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Et, le combat fini, m'amenez le vainqueur.

Quel qu'il soit, même prix est acquis à sa peine;
Je le veux de ma main présenter à Chimène,
Et que, pour récompense, il reçoive sa foi.
CHIMÈNE.

Quoi! sire, m'imposer une si dure loi!

LE ROI.

Tu t'en plains; mais ton feu, loin d'avouer ta plainte,
Si Rodrigue est vainqueur, l'accepte sans contrainte.
Cesse de murmurer contre un arrêt si doux;
Qui que ce soit des deux, j'en ferai ton époux.

FIN DU QUATRIEME ACTE.

ACTE CINQUIÈME.

SCÈNE I.

D. RODRIGUE, CHIMENE.

CHIMÈNE.

Quor! Rodrigue, en plein jour'd'où te vient cette audace? Va, tu me perds d'honneur; retire-toi, de grace.

D. RODRIGUE.

Je vais mourir, madame, et vous viens en ce lieu,
Avant le coup mortel, dire un dernier adieu; 1
Mon amour vous le doit, et mon cœur qui soupire
N'ose sans votre aveu sortir de votre empire.

Tu vas mourir!

CHIMÈNE.

D. RODRIGUE.

Je cours à ces heureux moments

Qui vont livrer ma vie à vos ressentiments.

CHIMÈNE.

Tu vas mourir! Don Sanche est-il si redoutable
Qu'il donne l'épouvante à ce cœur indomtable?
Qui t'a rendu si foible? ou qui le rend si fort?
Rodrigue va combattre, et se croit déjà mort!
Celui qui n'a pas craint les Maures, ni mon père,
Va combattre don Sanche, et déjà désespère !

Ainsi donc au besoin ton courage s'abat!

D. RODRIGUE,

Je cours à mon supplice, et non pas au combat ;
Et ma fidèle ardeur sait bien m'ôter l'envie,

Quand vous cherchez ma mort, de défendre ma vie.
J'ai toujours même cœur ; mais je n'ai point de bras
Quand il faut conserver ce qui ne vous plaît pas :
Et déjà cette nuit m'auroit été mortelle

Si j'eusse combattu pour ma seule querelle ;
Mais défendant mon roi, son peuple, et le pays,
A me défendre mal je les aurois trahis.
Mon esprit généreux ne hait pas tant la vie,
Qu'il en veuille sortir par une perfidie :
Maintenant qu'il s'agit de mon seul intérêt,
Vous demandez ma mort, j'en accepte l'arrêt..
Votre ressentiment choisit la main d'un autre ;
Je ne méritois pas de mourir de la vôtre.
On ne me verra point en repousser les coups;
Je dois plus de respect à qui combat pour vous;
Et, ravi de penser que c'est de vous qu'ils viennent,
Puisque c'est votre honneur que ses armes soutiennent,
Je lui vais présenter mon estomac ouvert,
Adorant en sa main la vôtre qui me perd. 2

CHIMÈNE.

Si d'un triste devoir la juste violence,

Qui me fait malgré moi poursuivre ta vaillance,
Prescrit à ton amour une si forte loi

Qu'il te rend sans défense à qui combat pour moi:
En cet aveuglement ne perds pas la mémoire

Qu'ainsi que de ta vie il y va de ta gloire,
Et que, dans quelque éclat que Rodrigue ait vécu,
Quand on le saura mort, on le croira vaincu.

L'honneur te fut plus cher que je ne te suis chère,
Puisqu'il trempa tes mains dans le sang de mon père,
Et te fit renoncer, malgré ta passion,

A l'espoir le plus doux de ma possession;
Je t'en vois cependant faire si peu de compte,
Que sans rendre combat tu veux qu'on te surmonte.
Quelle inégalité ravale ta vertu!

Pourquoi ne l'as-tu plus? ou pourquoi l'avois-tu ?
Quoi! n'es-tu généreux que pour me faire outrage?
S'il ne faut m'offenser, n'as-tu point de courage?
Et traites-tu mon père avec tant de rigueur,
Qu'après l'avoir vaincu tu souffres un vainqueur ?
Non, sans vouloir mourir, laisse-moi te poursuivre,
Et défends ton honneur, si tu ne veux plus vivre. 3

D. RODRIGUE.

Après la mort du comte, et les Maures défaits,
Faudroit-il à ma gloire encor d'autres effets?
Elle peut dédaigner le soin de me défendre:
On sait que mon courage ose tout entreprendre,
Que ma valeur peut tout, et que dessous les cieux,
Auprès de mon honneur, rien ne m'est précieux.

Non, non, en ce combat, quoi que vous veuilliez croire,
Rodrigue peut mourir sans hasarder sa gloire,
Sans qu'on l'ose accuser d'avoir manqué de cœur,
Sans passer pour vaincu, sans souffrir un vainqueur.
On dira seulement : « Il adoroit Chimène;
Il n'a pas voulu vivre, et mériter sa haine;
Il a cédé lui-même à la rigueur du sort
Qui forçoit sa maîtresse à poursuivre sa mort:
Elle vouloit sa tête; et son coeur magnanime,
S'il l'en eût refusée, cut pensé faire un crime:

Pour venger son honneur il perdit son amour;
Pour venger sa maîtresse il a quitté le jour,
Préférant, quelque espoir qu'eût son ame asservie,
Son honneur à Chimène, et Chimène à sa vie. »
Ainsi donc vous verrez ma mort en ce combat,
Loin d'obscurcir ma gloire, en rehausser l'éclat;
Et cet honneur suivra mon trépas volontaire, 4
Que tout autre que moi n'eût pu vous satisfaire.
CHIMÈNE.

Puisque pour t'empêcher de courir au trépas
Ta vie et ton honneur sont de foibles appas,
Și jamais je t'aimai, cher Rodrigue, en revanche
'Défends-toi maintenant pour m'ûter à don Sanche.
Combats pour m'affianchir d'une condition
Qui me livre à l'objet de mon aversion.

Te dirai-je encor plus ? va, songe à ta défense,
Pour forcer mon devoir, pour m'imposer silence;
Et, si tu sens pour moi ton cœur encore épris,
Sors vainqueur d'un combat dont Chimène est le prix. 5
Adieu : ce mot lâché me fait rougir de honte.

SCÈNE I I.

D. RODRIGUE.

EST-IL quelque ennemi qu'à présent je ne domte?
Paroissez, Navarrois, Maures, et Castillans, I
Et tout ce que l'Espagne a nourri de vaillants;
Unissez-vous ensemble, et faites une armée,
Pour combattre une main de la sorte animée:
Joignez tous vos efforts contre un espoir si doux;
Pour en venir à bout c'est trop peu que de vous.'

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