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douter que cette étenduë ne fût telle dans le cinquième fiécle, tems où cet Acte a été rédigé. Il feroit fort inutile de conte fter ce fait, en alléguant que la partie des Gaules, à laquelle Céfar & Pline ont donné le nom de Païs Armorique, ne comprenoit que celles des Contrées qui font à la droite comme à la gauche de la Baffe-Loire, & qui font baignées par la Mer Océane. J'en tomberois d'accord, & j'avouerois même qu'en se réglant sur l'étimologie du mot Armorique dérivé ď'Armor qui fignifie fitué fur la Mer en langue Celtique, on n'auroit dû donner le nom d'Armoriques qu'à des Contrées Mariti mes. Mais j'ajouterois qu'après la difpofition faite par le Prince, l'ufage qui eft le tyran des Langues, & qui s'embaraffe peu, quand il lui plaît, de l'origine des mots, avoit établi dans les Gaules la coutume d'y donner le nom de Païs Armorique à toutes les Cités comprises dans l'étenduë du Gouvernement Maritime quelqu'éloignées qu'elles fuffent de la Mer. On fe fera donc habitué à dire qu'Orleans, que Chartres, & que Paris & les autres Cités Méditerranées de la quatrième Lyonoife, étoient dans le païs Armorique, parce qu'elles étoient comprifes dans le Commandement ou le Gouvernement Maritime. La raison veut que cela se soit passe ainfi, & voici une preuve de fait qui montre que ce que nous difons étoit arrivé réellement.

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Marius Evêque d'Avanches, Auteur du fixième siècle, dit (a) dans fa Cronique, qu'en l'année quatre cens foixante & trois, Egidius donna aux portes d'Orleans, & fur le terrain qui eft entre la Loire & le Loiret, une grande bataille contre les Vifigots, & que Frédéric, un des Princes de la Maifon Royale de cette Nation y fut tué. D'un autre côté IdaAuteur du cinquiéme fiècle, dit en parlant certainement de la même bataille qu'il caracterife, pour ainfi dire, & par la mort de Frederic Prince de la Maison Royale des (b) Vifigots, & par l'année où elle fut donnée; que cette bataille fe livra dans la Province ou Commandement Armorique. Ainfi l'Evêque Idace, dont le témoignage ne fçauroit être difputé, ni recufé nous apprend pofitivement que l'Orleanois faifoit partie du Gouvernement Maritime.

(a) Bafilio & Bibiano. His Confulibus pugna facta eft inter Ægidium & Gothos inter Ligerim & Ligerulum, juxta Aurelianis, ubi interfectus eft Fredericus RexGothorum. Marii Aventicenfis Chronic. ad an. 463.

(b) Adverfus Ægidium Comitem utriufque militiæ, in Armoricana Provincia Fredericus frater Theodorici Regis infurgens, cum his cum quibus fuerat fuperatus, occiditur. Idatii Chronicum ad an. 2. Imp. Severi.

Enfin nous avons fous les yeux un exemple fenfible de ces dénominations abufives, & qui femblent impliquer contradiction. On fçait que l'Etat connu dans la Societé des Nations fous le nom de Païs-Bas, a reçu cette dénomination, parce que la plus grande partie du territoire des Provinces dont il fut d'abord compofe, eft un Païs plat, & prefque de niveau avec les eaux de la Mer qui le baigne, & avec celles des Fleuves qui l'arrosent. Qu'eft-il arrivé dans la fuite ? Les Souverains de cet Etat y ont joint des Provinces Méditerranées & montueuses, comme le Duché de Luxembourg, le Comté de Namur, & quelques autres. Mais dès que ces Provinces ont été comprises dans les Païs-Bas, l'ufage à fait oublier l'étimologie de Païs-Bas, & quelle étoit la nature de ces Provinces. L'on s'eft accoûtumé à dire que le Duché de Luxembourg & le Comté de Namur étoient dans les Païs-Bas. On dit tous les jours que Luxembourg eft la plus forte place des PaïsBas, & qu'on va dans les Païs-Bas quand on part de Champagne pour aller à Namur. Après l'établissement du Commandement Armorique, on fe fera de même habitué à dire que Sens, qu'Orleans étoient dans le Commandement ou dans le païs Maritime.

