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CAMILLE.

O mes frères !

LE VIEIL HORACE.

Tout beau, ne les pleurez pas tous:

3

Deux jouissent d'un sort dont leur père est jaloux.
Que des plus nobles fleurs leur tombe soit couverte;
La gloire de leur mort m'a payé de leur perte:
Ce bonheur a suivi leur courage invaincu,2
Qu'ils ont vu Rome libre autant qu'ils ont vécu,
Et ne l'auront point vue obéir qu'à son prince,
Ni d'un état voisin devenir la province.
Pleurez l'autre, pleurez l'irréparable affront
Que sa fuite honteuse imprime à notre front;
Pleurez le déshonneur de toute notre race,

Et l'opprobre éternel qu'il laisse au nom d'Horace.

JULIE.

Que vouliez-vous qu'il fit contre trois? 4

LE VIEIL HORACE.

↑ Qu'il mourût,

Ou qu'un beau désespoir alors le secourût.
N'eût-il que d'un moment reculé sa défaite,
Rome eût été du moins un peu plus tard sujette;
Il eût avec honneur laissé mes cheveux gris,
Et c'étoit de sa vie un assez digne prix.
Il est de tout son sang comptable à sa patrie;
Chaque goutte épargnée a sa gloire flétrie ;
Chaque instant de sa vie, après ce lâche tour,
Met d'autant plus ma honte avec la sienne au jour. 7
J'en romprai bien le cours; et ma juste colère,

5

6

Contre un indigne fils usant des droits d'un père,
Saura bien faire voir, dans sa punition,

L'éclatant désaveu d'une telle action.

SABINE.

Écoutez un peu moins ces ardeurs généreuses,
Et ne nous rendez point tout-à-fait malheureuses.

LE VIEIL HORACE.

Sabine, votre cœur se console aisément;

Nos malheurs jusqu'ici vous touchent foiblement.
Vous n'avez point encor de part à nos misères;
Le ciel vous a sauvé votre époux et vos frères :
Si nous sommes sujets, c'est de votre pays:
Vos frères sont vainqueurs quand nous sommes trahis;
Et voyant le haut point où leur gloire se monte,
Vous regardez fort peu ce qui nous vient de honte.
Mais votre trop d'amour pour cet infâme époux
Vous donnera bientôt à plaindre comme à nous :
Vos pleurs en sa faveur sont de foibles défenses;
J'atteste des grands dieux les suprêmes puissances
Qu'avant ce jour fini, ces mains, ces propres mains
Laveront dans son sang la honte des Romains.
(Le vieil Horace sort. )

SABINE.

Suivons-le promptement, la colère l'emporte.
Dieux! verrons-nous toujours des malheurs de la sorte ?$
Nous faudra-t-il toujours en craindre de plus grands,
Et toujours redouter la main de nos parents? 9

FIN DU TROISIÈME ACTE.

ACTE QUATRIÈME.

SCÈNE I.

LE VIEIL HORACE, CAMILLE.

LE VIEIL HORACE.

Ne me parlez jamais en faveur d'un infâme;

Qu'il me fuie à l'égal des frères de sa femme:
Pour conserver un sang qu'il tient si précieux,
Il n'a rien fait encor s'il n'évite mes yeux.

I

Sabine y peut mettre ordre, ou derechef j'atteste 2
Le souverain pouvoir de la troupe céleste....

CAMILLE.

Ah! mon père, prenez un plus doux sentiment;
Vous verrez Rome même en user autrement,
Et, de quelque malheur que le ciel l'ait comblee,
Excuser la vertu sous le nombre accablée.

LE VIEIL HORACE.

Le jugement de Rome est peu pour mon regard. 3
Camille, je suis père, et j'ai mes droits à part.
Je sais trop comme agit la vertu véritable :
C'est sans en triompher que le nombre l'accable;
Et sa mâle vigueur, toujours en même point,
Succombe sous la force, et ne lui cède point.
Taisez-vous, et sachons ce que nous veut Valère.

SCÈNE I I.

LE VIEIL HORACE, VALÈRE, CAMILLE.

VALÈRE

ENVOYÉ par le roi pour consoler un père,

Et pour lui témoigner....

LE VIEIL HORACE.

N'en prenez aucun soin:

C'est un soulagement dont je n'ai pas besoin ;
Et j'aime mieux voir morts que couverts d'infamie
Ceux que vient de m'ôter une main ennemie.
Tous deux pour leur pays sont morts en gens d'honneur;
Il me suffit.

VALERE.

Mais l'autre est un rare bonheur;

De tous les trois chez vous il doit tenir la place.

LE VIEIL HORACE.

Que n'a-t-on vu périr en lui le nom d'Horace!

VALÈRE.

Seul vous le maltraitez après ce qu'il a fait!

LE VIEIL HORACE.

C'est à moi seul aussi de punir son forfait. '

VALÈRE.

Quel forfait trouvez-vous en sa bonne conduite?

LE VIEIL HORACE.

Quel éclat de vertu trouvez-vous en sa fuite?

VALERE.

La fuite est glorieuse en cette occasion.

LE VIEIL HORACE.

Vous redoublez ma honte et ma confusion. 2
Certes l'exemple est rare et digne de mémoire
De trouver dans la fuite un chemin à la gloire!
VALERE.

Quelle confusion et quelle honte à vous
D'avoir produit un fils qui nous conserve tous,
Qui fait triompher Rome, et lui gagne un empire?
A quels plus grands honneurs faut-il qu'un père aspire?

LE VIEIL HORACE.

3

Quels honneurs, quel triomphe, et quel empire enfin, 3 Lorsqu'Albe sous ses lois range notre destin?

VALÈRE.

Que parlez-vous ici d'Albe et de sa victoire ?
Ignorez-vous encor la moitié de l'histoire?

LE VIEIL HORACE.

Je sais que par sa fuite il a trahi l'état.

VALÈRE.

Oui, s'il eût en fuyant terminé le combat;
Mais on a bientôt vu qu'il ne fuyoit qu'en homme
Qui savoit ménager l'avantage de Rome.

LE VIEIL HORACE.

Quoi! Rome donc triomphe! 4

VALÈRE.

Apprenez, apprenez

La valeur de ce fils qu'à tort vous condamnez.
Resté seul contre trois, mais en cette aventure
Tous trois étant blessés, et lui seul sans blessure,

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