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Mais quelle occasion mène Evandre vers nous ?

SCENE I V.

CINNA, ÉMILIE, ÉVANDRE, FULVIE.

ÉVANDRE.

SEIGNEUR, César vous mande, et Maxime avec vous.

CINNA.

Et Maxime avec moi! Le sais-tu bien,

ÉVANDRE.

Evandre?

Polyclète est encor chez vous à vous attendre,
Et fût venu lui-même avec moi vous chercher,
Si ma dextérité n'eût su l'en empêcher;
Je vous en donne avis de peur d'une surprise.
Il presse fort.

ÉMILIE.

Mander les chefs de l'entreprise! fous deux ! en même temps! Vous êtes découverts.

CINNA.

Espérons mieux, de grace.

ÉMILIE.

Ah! Cinna, je te perds! Et les dieux, obstinés à nous donner un maître, Parmi tes vrais amis ont mêlé quelque traître. Il n'en faut point douter, Auguste a tout appris. Quoi! tous deux! et sitôt que le conseil est pris!

CINNA.

Je ne vous puis celer que son ordre m'étonne;
Mais souvent il m'appelle auprès de sa personne :

Maxime est comme moi de ses plus confidents;
Et nous nous alarmons peut-être en imprudents:
ÉMILIE.

Sois moins ingénieux à te tromper toi-même,
Cinna; ne porte point mes maux jusqu'à l'extrême;
Et, puisque désormais tu ne peux me venger,
Dérobe au moins ta tête à ce mortel danger;
Fuis d'Auguste irrité l'implacable colère.

Je verse assez de pleurs pour la mort de mon père;
N'aigris point ma douleur par un nouveau tourment
Et ne me réduis point à pleurer mon amant,

CIN NA.

Quoi ! sur l'illusion d'une terreur panique,
Trahir vos intérêts et la cause publique !
Par cette lâcheté moi-même m'accuser!
Et tout abandonner quand il faut tout oser!'
Que feront nos amis si vous êtes déçue?

Mais

ÉMILIE.

que deviendras-tu si l'entreprise est sue?

CINNA

S'il est pour me trahir des esprits assez bas,
Ma vertu pour le moins ne me trahira pas;
Vous la verrez, brillante au bord des précipices,
Se couronner de gloire en bravant les supplices,
Rendre Auguste jaloux du sang qu'il répandra,
Et le faire trembler alors qu'il me perdra.

Je deviendrois suspect à tarder davantage,
Adieu. Raffermissez ce généreux courage.
S'il faut subir le coup d'un destin rigoureux,
Je mourrai tout ensemble heureux et malheureux;

2

Heureux pour vous servir de perdre ainsi la vie,
Malheureux de mourir sans vous avoir servie.

ÉMILIE.

Oui, va, n'écoute plus ma voix qui te retient;
Mon trouble se dissipe, et ma raison revient.
Pardonne à mon amour cette indigne foiblesse:
Tu voudrois fuir en vain, Cinna, je le confesse;
Si tout est découvert, Auguste a su pourvoir
A ne te laisser pas ta fuite en ton pouvoir.
Porte, porte chez lui cette mâle assurance,
Digne de notre amour, digne de ta naissance;
Meurs, s'il y faut mourir, en citoyen romain,
Et par un beau trépas couronne un beau dessein.
Ne crains pas qu'après toi rien ici me retienne;
Ta mort emportera mon ame vers la tienne;
Et mon cœur, aussitôt percé des mêmes coups....

CINNA

Ah! souffrez que tout mort je vive encore en vous;
Et du moins en mourant permettez que j'espère
Que vous saurez venger l'amant avec le père.

Rien n'est pour vous à craindre; aucun de nos amis
Ne sait ni vos desseins, ni ce qui m'est promis;
Et, leur parlant tantôt des misères romaines,
Je leur ai tû la mort qui fait naître nos haines,
De peur que mon ardeur touchant vos intérêts
D'un si parfait amour ne trahît les secrets;
Il n'est su que d'Évandre et de votre Fulvie.
ÉMILIE.

Avec moins de frayeur je vais donc chez Livie,
Puisque dans ton péril il me reste un moyen
De faire agir pour toi son crédit et le mien ;

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Mais si mon amitié par là ne te délivre,
N'espère pas qu'enfin je veuille te survivre.
Je fais de ton destin des règles à mon sort, 4
Et j'obtiendrai ta vie, ou je suivrai ta mort.

CINNA.

5

Soyez en ma faveur moins cruelle à vous-même.

ÉMILIE.

Va-t-en, et souviens-toi seulement que je t'aime. 6

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE SECOND.

SCÈNE I.'

AUGUSTE, CINNA, MAXIME

TROUPE DE COURTISANS,

AUGUSTE.

Que chacun se retire, et qu'aucun n'entre ici.

UE

Vous, Cinna, demeurez, et vous, Maxime, aussi.

(Tous se retirent, à la réserve de Cinna et de Maxime.) Cet empire absolu sur la terre et sur l'onde, 2 Ce pouvoir souverain que j'ai sur tout le monde, Cette grandeur sans borne et cet illustre rang Qui m'a jadis coûté tant de peine et de sang, Enfin tout ce qu'adore en ma haute fortune D'un courtisan flatteur la présence importune, N'est que de ces beautés dont l'éclat éblouit, Et qu'on cesse d'aimer sitôt qu'on en jouit. L'ambition déplaît quand elle est assouvie, D'une contraire ardeur son ardeur est suivie; Et comme notre esprit, jusqu'au dernier soupir, Toujours vers quelque objet pousse quelque désir, Il se ramène en soi, n'ayant plus où se prendre, Et, monté sur le faîte, il aspire à descendre. 4 J'ai souhaité l'empire, et j'y suis parvenu; Mais, en le souhaitant, je ne l'ai pas connu:

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