C'est donc dans la Notice de l'Empire & non pas dans Céfar, ni dans Pline, qu'il faut prendre l'idée de l'étenduë qu'avoit, durant le cinquiéme fiècle la Contrée qu'on appelloit alors dans les Gaules le Païs Armorique, ou le Tractus Armoricanus ou Aremoricus. C'eft faute d'avoir confulté là-deffus la Notice , que nos Auteurs ont mal compris ce qu'ont dit les Ecrivains du cinquième fiécle concernant la République des Armoriques, déja formée lorsque les Francs s'établirent dans les Gaules.

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Quoique nous n'ayons que de foibles lueurs de ce qui s'y paffoit fous le Bas-Empire nous ne laiffons pas cependant d'entrevoir les raifons qui porterent Conftantin ou celui de fes Succeffeurs qui avoit réglé les diftricts de chacun des Commandemens fur le pied où ils étoient lorfque la Notice fut rédigée, à mettre fous un feul & même Chef prefque toutes les forces destinées à garder les Côtes de cette grande Province fur l'Ocean, en un tems, où fes ennemis les plus incommodes, étoient les Pirates dont nous parlerons bientôt. Comme les Flottes ennemies n'avertiffent point des lieux où elles prétendent faire leurs defcentes, une feule Flotte

qui tient la Mer avec un pareil deffein, donne de l'inquiétude à deux cens lieues de Côtes. Aujourd'ur c'est un lieu qui eft menacé & demain c'en eft un autre. Si tous les Bâtimens & toutes les Troupes destinées à la garde de la Côte que range une Flote ennemie ne font point fous les ordres du même Officier, & s'il ne peut point à son plaifir les faire paffer d'un endroit à un autre, le bien du Service en doit fouffrir beaucoup. Dire que l'Officier qui commande dans le Païs où l'allarme ceffe, envoyera fur le champ fes forces dans le Païs qui commence d'être menacé par l'armée navale des ennemis, c'est n'avoir point une idée jufte de cette efpece de guerre; c'eft encore ne pas connoître à quel point la jaloufie regne ordinairement entre des Officiers de même grade qui commandent chacun en Chef dans des Départemens voifins, & combien elle apporte d'obftacle au fervice du Prince. Voilà donc ce qui aura fait comprendre dans le même Commandement, non-feulement la feconde & la troifiéme Lyonoise, ainsi que la premiere Aquitaine & la feconde Aquitaine, mais encore une partie de la feconde Belgique, c'està-dire, toute la Côte de cette Province-là; de maniere que le Commandement Maritime commençoit à l'embouchure du Rhin, & s'étendoit jufqu'à la Garonne. Quant aux raisons qui auroient fait auffi renfermer dans ce Gouvernement Tours, & plufieurs autres Cités de la troifiéme Lyonoife qui font Méditerranées, auffi-bien que toute la quatriéme Lyonoise ou la Senonoife, dont aucune Cité n'étoit baignée de la Mer voici celles que j'imagine.

Non-feulement les Saxons & les autres Barbares qui exerçoient alors le métier de Pirates, faifoient fouvent des defcentes fur les Côtes ; mais comme nous le dirons plus au long quand il en fera tems, ils remontoient les Fleuves fur leurs Barques legeres, & quelquefois il leur arrivoit de mettre pied à terre à cinquante lieues de la Mer. Il étoit donc néceffaire d'entretenir dans les Rivieres des Flotes compofées de Barques & d'autres Bâtimens plats, & il convenoit que les baffins & les arfenaux de ces Flotes fuffent fort avant dans les terres afin que les ennemis qui venoient par Mer ne puffent point les furprendre. Ainfi la néceffité de mettre les petits Bâtimens des Flotes qui gardoient la Loire & la Seine, dans des baffins où ils fuffent en fureté, & la convenance qu'il y avoit que les lieux où l'on leur donnoit ces abris fuffent dans

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le district du Commandement Armorique, y auront fait comprendre la Province Senonoife. Nous verrons que la Flote destinée à garder la Seine, avoit fon baffin & fes arfenaux à Paris, qui étoit de cette Province-là. Il fe peut bien faire encore que les differentes Flotes qui étoient aux ordres du Commandant de ce diftrict, & qui étoient deftinées, foit pour croifer fur les Pirates, foit pour garder le lit des Fleuves tiraffent de cette Province des Bois de conftruction, des Chanvres, & d'autres matieres dont elles avoient befoin journellement. Il avoit donc paru convenable, d'en faire une portion du Commandement Armorique.

