui étoit fous l'obéiffance de Vitellius le compétiteur d'Othon à l'Empire: Marius Maturus (4) qui commandoit dans ce Païs pour Vitellius, rassembla les Habitans qui borderent auffi-tôt le rivage pour s'oppofer au débar quement de l'ennemi.

Ce même Hiftorien fait fouvent mention des Milices fournies par les Cités des Gaules à l'occafion des differens évenemens de la guerre que Civilis fit aux Romains la premiere année du regne de Vefpafien. Notre Hiftorien dit dans le récit du combat qu'Herennius Gallus donna près de Bonne contre les Cohortes Bataves qui defertoient du fervice de Rome pour aller fervir Civilis contre elle; qu'Herennius (b) avoit fous fes ordres trois mille foldats des légions, les Cohortes des Belges qu'on avoit mifes fur pied à la hâte, & un grand nombre de païfans & de valets d'armée. Tacite fait encore mention des fecours des Ubiens, & il fait dire dans le même Livre à Civilis, que Virginius Rufus lorfqu'il avoit battu Julius Vindex qui s'étoit révolté contre Néron, avoit dû une partie du succès ( c ) aux Belges qui l'avoient joint: Que dans cette bataille ç'avoient été les Gaulois qui avoient défait les Gaulois.

Il eft vrai que comme les Empereurs qui n'admettoient dans les légions que les Citoïens Romains, levoient fous le nom de Cohortes auxiliaires des Corps compofés de leurs autres fujets; on pourroit croire que les fecours des Ubiens & ceux des Belges fignifiaffent ici des Cohortes auxiliaires de troupes réglées, levées par les Officiers du Prince dans le païs de Cologne, & dans la Gaule Belgique, mais fuivant cette fuppofition, Tacite n'auroit pas dû dire, & il n'auroit pas dit ici, Auxilia Ubiorum, mais Cohortes Ubias. Il auroit dit les Cohortes Ubiennes, & non pas les fecours des Ubiens. Il n'auroit pas dit les Belges, mais les Cohortes Belgiques.

Cet Auteur prévient lui-même toutes les difficultés qu'on pourroit fe faire à ce fujet, en écrivant que dans les com-. mencemens de la guerre de Civilis, les Gaulois aidoient avec

(a) Alpes Maritimas tunc Procurator tenebat Marius Maturus. Is concitâ gente, nec deeft juventus, arcere finibus Othonianos intendit. Tacit. Hift. lib. 2.

(b) Tria millia legionariorum, tumultuaria Belgarum Cohortes, fimul pagano fimul pagano

rum lixarumque manus. Tacit. Hift. lib. 4.

(c) Ne Vindicis aciem cogitarent: Batavo equite protritos Eduos Arvernofque : fuiffe inter Virginii auxilia Belgas, vereque reputantibus, Galliam fuifmet viribus concidifle. Tacit. ibidem.

chaleur l'armée Romaine (a) & qu'ils lui envoyoient de nombreux fecours.

Dans un autre endroit, Tacite écrit auffi en rendant compte de l'arrangement que Vitellius fit après avoir terminé à fon avantage la guerre contre Othon (b): « Vitellius renvoya aux » Cités des Gaules leurs fecours, dont le nombre étoit con» fiderable. Il avoit été bien aife de faire parade d'un tel ren» fort au commencement de fon entreprife. Quand elle fut » terminée, ce Prince pour empêcher que la dépenfe de l'Etat » n'excédât fon revenu, diminua encore le nombre des foldats » dans les légions & dans les troupes auxiliaires, en défendant » de recruter ces Corps, & en donnant leur congé à tous ceux qui le demanderent. » Tacite ne fçauroit mieux donner à connoître que fous le nom de fecours fournis par les Cités des Gaules, il n'entend point les Cohortes auxiliaires de troupes réglées & foudoyées que Vitellius auroit pû faire lever dans les Gaules. Vitellius renvoye chez elles toutes les Milices des Gaules dont il avoit voulu feulement faire parade, mais il fe contente de réduire à un moindre nombre les foldats des Cohortes auxiliaires levées & foudoyées par l'Empereur.

»

On voit même dans Tacite que les Cités des Gaules ont fait quelquefois la guerre l'une contre l'autre dans le tems qu'elles étoient foumises à l'Empire Romain; elles ne pouvoient faire ces guerres qu'avec leurs propres Milices. Lorfque Galba eut été proclamé Empereur, la Cité de Vienne fe déclara pour lui, & celle de Lyon fe déclara pour Néron, qui avoit rebâti la Capitale de ce district après qu'elle eut été brûlée. Nos deux Cités fe firent enfuite une guerre fanglante, dont les évenemens furent plus d'une fois funeftes (c) à l'une & à l'autre. Tacite dit même qu'elles la continuerent avec un acharnement qu'on n'a point ordinairement quand on ne la fait on ne la fait que pour les interêts de fon Prince. Cela fuppofe donc que l'un & l'autre parti pouvoient mettre en campagne des troupes parmi lesquelles il y avoit quelque discipline, & qui étoient un peu aguerries.

(a) Affluentibus auxiliis Gallorum, qui primorem Romanam juvabant. Tacit. ibid.

(b) Reddita Civitatibus Galliarum auxilia, ingens numerus & prima ftatim defectione inter inania belli adfumptus. Cæterum ut largitionibus affecte Imperii opes tamen fufficerent, amputari legionum auxiliariorumque numeros jubet, vetitis fupplementis

& promifcuæ miffiones offerebantur. Tac. Hift. lib. 2.

