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poëfie dans les Tropaires & autres Cantiques qui portent fon nom chez les Grecs. On propofe de folides dificultés au favant Cardinal, qui avoit écrit fur cette matière. On caractérise les ouvrages du faint Abbé de Stude, qui ont été confondus avec d'autres, & que l'on a perdus. Cette lettre, où l'érudition n'est pas épargnée, pût paroitre obfcure à ceux qui n'étoient pas au fait des ofices de l'Eglife grèque. Mais elle étoit adreffée à un favant Cardinal de notre Ordre, fort verfé dans ce genre de littérature. Si l'on joint à cette lettre ce que D. Remi Ceillier a dit de notre édition, à l'article de S. Théodore Studite; l'on aura le plan d'une entreprise littéraire, qui nous a coûté une infinité de peines & de travaux.

Dès la fin de l'année 1743. parut la Juftification du mémoire, que D. Touftain avoit fi folidement refuté. Il crut devoir non feulement répondre pié à pié à ce nouvel écrit ; mais encore venger les anciennes archives des acufations injuftes portées contr'elles, en difcutant les faits & éclairciffant plufieurs dificultés,

que de P. Mabillon n'avoit pu prévoir. Et afin de défarmer une bonne fois la critique téméraire, en fixant les formules & les ufages de chaque fiècle; il fe détermina avec fon collègue à composer l'hiftoire diplomatique des bulles des Papes, des actes écléfiaftiques, des chartes des Princes, des Seigneurs & des perfones privées, depuis la naiffance de J. C. jufqu'à préfent. Il travailla fur ce plan jufqu'à Pâques de l'an 1747. Alors le très-Révérend Père: Général le fit.venir à Paris avec fon ami inféparable, pour faire imprimer ce nouvel ouvrage, fous le fimple titre d'Eclairciffemens fur la Diplomatique. Plufieurs favans à qui

le mf. fut communiqué, conseillèrent aux auteurs de n'en point faire à deux fois, & de travailler à un nouveau traité de Diplomatique en notre langue, dans lequel on fupléât au grand ouvrage latin de D. Mabillon. D. Touftain necrut pas devoir s'afujettir fervilement à répéter en françois, ce qui avoit été dit en latin. Il porta ses vues plus loin, & ne tarda pas à reconoitre la néceffité d'examiner de nouveau, & de traiter à fond quantité de points & de questions de diplomatique, qui ne lui paroiffoient point fufifamment éclaircis. Avec un génie vafte & pénétrant, il ne pouvoit manquer de faire beaucoup de découvertes dans les mff. & les diplomes. Il trouva la clé des notes tyroniennes ; en forte qu'il expliquoit, par principes, toutes celles qui fe préfentoient, & lifoit couramment le très-ancien Pfeautier de l'abbaïe de S. Germain des Prés, écrit en ces notes. Malheureufement le tems ne lui a pas permis d'expliquer lui-même, l'artifice de cette espèce d'écriture, d'en donner les règles, & d'en former unDictionaire, comme il l'avoit projetté.

Le travail exceffif auquel il s'étoit livré, pour donner le fecond volume de cette nouvelle Diplomarique, avoit beaucoup altéré fa fanté. Il avoit même des preffentimens que fa fin aprochoit. Il m'a dit plufieurs fois, qu'en fe mettant au lit, une foffe ouverte fe préfentoit devant lui. Quoiqu'il ne fit pas grand fond fur ce phénomène fingulier; il penfoit férieu sement à la mort. Il s'apliqua néanmoins tranquillement à l'étude jufqu'au 20. de Mai, que fur les inftances de fes amis & l'avis du médecin, il alla à SaintDenis en France, pour fe rétablir. Les remèdes furent pour lui un poifon mortel, & lui caufèrent un flux