Vers l'an

Quand avoit-il été formé Sous quel Empereur fon district avoit-il été réglé tel qu'il eft rapporté dans la Notice de l'Empire ? C'est ce que j'ignore: Je fais feulement que plufieurs années avant le regne de Conftantin le Grand, il y avoit néc 286. déja dans les Gaules un diftrict qui s'appelloit, quelle que fut alors fon étendue, le Commandement Armorique & Belgique. La néceffité de pourvoir efficacement à la fureté des Provinces des Gaules vexées par les déprédations des Peuples Septentrionaux, & dont il vient d'être parlé, aura engagé un des Prédeceffeurs de Conftantin à mettre fous les ordres d'un feul General toutes les forces de Terre & de Mer destinées à repouffer nos Barbares. On aura cru le mal affez grand pour y appliquer ce remede, quoique ce fut donner atteinte à la forme ordinaire du Gouvernement en ufage pour lors. Eutrope nous apprend que fous le regne de Diocletien on donna à Caraufius, (a) qui fut depuis proclamé Empereur, la commiffion de nettoyer la Mer des Pirates Francs, & des Pirates Saxons, qui pour lors infeftoient les Côtes du Commandement Belgique & Armorique. Ce qu'ajoute notre Auteur mérite d'être rapporté comme un des préfages qui annonçoient la chute de l'Empire Romain. Eutrope dit donc, Caraufius fut foupçonné de trahifon & qu'on lui reprocha de laiffer paffer la Manche aux vaiffeaux Barbares qui alloient faire la course, vers le Midy, dans la vûë de les attaquer lorfqu'ils la repafferoient, afin de les prendre chargés du butin qu'ils auroient fait fur les fujets de l'Empire.

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que

Nous voyons dans Ammien Marcellin, que du tems de

(a) Caraufius qui viliffimè natus in ftrenuo militiæ ordine famam egregiam fuerat confecutus, cum apud Bononiam per Tome I.

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Tractum Belgica & Armorica pacandum
mare accepiffet, quòd Franci & Saxones
infeftabant, &c. Entropii hift.
K

72.

89.

Lib. 2. cap.

Valentinien I. qui commença fon regne en l'année de Jefus Christ trois cens foixante & quatre, il y avoit dans la Grande Bretagne un Officier dont le Titre & l'Emploi étoient les mêmes, que ceux du Commandant dans le diftrict Maritime des Gaules. (4) » Valentinien, dit Marcellin, apprit dans le » tems qu'il alloit d'Amiens à Tréves, que la Grande Bre» tagne étoit réduite aux dernieres extrémités par les Barba» res qui l'attaquoient de concert; que Nectaridès lequel y » exerçoit l'emploi de Comte dans le Commandement Mari» time, avoit été tué, & que Fullofaudés qui rempliffoit ce» lui de Duc du même Commandement, étoit tombé en»tre les mains des ennemis.

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Quelques lignes après, Ammien Marcellin ajoute: » La » nouvelle fit d'autant plus de peine à Valentinten, que les » Francs & les Saxons feurs voifins, faifoient alors des incur» fions & des defcentes dans les Commandemens des Gaules, qui font exposés à leurs irruptions, » c'est-à-dire, dans le Commandement Armorique, & le Commandement Nervien, qui pouvoit bien n'être pas encore réunis en ce tems-là. » Ces » Barbares non contens de faccager le Païs, y mettoient tout » à feu & à fang, & ils facrifioient même à leurs Dieux une partie des Captifs qu'ils y faifoient. »

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L'emploi de Comte du Commandement Maritime que Nectaridès exerçoit dans la Grande-Bretagne, étoit apparemment Lib. 2. cap. le même dont la Notice de l'Empire fait mention fous le nom d'emploi du Comte du Rivage Saxonique. Il étoit fubordonné au Duc ou au Géneral dont il eft auffi fait mention dans cette Notice.

Comme il y avoit auffi dans les Gaules, au commencement du cinquième siècle, un Rivage Saxonique, qui étoit la Côte de la Cité de Bayeux, il ne fera point hors de propos de dire pourquoi le rivage Saxonique qui étoit dans la Grande-Bretagne, portoit ce nom-là. Ce qui avoit fait appeller ainfi une partie du rivage de cette Ifle, pouvoit bien avoir fait donner le même nom à une partie du rivage des Gaules. Le rivage Saxonique de la Grande-Bretagne étoit donc ainfi nommé

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