(c) Verum inter Viennenfes Lugdunenfefque difcordiam proximum bellum accenderat. Multæ invicem clades, infeftiufque quàm ut tantum propter Neronem Galbamque pugnarent. Tacit. Hift. lib. 2.

Durant la guerre de Civilis contre les Romains, Julius Sabinus, le même qui eft fi celebre par fes avantures, & par le courage de fa femme Eponine, ayant jetté avec mépris les monumens de l'alliance contractée autrefois entre la Cité de Langres & les Romains, il alla, fuivi du Peuple de fa Patrie attaquer la Cité des Sequanois (a) qui vouloit demeurer fidele à l'Empereur. Il fe donna entre les deux partis une bataille, où ceux de Langres furent défaits.

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Nous rapportons ci-deffous un paffage de Jofeph, qui fair foi que fous le regne de Néron les Romains ne tenoient que douze cens hommes de troupes réglées dans l'intérieur des Gaules. Toutes les forces que l'Empire avoit dans cette grande Province, étoient poftécs le long du Rhin? Douze cens foldats auroient-ils fuffi pour garder cette vafte étendu de côtes qui eft depuis l'embouchure du Rhin jufqu'aux Pirénées, contre ceux des Barbares de la Germanie qui faifoient le métier de Pirates, fi chaque Cité n'avoit point eu une Milice qu'on pouvoit mettre fur pied, & faire marcher en peu de tems aux lieux menacés d'une defcente?

Je crois qu'il feroit inutile d'aller chercher dans les Hiftoriens poftérieurs à Tacite d'autres preuves de ce que j'ai avancé d'autant plus qu'il s'agit d'une chofe vraisemblable par ellemême. La raifon d'Etat vouloit que les Romains obligeaffent les Cités des Gaules d'avoir chacune chez elle une Milice qui pût dans les occafions accourir au fecours des troupes réglées qui gardoient le Rhin & les côtes de l'Ocean. Si l'on veut faire agir ici les Romains par les vûës d'une politique plus fubtile ils devoient obliger les Cités des Gaules d'avoir chacune fa Milice particuliere, afin que les conteftations inévitables entre des voifins, y donnaffent lieu à des hoftilités que le Prince feroit toujours le maître de faire ceffer, mais qui ne laifferoient pas d'entretenir entre ces Cités une averfion capable de les empêcher d'être jamais en affez bonne intelligence, pour fe révolter de concert. Quoiqu'il en fût, il eft certain que les Cités des Gaules n'étoient guéres en meilleure intelligence fous les Empereurs Romains qu'elles l'étoient quand leurs diffenfions donnerent à Jules Cefar le moyen de les affujettir l'une après

(a) Interea Julius Sabinus projectis fo- | minam Civitatem & nobis fidam. Nec Sederis Romani monumentis Cæfarem fe fa quani detrectavêre certamen. Fortuna me-lutati jubet, magnamque & inconditam po- | lioribus adfuit. Fufi Lingones. Tacit. Hift. pularium turbam in Sequanos rapit conter-lib.4.

l'autre. Nous les verrons même quelquefois en guerre ouverte l'une contre l'autre, fous les Rois Mérovingiens.

Chaque Cité des Gaules avoit un Comte ou Gouverneur particulier qui tenoit fon emploi de l'Empereur, & qui avoit foin d'obliger le Sénat & les Décurions à faire leur devoir. Cet Officier étoit fubordonné au Préfident ou au Proconful de celle des dix-fept Provinces où fon district étoit enclavé. C'est de quoi nous parlerons plus au long, en exposant quels étoient les Officiers que le Prince envoyoit pour gouverner les Gaules. Mais avant que de traiter cette matiere-là, il eft bon de finir tout ce qui regarde les droits dont joüiffoient les Cités.

CHAPITRE IV.

Des Affemblées generales que tenoient les Cités des Gaules. De l'étendue de l'autorité Impériale. Qui la conféroit.

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N voit par l'Hiftoire, que les Cités des Gaules, tandis qu'elles étoient fous la domination des Empereurs, s'affembloient quelquefois par Députés, & qu'elles tenoient des efpeces d'Etats generaux pour y prendre des réfolutions touchant les intérêts communs. Il ne faut pas confondre cette forte d'Affemblée purement politique, avec l'Aflemblée Religieufe qui fe tenoit régulierement dans le tems marqué, aux pieds de l'Autel érigé à Augufte, auprès de la ville de Lyon, quoiqu'il arrivât quelquefois que par occafion l'on y parlât des affaires publiques. En effet nous voyons dans Dion, que fous le regne d'Augufte lui-même, (4) Drufus Nero profita d'une de ces Affemblées Religieufes, pour ramener les efprits des principaux des Gaulois alors fort alienés; ce qui prévint une révolte. Mais outre cette Affemblée, il s'en tenoit une autre purement politique, & qui étoit apparemment la même qu'Augufte convoqua, & qu'il tint à Narbonne lorfqu'il y fit le recenfement des trois Gaules Tranfalpines, c'eft-à-dire, de l'Aquitaine, du païs des Celtes & de celui des Belges. Ces trois Contrées n'avoient point encore jufques- là fait un même Corps politique. Au contraire elles étoient habitées

(a) Gallorum primoribus fub prætextu fubditorum præoccupavit. Dio ejus fefti quod hodie etiam Lugduni ad aram pag. $43. Divi Augufti celebratur evocatis ?. motum

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lib. $4

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