FABLES DE M. LE BRUN, LIVRE TROISIE'ME. FABLE PREMIERE. L'AIGL E. A Monfieur le Comte d'▲....... T OI, qui fuis pas à pas la raison qui ΟΙ, t'éclaire; Et qui de courtifan devenu folitaire, Etablis ton séjour dans nos champs fortunez; Loin du trouble & du bruit, revois tes Dieux Pénates Dés ton enfance abandonnez. Que tes oreilles délicates A mes vers daignent le prêter: Le fens mystérieux que ma Fable envelope: De ces fages leçons fit voir l'utilité. Sur ce ton la morale avec grace s'explique; N'avilit point la vérité. L'Aigle las, ennuyé de porter le tonnerre Epouvante & punit les crimes de la terre ; Et préférant à cet honneur fuprême Son repos, & fa liberté ;. Il voulut, des grandeurs fagement dégoûté, Effaier de l'indépendance. Il prend l'effor, & vient habiter les forêts. Dans ces paifibles lieux où regne l'innocence, D'un bonheur fans mélange il goûta les attraits. 200 Que dans cette retraite il porta peu d'envie, Aux biens chimériques de ceux Qui devant la fortune, efclaves faftueux, Dont l'immortalité n'exempte pas les Dieux. Inftruit par leur difgrace,il apprit à contraindre Ses mouvemens ambitieux; Et que le plus haut rang n'eft pas le moins à craindre. Vous, qui de vieillir prés des Grands Vous êtes fait une habitude, Joüiffez fur vos derniers ans Des charmes de la folitude. Vous en faffe bientôt defcendre. Croyez-moi, la fortune & l'amour n'ont qu'un tems; A des retours fâcheux leurs faveurs font fu jetes: L'une haït les vieux Courtifans; M FABLE II SOCRATE, & XANTIPPE. RATE, Philofophe eftimé dans la SOCRATE Grece Par fa fcience & fa fageffe, Eut pour femme Xantippe: hélas, qu'il en fouffrit! Femme, non, je n'ai pas bien dit, Je me trompois ; Lecteur, je vous en fais ex cufe, Pardonnez-moi, le plus jufte s'abuse. Xantippe étoit un diable en femme travefti, Pis encor. Que de fois déplorant fa mifere, Elle eût Du choix que l'hymen lui fit faire par fes travers, & par fon infolence De tout autre que lui lafsé la patience. 11 n'oppofoit avec conftance. |