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Mais si de vous servir je puis être capable,
Employez mon épée à punir le coupable;
Employez mon amour à venger cette mort.
Sous vos commandements mon bras sera trop fort,*

Malheureuse!

CHIMENE.

D. SANCHE.

Madame, acceptez mon service.

CHIMÈNE.

J'offenserois le roi, qui m'a promis justice.

D. SANCHE.

Vous savez qu'elle marche avec tant de langueur,
Que bien souvent le crime échappe à sa longueur;
Son cours lent et douteux fait trop perdre de larmes.
Souffrez qu'un cavalier vous venge par les armes :
La voie en est plus sûre, et plus prompte à punir.
CHIMÈNE.

C'est le dernier remède; et s'il y faut venir,
Et que de mes malheurs cette pitié vous dure,
Vous serez libre alors de venger mon injure.

D. SANCHE.

C'est l'unique bonheur où mon ame prétend;
Et, pouvant l'espérer, je m'en vais trop content.

SCENE III.

CHIMÈNE, ELVIRE.

CHIMÈNE.

ENFIN je me vois libre, et je puis, sans contrainte,

De mes vives douleurs te faire voir l'atteinte;

Je puis donner passage à mes tristes soupirs;
Je puis t'ouvrir mon ame et tous mes déplaisirs.
Mon père est mort, Elvire; et la première épée
Dont s'est armé Rodrigue a sa trame coupée.
Pleurez, pleurez, mes yeux, et fondez-vous en eau;
La moitié de ma vie a mis l'autre au tombeau, L
Et m'oblige à venger, après ce coup funeste,
Celle que je n'ai plus sur celle qui me reste.

ELVIRE.

Reposez-vous, madame. 2

CHIMÈNE.

Ah! que mal-à-propos
Dans un malheur si grand tu parles de repos!
Par où sera jamais ma douleur apaisée,
Si je ne puis haïr la main qui l'a causée?
Et que dois-je espérer qu'un tourment éternel,
Si je poursuis un crime, aimant le criminel?

ELVIRE.

Il vous prive d'un père, et vous l'aimez encore!
CHIMÈNE.

C'est peu de dire almer, Elvire, je l'adore;
Ma passion s'oppose à mon ressentiment;
Dedans mon ennemi je trouve mon amant;
Et je sens qu'en dépit de toute ma colère
Rodrigue dans mon cœur combat encor mon père:
Il l'attaque, il le presse, il cède, il se défend,
Tantôt fort, tantôt foible, et tantôt triomphant:
Mais, en ce dur combat de colère et de flamme,
Il déchire mon coeur sans partager mon ame;
Et, quoi que mon amour ait sur moi de pouvoir,
Je ne consulte point pour suivre mon devoir;

Je cours, sans balancer, où mon honneur m'oblige.
Rodrigue m'est bien cher, son intérêt m'afflige;
Mon cœur prend son parti : mais, contre leur effort,
Je sais que je suis fille, et que mon père est mort.

ELVIRE.

Pensez-vous le poursuivre ?

CHIMÈNE.

Ah! cruelle pensée!

Et cruelle poursuite où je me vois forcée!
Je demande sa tête, et crains de l'obtenir:
Ma mort suivra la sienne, et je le veux punir!

ELVIRE.

Quittez, quittez, madame, un dessein si tragique ;
Ne vous imposez point de loi si tyrannique.

CHIMÈNE.

Quoi! j'aurai vu mourir mon père entre mes bras,
Son sang crîra vengeance, et je ne l'aurai pas !
Mon cœur, honteusement surpris par d'autres charmes,
Croira ne lui devoir que d'impuissantes larmes !
Et je pourrai souffrir qu'un amour suborneur
Dans un lâche silence étouffe mon honneur! 3

ELVIRE.

Madame, croyez-moi, vous serez excusable
D'avoir moins de chaleur contre un objet aimable,
Contre un amant si cher : vous avez assez fait;
Vous avez vu le roi, n'en pressez point d'effet;
Ne vous obstinez point en cette humeur étrange.
CHIMÈNE.

Il y va de ma gloire, il faut que je me venge;
Et de quoi que nous flatte un désir amoureux,
Toute excuse est honteuse aux esprits généreux.

ELVIRE.

Mais vous aimez Rodrigue, il ne vous peut déplaire.

CHIMENE.

Je l'avoue.

ELVIRE.

Après tout, que pensez-vous donc faire?
CHIMENE.

Pour conserver ma gloire et finir mon ennui,
Le poursuivre, le perdre, et mourir après lui. 4

SCÈNE IV.

D. RODRIGUE, CHIMENE, ELVIRE.

D. RODRIGUE.

EH BIEN, sans vous donner la peine de poursuivre, 1 Assurez-vous l'honneur de m'empêcher de vivre,

CHIMÈNE.

Elvire, où sommes-nous ? et qu'est-ce que je voi?
Rodrigue en ma maison! Rodrigue devant moi!

D. RODRIGUE.

N'épargnez point mon sang; goûtez, sans résistance, La douceur de ma perte et de votre vengeance.

CHIMENE.

Hélas!

D. RODRIGUE.

Ecoute-moi.

CHIMÈNE.

Je me meurs.

D. RODRIGUE.

Un moment.

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Ote-moi cet objet odieux,

Qui reproche ton crime et ta vie à mes yeux.

D. RODRIGUE.

Regarde-le plutôt pour exciter ta haine,

Pour croître ta colère, et pour hâter ma peine.

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Plonge-le dans le mien;

Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien.

CHIMÈNE.

Ah! quelle cruauté, qui tout en un jour tue
Le père par le fer, la fille par la vue!

Ote-moi cet objet, je ne le puis souffrir:
Tu veux que je t'écoute, et tu me fais mourir!

D. RODRIGUE.

Je fais ce que tu veux, mais sans quitter l'envie
De finir par tes mains ma dép'orable vie ;
Lar enfiu n'attends pas de mon affection
Un lâche repentir d'une bounc action.

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