hépatique, que rien ne put arêter. Pendant 40. jours, que dura une fi cruelle maladie; on admira fa patience, fa conftance, fa tranquillité, fa parfaite résignation à la volonté de Dieu. Jamais on ne vit plus de grandeur d'ame & de présence d'efprit. Me voyant plongé dans l'afliction la plus amère, & prêt à fuccomber fous le poids de ma douleur ; il m'infpiroit du courage par des réflexions folides & chrétiennes. Dès les commencemens de fa maladie, il fit une confeffion générale, & me témoigna un grand defir de recevoir les derniers Sacremens. Il confentit néanmoins qu'on diférât ; parceque le médécin ne voyoit point encore de danger. Mais le mal faifant de nouveaux progrès, j'acquiefçai à la volonté du refpectable malade, & lui administrai d'abord l'Extrème-Onction, & le lendemain le faint Viatique. Il reçut l'un & l'autre Sacrement avec l'humilité la plus profonde, la foi la plus vive, & la piété la plus tendre. Je le vis fondant en larmes, la bouche colée sur les piés de son crucifix, ne voulant pas par humilité la porter aux mains & au vifage de l'image de fon Sauveur. Il renouvella cette pieuse pratique plufieurs fois le jour jufqu'à fa mort. Le defir ardent, qu'il avoit de s'unir de plus en plus à J. C. ne lui permit pas d'être long tems fans recevoir la fainte Euchariftie. Je célébrai les divins mystères dans la chapelle voisine de sa chambre, & lui donnai encore la communion trois fois pendant fa maladie. Dans une éfufion de cœur trèsfenfible, & des plus touchantes, lorfque j'étois feul avec lui; il demanda à notre Seigneur avec larmes la grace de donner fa vie pour lui, s'il revenoit en fanté. Il me recommanda en même tems de tenir fecret ce

mouvement de ferveur qui lui étoit échapé. Car il avoit grand foin de fuprimer & de cacher tout ce qui pouvoit donner de lui des idées avantageufes. On eut de la peine à lui faire abandonner la récitation de fon Bréviaire, & la lecture de fon nouveau Teftament grec, qu'il portoit toujours fur lui avec quelques reliques de S. Benoit, de S. Charles, & de quelques autres faints. Pour le confoler, je récitois l'office divin à fes côtés, & lui faifois de tems en tems des lectures de piété. Après lui avoir lu les admirables lettres de M. Duguet fur le defir de la mort, & fur les motifs d'une efpérance humble & chrétienne ; il me pria un jour de prendre fon nouveau Teftament, & de lire le premier chapitre de l'épitre de S. Paul aux Ephéfiens: lorfque j'eus achevé, il me dit d'un ton qui marquoit fon contentement: voila l'original; il est bien au-dessus de l'éloquence & de la fublimité des pensées de M. Duguet.

D.Touftain conferva toute fa ferveur & fon bon fens jufqu'au dernier foupir, qu'il rendit le premier Juillet 1754. fans agonie & fans éfort, en bailant l'image de fon Sauveur expirant fur la croix, à laquelle il étoit luimême ataché, par la disposition de son cœur. Il n'étoit agé que d'environ 55. ans. Après la mort on remarqua fur fon vifage un air de beauté & de majefté, qu'on n'avoit point aperçu de fon vivant; quoique fa phyfionomie annonçât la férénité & la candeur de fon ame. Une mort fi fainte a été le fruit & la récompenfe d'une pureté angelique, d'un amour ardent pour J.C.& pour fon Eglife, d'une ferme confiance dans la feule miféricorde de ce Dieu fait homme pour notre falut.Un atachement inviolable à tous les devoirs de fon

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état, une modestie aimable, une noble & religieufe fimplicité une fincérité vraiment chrétienne & à l'épreuve de tour; une prudence confommée avec beaucoup de fermeté ; une retenue admirable dans les converfations; une piété éclairée, une humilité portée jufqu'à defirer de paffer pour un homme de peu d'efprit & digne de mépris: une étude affidue avec beaucoup de pénétration: une vie toujours sérieuse & ocupée de la lecture & de la prière : une grande douceur de mœurs, & beaucoup de politeffe & de patience, malgré un fond de vivacité naturelle : toutes ces grandes parties forment le portrait de D. Touftain, dont la mort a excité les regrets, non seulement des Savans les plus diftingués, & de toute notre Congrégation; mais encore de plufieurs Magiftrats infiniment refpectables, & furtout de Monfeigneur le cardinal Paffionei. Son Eminence a bien voulu prendre part à notre afliction, & exprimer de la manière la plus énergique & la plus noble, la haute idée & l'eftime infinie qu'elle avoit conçues du mérite de notre vénérable Confrère.

La belle épitaphe latine, qu'un de fes amis & des miens a compofée; le peint avec des couleurs fi vives & fi naturelles, que ceux qui l'ont fréquenté, n'auront pas de peine à le reconoitre. Il faut, pour sentir toute l'énergie & la délicateffe de cette pièce, être auffi rempli que l'auteur des pensées & de l'efprit de FEcriture & des faints Pères, dont la lecture éléve l'ame, en même tems qu'elle forme & purifie le cœur..

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