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Attale, ce grand roi dans la pourpre blanchi, '7.
Qui du peuple romain se nommoit l'affranchi,
Quand de toute l'Asie il se fût vu l'arbitre,
Eût encor moins prisé son trône que ce titre.
Souviens-toi de ton nom, soutiens sa dignité;
Et, prenant d'un Romain la générosité,

Sache qu'il n'en est point que le ciel n'ait fait naître
Pour commander aux rois, et pour vivre sans maître.

CINNA.

Le ciel a trop fait voir, en de tels attentats, 18 ·
Qu'il hait les assassins et punit les ingrats;
Et quoi qu'on entreprenne, et quoi qu'on exécute,
Quand il élève un trône, il en venge la chute;

Il se met du parti de ceux qu'il fait régner;

Le

coup

dont on les tue est long-temps à saigner; Et quand à les punir il a pu se résoudre,

De pareils châtiments n'appartiennent qu'au foudre.

Dis

que

ÉMILIE.

de leur parti toi-même tu te rends, 19 De te remettre au foudre à punir les tyrans.

Je ne t'en parle plus : va, sers la tyrannie;
Abandonne ton ame à son lâche génie ;
Et, pour rendre le calme à ton esprit flottant,
Oublie et ta naissance et le prix qui t'attend.
Sans emprunter ta main pour servir ma colère,
Je saurai bien venger mon pays et mon père.
J'aurois déjà l'honneur d'un si fameux trépas,
Si l'amour jusqu'ici n'eût arrêté mon bras;
C'est lui qui, sous tes lois me tenant asservie,
M'a fait en ta faveur prendre soin de ma vie.
Seule contre un tyran, en le faisant périr,
Par les mains de sa garde il me falloit mourir ;

P. Corneille. I.

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20

Je t'eusse par ma mort dérobé ta captive;

Et comme pour toi seul l'amour veut que je vive, an
J'ai voulu, mais en vain, me conserver pour toi,
Et te donner moyen d'être digne de moi.

Pardonnez-moi, grands dieux, si je me suis trompée
Quand j'ai pensé chérir un neveu de Pompée, 22
Et si d'un faux-semblant mon esprit abusé
A fait choix d'un esclave en son lieu supposé.
Je t'aime toutefois, quel que tu puisses être ;
Et si pour me gagner il faut trahir ton maître,
Mille autres à l'envi recevroient cette loi, 23
S'ils pouvoient m'acquérir à même prix que toi:
Mais n'appréhende pas qu'un autre ainsi m'obtienne.
Vis pour ton cher tyran, tandis que je meurs tienne:
Mes jours avec les siens se vont précipiter,

Puisque ta lâcheté n'ose me mériter.

Viens me voir, dans son sang et dans le mien baignée, De ma seule vertu mourir accompagnée,

Et te dire en mourant d'un esprit satisfait :

<< N'accuse point mon sort, c'est toi seul qui l'as fait; Je descends dans la tombe où tu m'as condamnée,

Où la gloire me suit qui t'étoit destinée:

Je meurs en détruisant un pouvoir absolu;
Mais je vivrois à toi si tu l'avois voulu. »

CINNA.

Eh bien, vous le voulez, il faut vous satisfaire,
Il faut affranchir Rome, il faut venger un père,
Il faut sur un tyran porter de justes coups;

Mais apprenez qu'Auguste est moins tyran que vous.
S'il nous ôte à son gré nos biens, nos jours, nos femmes, 24
Il n'a point jusqu'ici tyrannisé nos ames;

26

Mais l'empire inhumain qu'exercent vos beautés 25
Force jusqu'aux esprits et jusqu'aux volontés.
Vous me faites priser ce qui me déshonore;
Vous me faites hair ce que mon ame adore;
Vous me faites répandre un sang pour qui je dois
Exposer tout le mien et mille et mille fois :

Vous le voulez, j'y cours, ma parole est donnée;
Mais ma main aussitôt contre mon sein tournée, 27
Aux mânes d'un tel prince immolant votre amant,
A mon crime forcé joindra mon châtiment,
Et, par cette action dans l'autre confondue,
Recouvrera ma gloire aussitôt que perdue.

Adieu.

SCÈNE V.

EMILIE, FULVIE.

FULVIE.

Vous avez mis son ame au désespoir.

ÉMILIE.

Qu'il cesse de m'aimer, ou suive son devoir.

FULVIE.

Il va vous obéir aux dépens de sa vie :

Vous en pleurez!

ÉMILIE.

Hélas! cours après lui, Fulvie;

Et, si ton amitié daigne me secourir,

Arrache-lui du cœur ce dessein de mourir ;

Dis-lui.....

FULVIE.

Qu'en sa faveur vous laissez vivre Auguste ?
ÉMILIE.

Ah! c'est faire à ma haine une loi trop injuste.

FULVIE.

Et quoi donc ?

ÉMILIE.

Qu'il achève, et dégage sa foi,

Et qu'il choisisse après de la mort ou de moi.

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SCENE I:

AUGUSTE, EUPHORBE, POLYCLETE, GARDES.

AUGUSTE.

Tour ce que tu me dis, Euphorbe, est incroyable. «

EUPHORBE.

Seigneur, le récit même en paroît effroyable:
On ne conçoit qu'à peine une telle fureur,
Et la seule pensée en fait frémir d'horreur.

AUGUSTE.

Quoi! mes plus chers amis ! quoi! Cinna! quoi! Maxime!
Les deux que j'honorois d'une si haute estime,

A qui j'ouvrois mon cœur, et dont j'avois fait choix
Pour les plus importants et plus nobles emplois !
Après qu'entre leurs mains j'ai remis mon empire,
Pour m'arracher le jour l'un et l'autre conspire!
Maxime a vu sa faute, il m'en fait avertir,
Et montre un cœur touché d'un juste repentir:
Mais Cinga!

EUPHORBE.

Cinna seul dans sa rage s'obstine, Et contre vos bontés d'autant plus se mutine; Lui seul combat encor les vertueux efforts

Que sur les conjurés fait ce juste remords;

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